Cinéma / GREEN BOOK, Les routes du Sud de Peter Farrelly

Les années 196O aux Usa, un chauffeur blanc et son employeur noir en plein cœur de la lutte pour les droits civiques,  voient bousculer tous leurs préjugés. Lutte de classe, rapports de dominations sociale, racisme…auscultés avec maestria. Adapté d’une histoire vraie, un magnifique plaidoyer pour la tolérance comme rempart, aux pires réflexes de l’âme humaine.

Connus pour leur comédies déjantées et provocatrices à succès ( Mary à tout Prix , deux en Un ..) , les Farrelly Brothers – Peter et Bobby- ont construit une œuvre, qui, sous l’aspect de la tonalité loufoque n’hésitaient pas à fustiger certains clichés contemporains. A l’image d’un contexte et des thématiques  dans lesquelles leurs personnages frontaux, se retrouvaient confrontés, emportés par le flot des comportements collectifs des pires dérapages « beaufs », ouvrant parfois , à la surenchère de la dérision , chère aux Marx Brothers. La prise en main , ici, -en solo- de la réalisation par le frère aîné, Peter, qui semble faire le grand écart avec les réalisations en commun, n’est pourtant pas si évidente que ça. Le racisme et autres préjugés déjà présents dans leur œuvre commune, en fait , c’est par le choix de la tonalité avec laquelle, Peter,  a choisi de le traduire , en une nouvelle approche porteuse de gravité et de noirceur, qui les différencie . Peut-être aussi,le fait que l’histoire vraie de départ et son contexte, trouve écho chez le cinéaste dans ce qu’elle révèle , en miroir, sur l’Amérique  d’aujourd’hui ( de D.Trump ) , où ici, les thématiques qu’elle soulève , se font l’écho d’une régression révélatrice de la manière dont la manipulation des plus bas instincts des comportements humains, est aujourd’hui  à nouveau utilisée . Celle dont , la vraie histoire que raconte le film, se fait l’écho d’un combat politique pour la dignité,  dont l’amitié entre le chauffeur raciste blanc et le pianiste noir dont il est le chauffeur, a réussi à triompher des préjugés , manipulations et autres discriminations , et ( ou ) oppositions, auxquelles ils ont dû faire face, lors de la tournée de concerts du pianiste, dans l’ Amérique raciste du Sud, dans ces années là ….

Don Shirley ( Mahershala Ali ) et Tony Lip – Viggo Mortensen ) – Crédit Photo: Métropolitan Filmexport distribution-

C’est d’une certaine manière aussi, en changeant de forme pour Peter Farrelly  de renouer avec un aspect du cinéma Américain progressiste d’hier, dont on retrouve , ici , la dimension de la fable humaniste. L’humour des oppositions qui séparent , le pianiste noir , Don Shirley ( Mahershala Ali ) et Toni Lip ( Viggo Mortensen) est un élément majeur de la description des différences du milieu social qui les oppose, et dans lequel va s’insinuer la gravité. Celle dont témoigne les magnifiques scènes où le pianiste ,va apprendre les mots du langage d’une culture , à laquelle son chauffeur dans son milieu ouvrier du Bronx n’a pas eu accès . Cet accès à la culture et à la connaissance  afin de se  construire un chemin vers la perception du monde, permettant de briser tabous et barrières . Comme vont l’illustrer les séquences où confrontés – tous deux à la réalité – les réactions dont chacun, s’appuyant sur un acquis lié à son milieu , va  devoir  trouver les moyens de faire face , ou au contraire s’embourber dans les difficultés. A l’image de Toni Lip dont la réaction violente apprise de la rue est souvent sa manière de réagir, en opposition à celle du «  compromis » choisi par Don Shirley, lui , contraint de se soumettre, malgré son éducation et sa position, à la loi de ségrégation raciste lui refusant  l’accès à certains endroits réservés aux Blancs,  desquels les noirs sont exclus. Celle dont le titre du film , « Green Book » s’inspire, faisant référence au livre dans lequel étaient recensés,à l’époque,les établissements dans lesquels les noirs n’étaient pas acceptés. Les séquences qui l’illustrent auxquelles tout au long du parcours , le pianiste va être confronté finiront par devenir, le centre de leurs discussions. Tony prenant conscience au fil du road -movie ,  de ce que le pianiste endure de la part d’une population blanche de la haute société, qui ne l’accepte que  pour ses qualités d’artiste, et refuse ( superbes séquences ) de le voir s’attabler pour manger dans la même salle de restaurant de l’hôtel où il est venu,  et  a été engagé …pour jouer , pour eux !.

Don Shirley ( Mahershala Ali ) se voit refuser de manger, à la table des  blancs! ( Crédit Photo: Metropolitan Filmexport Distribution’

Au fil de séquences dont Peter Farrelly , décrit les péripéties d’une lente approche faisant baisser la garde de chacun sur les préjugés et rapports de domination de départ liés aux différences sociales  qui s’installent, et  finissent par se « muer » et se renverser en une approche lente et subtile où s’inscrit ,  la provocation afin de  « titiller » l’autre , ou sa curiosité. Superbes scènes  jubilatoires, où le chauffeur au long du trajet interpelle le pianiste, sur ses goûts en matière musicale et lui décline une « liste » des  musiciens, noirs , chanteurs ou chanteuses, dont il est fan !…et dont , pour certains, le pianiste  ignore le nom!… ou encore,cette séquence d’échanges sur leurs goûts culinaires, où  Toni  va  forcer le pianiste à manger -ce qu’il a toujours refusé : du poulet frit !… et ce dernier finira par en devenir addict!. De la même manière que le pianiste , grand amateur de belles phrases et de littérateur , se moquant de la banalité « beauf! » des mots  utilisés par Toni, lorsqu’il écrit à sa femme  finira , tel Cyrano , par lui dicter les mots ; puis, lui apprendre les astuces d’écriture des belles tournures  qui rendront ses lettres  si appréciées , par la destinataire . Maître noir et chauffeur blanc, dont les rôles et position hiérarchiques sociales sont déjà inversés au départ,  et dont le chemin du rapprochement revêt dans le Sud raciste de l’Amérique d’alors une symbolique d’autant plus étonnante au cœur d’un pays où la lutte pour « les droits civiques » , est en marche. Comme le souligne la séquence , qui, suite à un incident au cours d’un contrôle policier, voit nos deux amis se retrouver en prison Toni, ayant frappé un policier auteur de propos racistes,envers Don Shirley . Le recours de ce dernier à un avocat lui permettant de se  sortir de l’ornière (prison et tournée terminée…) ,et du piège d’un commissaire et ses acolytes décidés à se  » payer » un noir!…

Tony Lip ( Viggo Mortensen) et sa femme ( Linda Cardellini) – Crédit Photo Métropolitaj Filmexport Distribution-

Le film est passionnant de bout en bout , traduisant ce que révèle le climat politique et social d’alors, avec ses violences attisées par le K.K.K dont l’apprentissage  de la violence et de la tragédie du vécu quotidien par la population de couleurs , laisse de marbre et les yeux fermés envers les exactions commises ( pendaisons…) cette bourgeoisie aisée qui se  précipite aux concerts du pianiste noir , renommé!. Ce constat d’intolérance et des pires réflexes de l’âme humaine ,  va finir par rapprocher les deux  individus   en tous  points différents , se retranchant  parfois dans la  boisson et la solitude , pour y faire face . Leur amitié  qui s’est construite  sur ce vécu ,  a perduré jusqu’à leur récente  disparition, en 2013.Le récit, porté magnifiquement par deux comédiens exceptionnels d’intensité , dont la force tranquille  toute en éclats de l’un et en nuances de l’autre , se mue en un apprentissage commun,  à la tolérance  qui réunit. Et qui surtout, se construit sur cette capacité d’ouverture et d’écoute, comme possibilité de sortir de l’impasse et briser les barrières. Celle de la solitude et de l’isolement créatif  que complique encore un peu plus sa sexualité , coupant Don Shirley de la réalité violente vécue par ses congénères moins favorisés . La tournée dans le Sud Raciste devenant, un défi à relever pour aller affronter la réalité, de la même manière que l’est, le choix du chauffeur issu d’un autre milieu pour l’accompagner, et va l’aider , via la confrontations de leurs personnalités et différences,  se télescopant. La séquence d’ouverture du film , et, celle finale , en traduisent  magnifiquement l’aboutissement que prolonge, le superbe personnage de la femme (Linda Cardellini)  de Tony , qui a poussé ce dernier à accepter l’opportunité de ce travail , consciente qu’il devait se sortir de l’impasse d’un dérive communautaire qui l’enfermait dans un engrenage négatif, et  pour s’en sortir ,  s’ouvrir  à d’autres possibles. Celle-ci , relayant via la lecture des lettres écrites à deux mains par son mari et le pianiste, à son entourage, dont elle n’est pas dupe  de l’influence positive qu’elle reflètent du vécu commun  qui a changé les deux hommes.  . Lors de la soirée de réveillon de Noël marquant le retour de son mari , elle a donc déjà préparé, en sous-marin , l’arrivée et l’accueil du nouvel ami  qui va rejoindre la fête. Le film de Frank Capra La vie est belle , ouvrait lui ,aussi , le geste de la main tendue et de la tolérance,  pour que  la vie  devienne belle  et  digne. Dans l’adversité d’un époque , Don Shirley et Toni Lip, l’artiste saltimbanque noir et le chauffeur blanc raciste du Bronx, ont fait  cette  démarche . Ce ne sont pas des héros d’une fiction idéaliste  mise en spectacle , mais bien ceux , d’une histoire vraie emblématique d’une amitié porteuse d’espoir , qui n’en est que plus émouvante ,  exemplaire  et  forte. Peter Farrelly signe – en solo–un très grand film. Ne le manquez surtout pas !…

( Etienne Ballérini )

GREEN BOOK , Les routes du Sud de Peter Farrely – 2019- Durée : 2h 10-

Avec : Mahershala Ali , Viggo Mortensen, Linda Cardellini, Sebastian Maniscalco, Dimiter Marinov …

LIEN: Bande -Annonce du  film, GREEN BOOK, les routes du sud de Peter  Farrelly .

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