Découverte avec Les Merveilles (2014) elle avait remporté le Prix du Jury au Festival de Cannes. Son Nouveau film est une fable politique magnifique sur la misère et l’exploitation qui se perpétue dans le monde d’aujourd’hui . Le refus du misérabilisme et la poésie subliment le propos avec son personnage du « candide » , et a remporté un Prix du scénario mérité au Festival de Cannes 2018. A ne pas manquer …

C’est la cadre de la campagne qui est comme dans ses deux premiers films , encore ici au cœur du récit de la cinéaste. Un récit qui prend la dimension de la fable avec le personnage du jeune paysan Lazzaro, en candide, qui va s’ouvrir au monde. La démarche de la cinéaste est passionnante installant comme les Frères Taviani dans certains films, la thématique du conte et de la fable, pour y inscrire la dimension de la réflexion politique. Dans la première partie on découvre le héros travaillant sur le domaine « l’inviolata » de la Marquise Alfonsina De Luna . Un village resté à l’écart du monde où Lazzaro et une cinquantaine d’autres habitants travaillent sur les terres sans être rémunérés par la propriétaire. Celle-ci estimant que les laisser dans cette condition leur permet de ne pas prendre conscience de leur état de soumission et plutôt que de se révolter, ils sont tentés de reporter le même schéma qu’il subissent, sur d’autres .C’est ainsi que le jeune Lazzaro , trop bon et serviable , va devenir en quelque sorte leur valet. Mais entre valet et maître, parfois il peut y avoir rencontre fortuite et échanges produisant des effets inattendus. Le jeune fils ( Luca Chikovani, épatant lui aussi) révolté de la Marquise qui veut quitter la maison va se lier d’amitié avec Lazzaro ( Adriano Tardiolo, exceptionnel ) et vient s’installer dans son « coin secret » de la bergerie, puis, le persuade de l’aider à fuir en prétextant enlèvement, et demande de rançon. Le film joue aussi sur le tableau de la temporalité, de la poésie et du rêve. Et puis, va bifurquer dans le monde moderne. Le scandale de l ’exploitation de Lazzaro et des paysans découvert, sera porté au grand jour et la société généreuse va recueillir les exploités sur lesquels on s’indigne. Mais très vite on les oublie et ces derniers vont se retrouver à la rue et devoir se débrouiller. Les « temps modernes » vont les renvoyer à ce que fut l’exploitation et leur sort des temps jadis, mais cette fois-ci on ne leur propose plus rien , réduits à quémander et vivre au jour le jour . Ils vont errer de bidonvilles en zones incertaines des habitations squattées, ou vivre à la rue …et vont devoir recours à la débrouillardise pour tenter de s’en sortir. Magnifique scène, presque « Chaplinesque », de Lazzaro rejoignant un groupe d’errants, comme eux, sur la route. Puis retrouvant sur celle-ci, plus loin et plus tard, quelque-uns de ceux des exploités du village, aujourd’hui engloutis dans un monde moderne qui les ignore. Certains pensent qu’ils pourraient revenir à la propriété de la marquise et l’exploiter…« collectivement » !. Lazzaro le petit paysan candide et l’ange blond fils de la marquise vont se retrouver … et déchanter !. Le récit conduit magnifiquement emprunte les chemins d’une cinéma où le fantastique s’invite ( la scène avec le loup..) dans les paysages sublimes, ou gris- urbains, les croyances et la religion , le mystère et l’extraordinaire s’y invitent aussi.Quand la gravité surgit, une petite musique poursuit nos personnages gardant l’espoir, on pense tout à coup aux ouvriers miséreux du Miracle à Milan de Vittorio De Sica, et à son final magnifique. Alice Rohrwacher nous offre un grand film où la tendresse portée sur les individus, fait écho à la l’originalité et à l’inventivité de la mise en scène …
(Etienne Ballérini )
HEUREUX COMME LAZZARO d’Alice Rohrwacher –2018- Durée : 2h 07.
AVEC : Adriano Tardiolo, Alba Rohrwacher, Agnese Graziani, Tommaso Ragni, Luca Chikovani, Sergi Lopez, alino Balasso, Nicoletta Braschi…
LIEN: Bande-Annonce du film :Heureux comme Lazzaro, d’Alice Rohrwacher
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