Sélectionné à la Section Un certain Regard en Mai dernier au Festival de Cannes le film de la cinéaste Kenyanne y a fait sensation. Superbe portrait sur un amour de jeunesse , sur l’homosexualité féminine et contre l’intolérance , le film y a été interdit dans son pays …

Le second long métrage de la cinéaste , nous entraîne dès les premières images de son récit à la rencontre des deux jeunes filles, Kena (Samantha Mugatsia) et ziki (Sheila Munyia ) , vivant dans le même quartier de Nairobi . Look et habits qui les individualisent dans leurs différences et caractères. Kena c’est celui du garçon manqué qu’elle laisse paraître aussi dans ses attitudes où parfois le manque de confiance et la maladresse, qu’elle tentera de compenser par un revirement empreint d’une attitude bougonne ou provocatrice .., qui donne envie de lui pardonner . Ziki , elle, avec son look de « poupée » qui en jette avec les couleurs vives de ses habits et de sa coiffure , est aussi plus délurée et ne manque pas de faire des « virées » avec ses copines dans les bars ou d’autres espaces de ville . C’est lors de l’une d’elle dans le quartier où vit Kena que le « flash » se produit entr’elles, qui , par petites approches, va se concrétiser par le biais d’un désir amoureux dont la nécessité du partage des sentiments traduit , chez elles le désir de passer le cap leur permettant d’afficher leur différence. Se sentir appuyé par l’autre et affronter les regards , dévient dès lors un « défi » plus facile . D’autant qu’elles n’ignorent, ni l’une ni l’autre, ce qu’il peut en coûter de montrer leur différence , et ce que cela , peut susciter comme regards désapprobateurs. Le sujet abordé par la cinéaste était risqué, l’homosexualité étant « tabou » dans son pays , mais cela ne l’ a pas faite reculer , refusant d’être cataloguée comme une « militante » de la cause . En tant que femme , ce sont les « sujets concernant celles-ci » ( ces jeunes filles… ) qui l’intéressent , dans ce qu’elles sont amenées à vivre au quotidien , dit-elle ….

Adapté du livre Jambula Tree de l’écrivaine Monica Arac de Nyeko , que la cinéaste souhaitait porter à l’écran , elle a choisi de montrer la jeunesse moderne de son pays hors des clichés et ses aspirations défiant certains « tabous » de la société Africaine . Et son regard se veut « universel » dans ce qu’il et représente comme combat quotidien « « Il y a dans Rafiki quelques éléments propres au Kenya, mais cela n’empêchera pas une adolescente française qui découvre qu’elle est lesbienne de s’identifier aux héroïnes. » , dit-elle . Comme le montrent les premières scènes du film où les discussions entre les jeunes laissent percevoir des points de vues divergents sur les rapports garçons / filles, et les réactions insultantes que suscitent les comportements « différents » , chez les ( ou certains …) garçons . L’amitié qui prend la dimension Amoureuse entre Kena et Ziki , se reflète même sur le plan Politique, puisque leurs pères sont candidats rivaux aux élections .. laissant entrevoir des points de vues politiques différents . Le récit analyse aussi le poids du regard des femmes plus âgées , ainsi que celui de la religion qualifiant les « fautives » de « sorcières », et pointe les réactions violents menées , envers les « déviants » . La mise en scène est soignée et efficace , les comédiennes sont excellentes. L’interdiction dont il fait l’objet fait mesurer si besoin était , que le combat contre l’intolérance , ne doit jamais baisser la garde … la sanction de la censure Kenyanne stipulant dans ses attendus « qu’il légitime l’homosexualité » , n’a fait que légitimer …la volonté affichée par la cinéaste de porter au grand jour le sujet « tabou » et montrer , le désir de liberté d’une jeunesse dont elle sublime les élans, dans chacune des séquences qui deviennent le miroir d’une réalité, dont les censeurs veulent brider l’éclosion . …

Celle dont ,ici ,les deux héroïnes emblématiques renvoient , à leurs familles et aux politiques de la société Kenyanne , l’obscurantisme des carcans dans lesquels , elle reste figée . Ceux qui révèlent , les fortes et dures séquences de violence ou de tentative de lynchage auxquelles vont devoir faire face , les deux jeunes filles, dont l’élan sincère de leur cœur, est vu comme crime ! . Mais il est vrai que souvent ce sont les vrais criminels qui se parent des habits d’un ordre moral hypocrite qu’eux-mêmes n’hésitent pas à bafouer ,quand il s’agit de défendre certains de leurs intérêts ! . A cet égard , les deux rivaux politiques que sont leurs pères respectifs , n’ont rien à envier à l’obscurantisme déployé par les sectes et autres factions religieuses , qui s’adonnent avec un plaisir macabre aux violences punitives, réveillées par leurs démons « purificateurs » !..
( Etienne Ballérini )
RAFIKI de Wanri Kahiu – 2018- durée : 1h 22.
AVEC ;Samantha Mugatsia, Sheila Munyiva , Jimmi Gathu …
LIEN / Bande -Annonce du film : Rafiki de Wanuri kahiu…..