On continue à les appeler les Pinçon-Charlot

Ce titre en hommage au Western (On continue à l’appeler Trinidad) pour parler du dernier opus des enfants terribles de la sociologie, les Pinçon-Charlot.

Elle, Monique Pinçon-Charlot, née en 1946  directrice de recherche au CNRS jusqu’en 2007, année de son départ à la retraite.Lui, Michel Pinçon, son mari, né en 1942, également directeur de recherche au CNRS. Ils travaillent en général en collaboration. Ils se sont intéressés aux normes sociales, aux dynasties, bourgeoises ou nobles, aux nouveaux entrants dans le monde de la richesse, ainsi qu’aux loisirs et aux us et coutumes des familles fortunées.
Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot font porter leurs travaux sur la haute société – noblesse fortunée et grande bourgeoisie. À partir d’une démarche anthropologique, l’objectif de leurs travaux est de donner à voir les modes de vie et les niveaux de fortune peu connus du grand public. Leur analyse s’intéresse en particulier aux processus de la reproduction sociale dans cet univers. Ils analysent également la transformation des beaux quartiers en quartiers d’affaires, ainsi que le processus de la transmission des fortunes récentes en étudiant les stratégies des nouveaux patrons récemment enrichis. Ils observent les châtelains dans leur rapport à leurs demeures hors du commun, dans les efforts qu’ils déploient pour en assurer le maintien dans la sphère familiale, et dans les interventions publiques en leur faveur.
Qu’est-ce qu’un riche ? Monique Pinçon Charlot répond à Agnès Rousseaux dans une interview sur http://www.bastamag.net : «…Sociologiquement, le terme « riche » est un amalgame. Il mélange des milieux très différents, et regroupe ceux qui sont au top de tous les univers économiques et sociaux : grands patrons, financiers, hommes politiques, propriétaires de journaux, gens de lettres… Mais nous utilisons délibérément ce terme. Car malgré son hétérogénéité, ces « riches » sont une « classe », mobilisée pour la défense de ses intérêts. Et nous voulons aujourd’hui contribuer à créer une contre-offensive dans cette guerre des classes que mènent les riches et qu’ils veulent gagner»
Et leur dernier opus est une bande dessinée, Les riches au Tribunal. Ca vous a un petit coté Tintin au pays de la thune. Sauf que là, ils sont deux ! Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon. Et le riche en question est… En décembre 2012. la France, stupéfaite, découvre que Jérôme Cahuzac, le brillant ministre socialiste du Budget, responsable de la lutte contre la fraude fiscale, serait titulaire d’un compte bancaire en Suisse non déclaré. Et très vite il apparaît que le premier des gendarmes s’avère être un fraudeur de belle envergure !
Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon vont au tribunal suivre chaque instant du procès. Bientôt accompagnés du dessinateur Etienne Lécroart. Ils épluchent les documents,  poursuivent l’enquête pour  dévoiler tous les ressorts et les arcanes de ce système bien plus vaste et collectif qu’il n’y paraît.
Et cela sera donc Les riches au Tribunal. Mais parlons un peu d’Etienne Léocrat. C ‘est un auteur de bande dessinée né en 1960.  Il réalise plusieurs livres de bande dessinée et de dessin d’humour dans différentes maisons d’édition. Il est membre de l’Oubapo (Ouvroir de bande dessinée potentielle) depuis le 2 juillet 1993, dont il est l’un des piliers. Il est par ailleurs commandeur  de l’ordre de la Grande Gidouille au Collège de Pataphysique.
Parmi ses travaux, Lécroart compose des bandes dessinées basées sur la « plurilecturabilité »: lisibles à la fois horizontalement, verticalement et obliquement, par exemple la bande dessinée palindromique Cercle Vicieux qui peut être lue de la première à la dernière case ou vice versa. C’est vous dire l’humour du bonhomme.
La bande dessinée« Les riches au tribunal » se présentent tel un reportage : les Pinçon-Charlot et Etienne Léocrat assistent au procès de Jérôme Cahusac. Le « journaliste », en l’occurrence, c’est Léocrat, qui « transmet » le récit de nos duettistes.
Mais, même en BD, la procédure judiciaire, le « verrou fiscal », l’évasion fiscale, ce n’est pas dit que cela soit d’une compréhension immédiate. D’où la méthode de récit, l’angle d’attaque, adoptée par le dessinateur.
Bien sûr Léocrat apparait dans l’histoire, puisqu’il assiste avec les deux au procès Cahusac, mais, comme nous ignorant de la procédure, de la fiscalité, et patin et couffin, il commet au début des bévues et, pour se raccrocher au branches, il ne trouve finalement rien d’autre que de demander toute honte bue, c’est quoi un verrou fiscal, and so on. Au fond, il a le rôle de Cratyle dans le dialogue éponyme de Platon : il est un accoucheur de récit. Dit autrement, c’est un peu le « nessi », en occitan le nigaud, de l’histoire. C’est en quelque sorte « La fraude fiscale pour les nuls »
Pierre Bourdieu disait que la sociologie était un sport de combat. Les dernières pages le prouvent ardemment, surtout sous le dessin à l’humour ravageur de Léocrat. Et pour terminer, Les annexes – sur la page où et mentionné en titre ce terme Léocrat  dessine un Cahuzac dunitatif disant « pas terrible, comme titre, j’aurais préféré bonus »- nous présente la chronologie Cahusac, la galaxie Cahusac, les dégâts de l’évasion fiscale condensés en une seule page, tout cela sous le crayon dévastateur de Léocrat.
Son style est celui de la ligne claire, avec une exagération de détails, pour les personnages, tendant à ridiculiser le modèle. A commencer parr les trois protagonistes.
Lors de la présentation de cette BD, à la fête de l’Huma, Monique Pinçon disait que certaines vignettes encore la faisaient hurler de rire. Et nous donc, alors. Une urgence, si vous voulez hurler de rire, et comprendre l’incompréhensible pour nous, simples citoyens.  Castigat  ridendo mores. Cette œuvre châtie les meurs en riant.

Jacques Barbarin

Les riches au Tribunal, Monique et Michel Pinçon Charlot, Etienne Lecroart, éditions Seuil Delecourt, 18,95€

 

 

 

 

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s