La lutte contre l’Apartheid en Afrique du Sud. Le procès intenté à Mandela et ses sept compagnons de lutte . A partir de l’exhumation des documents d’archives sonores du procès (1963-64) , les auteurs ont effectué un magnifique travail ponctué par une superbe animation visuelle des documents audio , et surtout par les témoignages des poignants des survivants. Un documentaire, à ne pas manquer…
En 1964 et ses camarades sont condamnés à la prison à Perpétuité pour avoir organisé une campagne de sabotage dans le cadre de leur lutte contre l’Apartheid qui prenait une dimension nouvelle. Suite au massacre de Shaperville en 1960 où, au cours d’une manifestation Pacifiste des dizaines de manifestants sont tués par la police , l’état d’urgence et l’interdiction du Congrès National Africain (ANC) sont déclarés. Nelson Mandela est arrêté en 1962 , suivie par celle en Juillet 1963 des principales figures du mouvement anti-Apartheid Le film débute par l’élection de 1948 , ayant porté les nationalistes au pouvoir qui radicaliseront la politique d’Apartheid (interdiction de vote , de mariages mixtes et expulsion des noirs des centres urbains et ghettoïsation..). Certains leaders Nationalistes portés au pouvoir n’hésitant pas à afficher et se revendiquer des thèses Nazies. Dès lors les tensions se multiplient, manifestations et autres campagnes de désobéissance, entraînent de très nombreuses arrestations,et victimes dont celle du massacre de Sharpville qui sera le point culminant. Le cadre mis en place, et le procès intenté par l’état à Nelson Mandela et ses camarades de lutte : Govan Mbeki, Walter Sisulu, Denis Goldberg, Ahmed Katadra, Motsoaledi, Mlangeni, Mhlaba , aura le retentissement historique et international que l’on sait. La Peine qui pesait sur leur têtes étant : la mort, notamment au vu des charges terribles qui sont énumérés par l’accusation, au début du procès…

Mais ce que l’on ne savait pas, et ce que l’on découvre par ces enregistrements sonores ( car il n’existe aucune image filmée …) qui nous plongent au cœur du procès et des échanges serrés qui s’y déroulent, c’est la révélation de l’enjeu stratégique primordial de la défense des accusés, durant les 256 heures de celui-ci Une stratégie qui fait dire à Nicolas Champeaux : « J’étais bouleversé par ce que j’entendais – la qualité sonore, et l’émotion qui se dégageait. L’un des co-accusés, pourtant menacé de la peine de mort, rendait coup pour coup au procureur. Il ne recherchait en rien une relaxe ou une peine plus douce. Non, il voulait faire le procès de l’Apartheid, au risque d’aggraver son cas ... ». Une stratégie solidaire embrassée par tous les accusés et concertée afin de : faire du procès un procès politique, en plaidant non coupable et accuser le gouvernement d’être responsable de la situation ! . Une stratégie doublement emblématique, lorsqu’on sait l’issue du procès , et qui fut choisie , contre l’avis de leurs avocats qui rétrospectivement témoignent et analysent l’impact qu’elle a eu, sur celui-ci . Gilles Porte souligne, lui , la dimension Universelle que revêt ce combat qui fut mené , dont le retentissement en appelle aux consciences sur les droits humains à défendre : « Nelson Mandela et les autres se sont engagés sur une route où leurs vies personnelles étaient secondaires par rapport à la cause qu’ils défendaient… Qu’aurions nous fait à leur place ? Combien de Jean Moulin dans la France de 1940 ? Le procès contre Mandela et les autres évoque les notions d’engagement, de résistance, de résilience, d’indignation… », dit-il. C’est dans cette perspective que le film, grâce à ces archives, devient un témoignage passionnant …

D’autant que pour les auteurs à partir de l’élément brut sonore de départ , leur permet de construire un choix de récit d’autant plus passionnant qu’il réunit tous les éléments d’une dramaturgie Universelle . Celles dont les destinées collectives et individuelles se retrouvent au cœur de l’histoire. Comme le montrent les documents qui illustrent les « choc » des images de propagande du gouvernement ( la ville balnéaire de Durban, et le joie de vivre …) et celles de la réalité Townships miséreux , des arrestations, des manifestations réprimées. Et puis ce choix d’alterner archives sonores visuelles , témoignages des survivants du procès, et animation ( magnifique travail du Graphiste Aerd , où l’utilisation du noir et blanc se fait le reflet de la séparation de couleur de peau objet du combat contre l’Apatheid ) , celle que reflète d’ailleurs , le banc des accusés avec son caractère multiracial , dont la co-habitation revendiquée par le mouvement anti-Apartheid , devient au cours du procès un élément du débat qui permettant de prendre à défaut certains arguments de l’accusation. A cet égard est essentiel dans l’argumentation sur la responsabilité du gouvernement et sa politique raciste, la belle séquence du discours de Mandela au procès concernant la vision future de l’Afrique du sud « ou noirs et blancs vivront en paix » , celle -là même qu’il reprendra , lors de son discours d’investiture …

Mais le point fort du film, est aussi la mise en lumière des sept autres accusés et de leur rôle au sein de ce collectif. On y mesure ainsi, l’importznce de la figure de Walter Susulu ( accusé N.2) , considéré un peu comme « l’éminence grise de l’ANC », par sa proximité avec les habitants des townships et sa connaissance du mouvement. Il y a aussi l’influence de l’autre accusé : Ahmed Kathrada , disicple de Gandhi « la politique de résilience de Mandela ne vient pas de nulle part », note Gilles Porte . Les témoignages de tous durant le procès , et ( ou ) confirmés face caméra par les survivants, expliquant le choix collectif, et les sacrifice qu’il impliquait. Est mis en lumière également le tournant du passage aux actes de sabotage, comme réponse à la violence et à la cruauté du régime tout en cherchant à ne pas se renier « poser des bombes la nuit, pour ne pas faire de victimes » ,et préserver , le futur rêve « arc-en -ciel » d’une Afrique du Sud harmonieuse. Et il y a aussi les figures des avocats avec leurs émouvants commentaires rétrospectifs, et encore, celles du procureur raciste ( Percy Yutar ) …ou des traîtres. On y découvre, en toile de fond de Winnie Mandela s’exprimant sur le procès, comme les autres femmes des accusés ou leurs enfants, et y est soulignée également l’importance de la présence des femmes militantes au quotidien par leur investissement dans la lutte . Le film rend un vibrant hommage au delà des inculpés , à tous ceux qui ont combattu et se sont exposés. Le procès sera un tournant . En 1964 , les nations Unies décrèteront l’isolement diplomatique de l’Afrique du Sud , l’embargo sur les armes et la suspension des échanges culturels et sportifs . Mais en 1976, la police réprime le soulèvement de Soweto , l’indignation sera mondiale le gouvernement en place définitivement discrédité. En Février 1990 Mandela est libéré de sa prison de Robben Island. En 1994 , premières élections non raciales, Nelson Mandela est élu Président …
(Etienne Ballérini)
LE PROCES CONTRE MANDELA ET LES AUTRES de Gilles Porte et Nicolas Champeaux.
AVEC : Denis Goldberg, Hamed Kathrada, Andrew Mlangeni ( les ex-accusés ) , Georges Bizos , Joel Joffe ( les avocats ), David Yutar , Toni Strasburg, Max Susulu , Sylvia Neame, Winnie Mandela ( les protagonistes ) ….
LIEN : Bande-Annonce du film : Le procès contre Mandela et les autres de Gilles Porte et Nicolas Champeaux.