Après Notre jour viendra (2010) ,le second long métrage du cinéaste nous plonge dans l’Univers de la banlieue et des trafics . Règlements de comptes , enlèvements et arnaques au cœur de l’ascension d’un petit dealer en forme de polar ponctuée par le décalage du dérisoire et de l’absurde , bousculant les clichés. Sous l’aspect provocateur et survitaminé , la mise en scène offre épaisseur et profondeur à l’intrigue et aux personnages. Une belle réussite …

La scène d’ouverture en est à cet égard un exemple avec cette descente nocturne, mettant en scène la bande de Poutine ( Sofian Khammes ) roulant les mécaniques qui se rêve en Gangster style Tony Montana dans le Scarfacede Brian De Palma ! . Au cœur du coup bien monté et réussi , c’est tout à coup la surprise de l’enjeu qui en est l’objet révélant l’inattendue fragilité du personnage et ses manques. C’est l’envers des postures et des apparences qu’inscrit Romain Gavras, dans un récit dont on vous laissera découvrir la succession d’événements et de retournements de situations insolites , au cœur d’une écriture scénaristique à trois ( avec Karim Bukercha et Noé Debré) , très efficace . Dès lors le récit et la mise en scène qui l’accompagne à la dimension humaine qui est au cœur à laquelle les auteurs se sont attachés , afin d’ apporter le pendant réaliste nécessaire souhaité. A cet égard en témoigne , le travail en amont , effectué par le cinéaste et son équipe, multipliant les consultations d’avocats et de journalistes spécialisés sur les affaires , ainsi que les éléments recueillis dans les tribunaux lors des comparutions immédiates. « C’est au travers de ces histoires qu’un univers beaucoup moins mystérieux et glamour que le cinéma de genre a l’habitude de le peindre , a vu le jour. L’univers de la petite voyoucratie appelle davantage à la comédie qu’au film noir, des petites frappes sensibles, des situations absurdes, mais finalement très humaines et incarnées », confie le cinéaste . C’est donc imprégné par ces éléments que celui-ci a construit ses personnages , dont celui de François ( Karim Leklou ) petit dealer rêvant désormais de se faire sa place au soleil . Grâce à l’acquisition légale d’une licence lui permettant de devenir le distribuer d’une célèbre marque de glace ( Mister Freeze) au Maghreb …

Mais voilà que son rêve sur le point de se réaliser et les investisseurs Maghrébins séduits par son éloquence et ses propositions, celui-ci va se retrouver en panne à cause de la dilapidation des économies familiales par une mère Danny ( Isabelle Adjani ) » addicte » au jeux, dilapidant les économies familiales . Dès lors , pour rattraper la situation François , va être obligé de s’en remettre à Poutine, le caïd de la cité dont le « plan » de trafic de drogue avec des contacts Espagnols, est en marche …le partage des bénéfices de la vente pourrait permettre à François chargé des l’affaire, de remettre en oeuvre son rêve . Mais, avec l’appui de la bande des « déjantés » de Poutine qui se la jouent , et sa mère qui s’en mêle , ça va pas être de la tarte ! …d’ailleurs tout va finir par se dérégler comme dans Le Pigeon de Monicelli. Avec en toile de fond les éléments chers à la comédie Italienne de la belle époque, laissait percevoir l’état des lieux d’une société gangrenée par la corruption et la misère sociale . Ici , les éléments servant de moteur à celle-ci , est remis dans le contexte moderne avec la plongée dans les cités . Il y révèle – au delà des clichés souvent véhiculés- via le personnage de François et ceux qui l’entourent , l’univers de la petite « voyoucratie » et ses dérives ( trafics…) pour se sortir d’un quotidien sans espoir . Un quotidien ( belle idée …) où s’inscrit aussi, celui de femmes souvent fortes ( la mère , la petite amie ..) . Et puis suivant le fil du déroulement des événements extérieurs, s’y décline également celui sur l’état du monde d’aujourd’hui . Avec ses espaces ( les pavillons de banlieue parisienne , la cité balnéaire Espagnole de Costa Blanca… ) environnementaux, objets de rejets et ( ou ) d’attractions . Révélant un toile de fond où s’invite le constat d’une actualité faisant écho non seulement aux trafics de toutes sortes , mais également aux rejets et réflexes ( flux migratoires , Narco-terrorisme, complotisme… ) qu’ils provoquent .

Dès lors le récit porté par une mise en scène sans cesse en mouvements à laquelle le beau travail sur les espaces et les cadrages du directeur de la photographie , André Chemetoff , offre le cadre dramatique idéal , pour y inscrire les destinées qui s’y perdent où rêvent de s’en extraire pour tenter de construire une autre vie, comme c’est cas de François. Ce sont ces destinées, les rêves et les failles qu’elles révèlent qui font le prix du film et de sa galerie de personnages d’anti-héros dont Romain Gavras déconstruit l’image y insufflant la poésie . Donc en complément de Poutine fragile et « à la masse » qui se la joue « parrain de la cité » comme on l’a souligné , il y a les deux Mohammed ( black et beur) dont le délire paranoïaque n’a d’égal que leur facilité, pour la frime, à dégainer les « Kalach… » et tirer avant de réfléchir !. Il y a également Vincent, l’avocat ( Philippe Catherine ) spécialisé dans la défense des gangs et aussi René ( impayable François Damiens ) qui viendra se joindre au lot de la bande censée prêter main forte à François en cas de pépin dans le « deal » Espagnol . Où se retrouve aussi , à peine sorti de prison Henry ( Vincent Cassel ) , ancien amant toujours amoureux de Danny , la mère de François . Ce dernier compose encore ( après le récent Fleuve Noir d’Eric Zonca ) , un personnage formidable de naïf largué, addict aux sites de sociétés secrètes conspirationnistes , qu’il consulte sur internet . S’y ajoute la petite amie de François, ( Oulaya Amamra , vue dans Divines d’Houda Banyamina ) que complète celui de Danny , la mère de François, sur la thématique de la dépendance de ce dernier aux désirs féminins . Celui de la séduction pour cette dernière , et celui des rapports mère/ fils , dont Danny mère possessive, use et abuse , envers un François qui aura bien du mal à coupe le cordon ombilical .

Le « duo » mère/ fils au cœur du film, est magnifiée par les deux comédiens. Karim Leklou ( François ) qui le sert par une interprétation tout en finesse , offrant à son personnage une superbe résonance poétique et une intensité dramatique par la maturité, qui, de scène en scène semble au cœur des événements , prendre corps. Le récit -habilement- nous met en empathie avec lui . Il est parfait face sa mère campée par une Isabelle Adjani en pleine forme , métamorphosée par la fantaisie qu’elle fait irradier de son personnage de mère ultra possessive, addicte au jeu, mais pleine de ressources pour faire face à tous les dangers . Utilisant tous les stratagèmes – dont le prétexte maternel et protecteur – mais aussi se montrant suffisamment maline , sachant se métamorphoser en arnaqueuse ou en « chef de gang » des voleuses de grands magasins , et encore , venir se déhancher en Burkini ( scène qui deviendra sans doute culte… ) au bord de la piscine Espagnole , au moment de la transaction de la rançon. Basé sur ces enjeux , le duo fonctionne à merveille d’autant que, vous l’avez compris , il est entouré d’une galerie de personnages singuliers, dont certains secondaires, qui viennent l’enrichir. Réjouissant … .
(Etienne Ballerini )
LE MONDE EST A TOI de Romain Gavras – 2018- Duée : 1h34.
AVEC : Kaim Leklou , Isabelle Adjani, Vicent Cassel, Oulaya Amamara, Sogian Khammes Mounir Amamra, Mahmaodou Saengare, Robert Lyndon Harry, Franois Damiens , Philippe Katerine ..
LIEN : Bande-Annonce du film : Le Monde est à Toi de Romain Gavras .
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