Cinéma / Littérature : « René Viale, une vie pour le cinéma » de Dominique F.Dionisi

Exploitant de cinéma René Viale a été l’une des grandes figures de « passeur »  de cinéma sur l’Ile de Beauté. Ne comptant pas son temps pour y développer les salles et la diffusion Art et Essai, il a été aussi le créateur, il y a plus de 30 ans, du Festival du cinéma Italien. Au fil des multiples témoignages et entretiens, le livre rend un vibrant hommage à l’homme passionné qui s’est éteint à l’âge de 83 ans en avril dernier.

René Viale - Couverture du livre
La couverture du livre de Dominique F.Dionisi

Préfacé par le comédien Robin Renucci, d’emblée l’ouvrage (1) nous fait pénétrer au cœur du travail de ce «  maillon de la chaîne, le directeur de salle… », qui fait vivre le cinéma et qui, par ses choix de programmation, rattache le film au public et fait naître les futurs cinéphiles passionnés. A cette sorte de vocation, l’auteur et les témoins qui se succèdent nous font découvrir l’homme et sa passion née un printemps 1943, à Bastia alors occupée par les Allemands. Il avait 8 ans et n’avait jamais vu de film, mais, abonné à la bande dessinée « Spirou », lui vint l’idée, pour « divertir » ses copains, de découper les images et les coller les unes après les autres. Comme un montage de pellicule de film. Se servant ensuite d’une boîte à chaussures dont il découpe une ouverture destinée à les faire défiler ! En projectionniste, monteur et montreur d’images pour ses copains «  ainsi est née ma passion cinéma », dit-il. Au lendemain de la guerre, il passe un CAP de projectionniste, les cinémas retrouvent une programmation normale et c’est aux cinémas « Le Régent » et « Le Paris » qu’il fait son apprentissage occasionnel, car il doit gagner sa vie et passera par bien d’autres métiers… puis l’armée et la Guerre d’Algérie. A son retour, à 25 ans, au sein de l’association « Cinéma Familia », il s’aguerrit avec la programmation du ciné-club. Au fil des ans, elle lui permet de se perfectionner, de s’investir et de franchir le pas. En 1958, il se lance dans la programmation Art et Essai projetant Becker, Bresson, Fellini, dans « son » cinéma, « Le Studio »… et il tiendra bon face à la concurrence. Il créera ensuite, le premier cinéma en plein air à St Florent en 1972. Le succès lui permettra d’étendre l’expérience à d’autres villes balnéaires. Puis en 1982, ce sera la création du premier Festival du Film et des Cultures Méditerranéennes.

René Viale - Etore Scola - Francesco Rosi
René Viale en compagnie d’Ettore Scola et de Francesco Rosi – Photos extraites de « René Viale, une vie pour le cinéma »

Dans cet entretien fleuve, complété par les témoignages de sa famille, d’amis,de collaborateurs et de journalistes, qu’on vous laisse découvrir, René Viale nous fait pénétrer dans les coulisses de son aventure, ponctuée de rivalités politiques locales ou des relations – tendues – entre la collectivité territoriale et le continent. Le « Monsieur Cinéma  de Corse » fera face et on se rendra compte que son expérience et les liens qu’il a su tisser avec les instances nationales (L’AFCAE, cinémas d’Art et d’Essai) seront un atout en sa faveur. En 1982, le Festival du film et des cultures méditerranéennes voit le jour. A partir de 1986, le Festival du cinéma Italien, puis Les Journées du cinéma Espagnol et Latino-Américain et la Quinzaine du film Anglais se succèdent avec succès. Très prolixe, René Viale ne néglige aucun détail de ses activités et raconte par le menu les difficultés rencontrées avec les décideurs (subventions locales et/ou nationales) et les acteurs culturels ou politiques, avec lesquels il a dû mener le combat, parfois avec âpreté. Avec comme seul objectif : « la mise en avant de la dimension culturelle à remplir pour les générations futures  par son travail auprès des jeunes et des associations, y apportant ses idées et son savoir pour développer le cinéma dans l’île,l’appuyer et en faire connaître les premières réalisations des cinéaste locaux ,dans les années 1970 » . On peut mesurer, aujourd’hui l’effet relais de son travail, comme le souligne le journaliste Dominique Landron (2) dans l’entretien : « avec la multiplication des tournages et l’émergence de jeunes talents, comme Caroline Poggi et Jonathan Vinel (Ours d’or du court métrage à Berlin en 2016), et la filière de Colomba Sansonneti qui aide et soutien des jeunes cinéastes et techniciens ». Auquel il ajoute l’exemple de la belle réussite des deux films de Thierry De Peretti (Les Apaches – 2014 -, et Une vie Violente – 2017)…

On peut y voir dans cet élan, l’effet du travail obstiné de « passeur » de René Viale, dont les 76 ans de sa vie consacrés au cinéma ont dynamisé le parc cinématographique Corse et fait découvrir aux jeunes générations tant de beaux films qui ne seraient sans doute jamais arrivés dans les salles de l’Ile de Beauté. Les témoignages de sa famille (sa femme, sa fille) et de ses collaborateurs et proches (Denise De Casabianca, Lidia Morfino-Murati, Jean Baptiste Croce, Rinatu Fatozzi, Jean – Pierre Girolami, Charly Franceschi, Philippe Pilard) qui l’ont accompagné dans son chemin de vie de cinéma, en attestent : « pour le cinéma René a donné toute sa vie » comme le souligne sa femme Yvette Viale.

René Viale - Ken Loach
Photo extraite de « René Viale, une vie pour le cinéma » – Avec l’aimable autorisation de Ken Loach

Le dernier chapitre du livre, bouleversant, nous le fait mesurer au travers du superbe « cadeau » qui lui a été offert par l’auteur du live. En effet, René Viale, admirateur du grand cinéaste Ken Loach, n’avait jamais pu, pour de multiples raisons, faire venir le cinéaste à la Quinzaine du cinéma britannique de Bastia. Alors tout le monde va se mobiliser et mettre en œuvre – en secret – la surprise de la venue du cinéaste lors de la trentième édition, afin de remercier René de ce qu’il a fait pour le cinéma Corse . Ken Loach se prête au jeu. La venue du cinéaste, accompagné de sa femme Lesley, enflamme Bastia qui lui fait un triomphe. Ken Loach disponible, se plaît aux échanges avec le public et rendra visite aux élèves des établissements scolaires. Amateur de football, comme on le sait, il se rendra même au stade de Armand – Cesari à Furiani, pour se recueillir devant la stèle rendant hommage aux victimes de la tragédie du match Bastia -Marseille ! Moments inoubliables pour René Viale, qui aura vu « son rêve » de voir son cinéaste préféré à Bastia se réaliser enfin !

L’auteur termine par ces mots : « Tout au long de ma vie professionnelle comme privée, j’ai eu la chance et l’honneur de rencontrer quelques hommes et femmes hors du commun. Quelques personnes célèbres et des héros ordinaires… René Viale, Ken Loach et un certain nombre d’autres sont de ceux là ». Il signe un livre d’entretiens passionnant, que l’on vous recommande vivement.

(Etienne Ballérini)

(1) Publié par les éditions : Stameria Sammarcelli.
(2) Dominique Landron. Chroniqueur Cinéma à Radio Frequenza Mora et au quotidien régional « Corse Matin » .
(3) Dominique F. Dionisi. Grand amateur de cinéma, il travaille pour l’UNESCO dont il est le porte -parole de l’appel international pour la sauvegarde des « Murales » de Diego Rivera à Détroit (Michigan), pour lesquelles il fut auparavant, lanceur d’alerte.

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