Meurtre mystérieux sur une île du Bosphore, l’inspecteur mandaté par la Police centrale d’Istambul va se heurter au silence des habitants. Après My Sweet Pepper Land ( 2013 ),une nouvelle belle réussite du cinéaste Franco-Kurde …

La police centrale d’Istambul est sur les dents, l’assassinat de la romancière Américaine qui a élu domicile sur cette jolie île du Bosphore, risque de compliquer les relations diplomatiques avec les Etats-Unis. Pour tenter de démêler les fils de l’enquête et trouver rapidement le meurtrier, l’inspecteur Fergan ( Mehmet Kurtulus), est diligenté pour venir en aide au commissaire de police sur place. On retrouve au travers de ce récit investissant le genre ( polar) , le talent de conteur dont le cinéaste imprègne les intrigues de ses films depuis ses débuts, l’humour décalé s’y inscrit au cœur des rapports humains et sociétaux . On le retrouve , ici, dans les brumes hivernales de cette île microcosme emblématique de la société Turque et ses divisions séculaires gangrenées par le racisme anti-kurde et les traditions machistes persistantes, qui vont finir par perturber l’enquête et ré-activer, les tensions. La goutte de sang que l’on retrouve dans l’oeil de la victime , dont l’ADN doit permettre de découvrir le meurtrier , va devenir le » fil d’Ariane » dont l’inspiration mâtinée à la Agatha Christie , va irriguer les investigations. Le parfum du mystère aux accents « rétro » est dès lors en marche , pour le plaisir du spectateur pris , lui aussi dans les filets du suspense… dont le récit est conduit au travers du prisme du regard de l’inspecteur et son approche subjective , qui va bousculer le quotidien des habitants,et la quiétude de l’île.

« C’est au fil de l’écriture qu’une mécanique propre à l’histoire s’est imposée … » explique le cinéaste , excité par l’idée des chemins de traverse qu’il imposait dès lors d’emprunter . Belle idée permettant d’ouvrir des perspectives en contrepoint des clichés et des codes . L’intrigue habilement « tarabiscotée » à l’image de ce « test » ADN auquel hommes et femmes vont devoir se soumettre, qui finira par réveiller les démons des codes ancestraux régissant les rapports hommes-femmes , et ( ou ) ceux de l’honneur . Irrigué par le clin-d’oeil d’une mécanique comportementale désuète habilement caricaturée , à laquelle le soin apporté aux décors et aux lieux dans lesquels elle se déroule, offre, le reflet-miroir burlesque. Et la colère des « clans » qui s’attise envers l’inspecteur , va finit par mettre à nu tout se beau monde et ses réflexes protecteurs conditionnés. Le lâcher prise du récit peut dès lors se mettre en marche. Le voile du mystère qui se lève enfin , au delà du coupable qui n’échappera par comme il se doit à la punition , c’est tout un système qui va s’effondrer, avec lui. Celui des « liens » claniques , con-sanguins et de l’adultère, contraignant au secret . Le poids du racisme anti-kurde qui se révèle dans toute sa force humiliante subie , dans la magnifique scène du récit du rejet et de l’exil , que la mère fera à son fils.Comme celui du poids du machisme ancré dans les mœurs qui paralyse les femmes, et auquel le beau personnage D’Azra ( Ezgi Mola ) , va s’opposer, ouvrant les bras de l’amour et de la liberté enfin conquise de son corps . Le beau personnage -enfin- de Fergan en inspecteur menant à bien une enquête en terrain miné, qui va finir par mettre en évidence les contradictions d’une société dont le conservatisme , emprisonne le libertés . Distillant la haine qui arme, le bras meurtrier de celle-ci . L’hiver au cœur duquel le récit se déroule , la pluie et la brume qui monte depuis le golfe du Bosphore, ajoutent leur touche réaliste à cette atmosphère étouffante …
(Etienne Ballérini )
QUI A TUE LADY WINSLEY ?, d’ Iner Saleem – 2018- Durée : 1h 40
AVEC : Mehemet Kutulus, Ergün Kuyucu, Ezgi Mola, Turgay Aidin, Arin Kusaksizoglu, Mesut Akusta, Korkmaz Arslan…
LIEN : Bande-Annonce du Film : Qui a Tué Lady Winsley ? , de Hiner Saleem.
[…] Policier avec André Dussollier, Charles Berling, Eva Darlan. Ciné+Frisson à 19h10 – Qui a tué Lady Winsley ? de Hiner Saleem (2018 – 1h30).Sur la petite île turque où elle séjournait, la romancière […]