Affûts / Nice : Les nouvelles propositions Culturelles …grandeur et décadence.

Voilà un titre peut être ambitieux. Je ne fais pas un travail d’historien, ce ne sont pas mes fonctions, mais en tant que connaisseur et curieux de la culture, et donc de la culture à Nice.                                                                                                                          Comment ? La culture à Nice, n’est pas la même chose que la culture en général ? Disons qu’elle a ses « spécificités », ce que d’aucuns appelleraient des «traditions », ce que j’appellerais des archaïsmes. Et, paradoxe – mais ne sommes nous pas au pays des paradoxes- ces NPC (Nouvelles Pratiques Culturelles) ont fait leur nid au sein du Vieux Nice. Du neuf chez du vieux ? Pas si paradoxal que çà.
Dans le Vieux Nice, je vais chercher pour trouver. Alors non, je n’ai pas trouvé cet état d’esprit et cette convivialité, cette authenticité chère aux « c’était mieux avant ». Non je n’ai pas trouvé – ni recherché un idéal sans doute rêvé, sans doute fantasmé, sans doute idéalisé. Et ce que l’y ai trouvé, sans le chercher, au hasard, c’étaient des propositions culturelles différentes, nouvelles, et ce d’autant plus « nouvelles » qu’elles s’épanouissaient dans un environnement vécu – et vendu- comme « vieux ». Je rajoute que ces propositions culturelles nouvelles s’exprimaient dans des « lieux » nouveaux par leur différence, différents par leur nouveauté.
La première des propositions était un endroit inoubliable –au demeurant ils l’étaient tous- le « Tapas Movida ». Un peu d’explication.
Les tapas  sont des amuses gueules d’apéritifs ou de repas complet, traditionnels de la cuisine espagnole, présentés sous forme de choix de petits récipients et de petites tartines, chauds ou froids. Ils sont généralement dégustés à table, ou plus généralement debout, dans des bars dit « bars à tapas »

Serge Dotti Viva Garibaldi – Capture d’écran Facebook, Fréderic De Faverney –

Quant à La Movida  c’est le nom donné au mouvement culturel créatif qui a touché l’ensemble de l’ Espagne pendant la fin de la période de la transition démocratique espagnole au début des années 80.Le terme « movida » vient de l’espagnol « hacer una movida » qui signifiait alors quitter le centre de Madrid pour s’approvisionner en haschisch ou en drogues en tous genres et revenir le consommer dans la capitale
On voit donc les lignes directrices animées par le « taulier », Dante Caselli: un « quelque par t» où l’on trouve un peu à manger et beaucoup à boire, de manière festive, un « quelque part » où l’on pouvait voir, écouter « à la bonne franquette » des propositions novatrices, comme le « Othello 999 » du regretté Serge Dotti.                                                                   Quant à ce « quelque part » en lui-même…. Quand on y entrait, on plonger dans un ailleurs. Tables en bois autour desquelles pouvaient s’installer, sur des tabourets également en bois, une huitaine de convives, plus-ce qui était très souvent le cas- si l’on se serrait.
Dans la première salle était le bar. On faisait quelques pas et l’on arrivait dans la deuxième salle. Même type d’installation, mais sur toute la largeur de la pièce. C’était là que s’installait gens de théâtre et autres saltimbanques. Le lieu était comme un croisement de la Taverne de la Pomme de Pin et d’un « café brun » amstellodamois (1).
Une autre de ces propositions culturelles nouvelles, c’est (c’était) le Bonnet d’Âne.  Si le Tapas Movida m’évoquait cafés brun et taverne du Moyen Âge (qui réhabilitera cette période ?) ici c’était un vrai troquet parigot, une cave à jazz de St Germain. On entrait et, comme au Tapas Movida, on était dépaysé, on changeait de géographie et d’histoire.
Ces propositions culturelles nouvelles – aussi bien le lieu que ce qu’y passait- « tenait » grâce à la forte personnalité du « taulier » : Dante Caselli pour le Tapas, Philippe De pour le Bonnet d’Âne (De était le début de son nom) Personnalité émouvante et en même temps, comme dirait l’autre, enjoué, délicat mais aussi fort en gueule quant il le faillait. Une vraie personnalité se construit avec des contradictions internes. Une autre personnalité était le taulier du Bar de la Dégustation, Georges Gombert. Fréquentaient ce bar les habitués du Tapas et du Bonnet, dont votre serviteur. On y trouvait des avocats, dont la présence s’expliquent par la proximité de Palais de Justice, des individus pas tibulaires mais presque, des discuteurs acharnés qui disputaient jusqu’à plus soif.
Le Bonnet d’Âne… 3 années d’existence. Des dépouilles opimes comme la feue parution le Piss’Tout. Des jubilations comme La Planche à Tripes : hebdomadairement, trois éminents membres – dont votre serviteur- de la « bonnetdânerie » se réunissaient et débattaient avec chacun un parti pris, voire très pris, de l’actualité écoulée. Je suis en train de penser que cela ferait une très bonne chronique hebdomadaire radiophonique. Des rencontres inoubliables comme Serge Dotti, Jean Jacques Franchin, Perroin (je ne me souviens plus de son prénom) Gérard Dumontet, tous partis sans laisser d’adresse). De « belles » personnes bienveillantes, empathiques, toujours vivantes.

Philippe De – Crédit Photo: Jean Marc Bernard –

J’ai évoqué Serge Dotti. Non pour dire : Ah, sans lui le Vieux Nice ne sera plus ce qu’il était ! Je réponds Mais bien sûr. Rien n’est plus ce que c’était ! A commencer par la seconde précédente. Serge Dotti a semé les graines de la modernité. Par ses créations (Othello 999, son travail sur la marionnette, Hyde 1+1=1….), ses théâtres où il n’a jamais transigé sur la qualité et surtout l’intérêt de ce qu’il accueillait, et surtout, surtout, sa grande œuvre, Les Diables Bleus, qui a « germiné » au Bonnet d’Âne. Il a créé la F.A.R.E -Fédérations Art Recherche et Education- regroupant les compagnies théâtrales de la région.
Mais ces propositions culturelles nouvelles ont mal supporté le passage au XXIème siècle : le Bonnet d’Ane a défailli en 1999, les Diables Bleus ont été évacués en « manu policiari » en 2004.
En 1999, des collectifs d’artistes se rencontrent autour du projet d’occupation d’une caserne de chasseurs alpins – surnommés localement les Diables bleus
– abandonnée l’année précédente par l’armée, vendue à l’université et vouée à la démolition. Elle se situe à Saint-Roch, un quartier populaire de Nice. L’occupation de ce lieu est préparé minutieusement pendant six mois, une charte définissant le fonctionnement du lieu est élaborée et, lorsque tout est prêt, l’occupation est annoncée publiquement… Elle commence toutefois 48 h avant la date rendue publique pour que tout le monde soit déjà installé quand les forces de l’ordre arriveront. Le public présent au même moment permettra de bloquer une éviction rapide.
Le site occupé, de 800 m, est en relativement bon état. Il dispose d’un vaste parking qui sera transformée en jardin. Un puits est creusé pratiquement à la main pour rejoindre la nappe phréatique toute proche et pouvoir arroser. Le bâtiment étant sur deux étages, il a été décidé que le bas serait collectif et que le haut (douze salles) serait partagé en lieux privatifs pour les différents groupes. Mais…
Le collectif artistique niçois des Diables bleus a vu débarquer les fourgons de police le 1er décembre 2004 vers 6 heures, et il a compris que c’en était fini de la belle expérience qu’il menait, depuis cinq ans, dans cette ancienne caserne désaffectée. L’expulsion, demandée par le maire Jacques Peyrat (UMP, ex-FN) pour les travaux du tramway, s’est passée sans incident.

Jardin Des Diables Bleus – Crédit Photo: Les Urbains de Minuit –

Le Tapas a tenu jusqu’à la fin des années 2000. Comme le disant Dante Caselli, il a été remplacé par un vrai commerçant. Idem pour Le Bonnet d’Âne.
Alors, quoi ? Plus rien ? Des restos, des boutiques de fringue, des bars, un marché, des bouquinistes, une cathédrale. Non. Ca germe. Ca ne peut pas de pas germer. Mai quid ? Commodo ? Quando ?

(Jacques Barbarin)

(1 ) leur nom vient de leur intérieur décoré traditionnellement de bois brun, ainsi que de leurs murs jaunis par des siècles de fumée de tabac. La décoration est faite de vieux objets, d’anciennes bouteilles alignées pèle-mêle derrière le comptoir de bois patiné depuis bien longtemps. On trouve dans les cafés bruns d’Amsterdam une ambiance toujours vivante, on s’y entasse à l’heure de l’apéritif entre 5 et 6 heures, une atmosphère qui facilite les rencontres. La comparaison avec le Tapas Movida n’est donc pas si fortuite que ça.

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