Centième anniversaire de la naissance de Nelson Mandela. Ami lecteur, tu va être abreuvé de bios, de films, tu va pouvoir voir ou revoir Invictus, le film de Clint Eastwood….. A ce propos, pourquoi ce titre ? Invictus, c’est un poème que, dans le film, Nelson Mandela – Morgan Freeman – remet à François Pienaar – Matt Damon- le capitaine des Springboks.

Invictus est un poème de l’écrivain William Ernest Henley qui fut cité à de très nombreuses reprises dans la culture populaire anglophone, ce qui contribua à le rendre célèbre.
Le titre latin signifie « invaincu, dont on ne triomphe pas, invincible» et se fonde sur la propre expérience de l’auteur puisque ce poème fut écrit en 1875 sur son lit d’hôpital, à la suite de son amputation du pied. William Henley disait lui-même que ce poème était une démonstration de sa résistance à la douleur consécutive à son amputation.
Lorsque le texte est écrit, William Henley a vingt-cinq ans. Il survivra à son opération et vivra avec un seul pied jusqu’à l’âge de cinquante-trois ans.
Out of the night that covers me, Black as the pit from pole to pole,
I thank whatever gods may be For my unconquerable soul.
In the fell clutch of circumstance
I have not winced nor cried aloud.
Under the bludgeonings of chance
My head is bloody, but unbowed.
Beyond this place of wrath and tears
Looms but the Horror of the shade,
And yet the menace of the years
Finds and shall find me unafraid.
It matters not how strait the gate,
How charged with punishments the scroll,
I am the master of my fate :
I am the captain of my soul.
Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient,
Pour mon âme invincible.
Dans de cruelles circonstances,
Je n’ai ni gémi ni pleuré,
Sous les coups du hasard,
Ma tête saigne mais reste droite.
En ce lieu de colère et de pleurs,
Se profile l’ombre de la mort,
Et bien que les années menacent,
Je suis et je resterai sans peur.
Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme.
Ce poème joue un grand rôle dans la vie de Nelson Mandela durant sa période d’incarcération à Robben Island. Un autre élément est constitutif de la personnalité de Mandela : la philosophie Unbutu.

Le mot ubuntu, issu de langues bantoues du sud de l’Afrique désigne une notion proche des concepts d’humanité et de fraternité. En Afrique du Sud, ce terme a été employé pour dépeindre un idéal de société opposé à la ségrégation durant l’Apartheid, puis pour promouvoir la réconciliation nationale. Cette notion pourrait être traduite par « je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous ». On Voit comment la commission de la vérité et de la réconciliation a pu trouver son origine dans l’application de cette pensée.
Conformément aux négociations de la période de transition*, cette commission, présidée par l’archevêque anglican et prix Nobel de la Paix Desmond Tutu, est créée pour recueillir le récit des exactions et des crimes commis sous l’apartheid par le gouvernement, les forces de sécurité mais également par les mouvements de libération comme l’ANC. Pour Desmond Tutu, « sans pardon, il n’y a pas d’avenir, mais sans confessions, il ne peut y avoir de pardon. » L’objectif affiché est que, dans une sorte de catharsis, les personnes et communautés blessées par les événements passés du pays se voient ainsi offerte la possibilité de confronter différentes lectures du passé pour mieux tourner une page historique douloureuse. Les coupables de violence sont encouragés à se confesser, une amnistie étant offerte en cas d’aveux. En l’absence de confession ou de refus de se présenter devant la commission, des poursuites judiciaires peuvent être engagées si les autorités ont suffisamment de preuves pour engager une procédure. Sur le plan judiciaire, la peine de mort, dont l’application était suspendue, est abolie par le parlement.
Nelson Mandela fait l’objet d’un véritable culte iconographique dans son pays, fresques peintes sur les murs du Township de Soweto et partout, sur les palissades et les façades de maintes villes ou villages, statues de bronze multiples à Pretoria, au Cap, à Johannesburgh, la représentation de son visage a été reproduite sur toutes sortes de support, pièces de monnaie, billet de banque, timbres, textiles ; il est devenu de son vivant la conscience même de son peuple. Il est à lui seul un hymne national, une profession de foi, et peut-être fera-t-il l’objet un jour d’une mystique. Il a concentré sur lui la forme symbolique, le point focal et de fusion d’une identité incarnée, apaisée mais encore fragile.

Bien sûr, je ne parle pas des écoles Nelson Mandela, dont en France, de l’Université Nelson Mandela en Afrique du Sud, aux ponts Nelson Mandela dont deux en France, la promotion Nelson Mandela 2001 de l’ENA… et j’en oublie. Il existe aussi une commune de la ville métropolitaine de Rome capitale dans le Latium en Italie qui porte le nom de Mandela. A priori, aucun lien. Quoique…
Asimbonanga (« Nous ne l’avons pas vu »). Vous vous rappelez cette chanson du groupe sud-africain Savuka composé, écrite par Johnny Cleg et créée en 1987. Son texte, politiquement engagé — surtout pour l’Afrique du Sud de l’époque —, est dédié à Nelson Mandela alors emprisonné, et y fait explicitement référence : (« Look across the Island into the Bay » en français : « Regarde de l’autre côté de l’île dans la Baie »). Il cite aussi le nom de Stave Biko, Victoria Mxenge et Neil Aggett, tous trois militants de la lutte contre l’apartheid.
Outre Invictus, en 1987 sort Mandela, un téléfilm de Philip Saville avec Danny Clover dans le rôle de Nelson Mandela. Le téléfilm a été réalisé alors que Mandela n’a pas encore été libéré.
A peine libéré, Nelson Mandela lui-même joue le rôle d’un professeur de Soweto à la fin du film Malcom X de Spike Lee. Il récite une partie d’un des discours les plus connus de Malcolm X, dont la citation : « Nous déclarons notre droit sur cette Terre à être des êtres humains, d’être respectés comme êtres humains, de nous voir accordés les droits des êtres humains dans cette société, sur cette Terre, en ce jour, ce que nous avons l’intention d’amener à exister […] ». Les célèbres mots de la fin de cette phrase sont « par tous les moyens nécessaires » Mandela informe Spike Lee qu’il ne peut pas prononcer cette phrase devant la caméra, craignant que le gouvernement de l’apartheid ne l’utilise contre lui s’il le faisait. Lee est d’accord avec lui et les dernières secondes du film montrent un montage en noir et blanc de Malcolm X lui-même prononçant la phrase.
1994 : Mandela, un long chemin vers la liberté (Mandela : Long Walk to Freedom) de Justin Chadwick dont l’histoire se concentre sur sa jeunesse, sa vie militante, ses années en prison et sa carrière de politique. Le film Mandela and de Klerk (1997) raconte la libération de Mandela dont le rôle est interprété par Sydney Poitier. Goodbye Bafana (2007), sur son emprisonnement à Robben Island avec Dennis Haysbert dans le rôle de Mandela
Et en théâtre, Afrika Mandela de Jean-Jacques Abel Greneau, mis en scène par Katy Grandi. Point de départ de l’action, le poème d’Ingrid Jonker : L’enfant n’est pas mort. L’enfant lève les poings contre sa mère qui crie Afrika, l’enfant devenu homme arpente toute l’Afrique l’enfant devenu géant voyage dans le monde entier, sans laissez-passer. Cet enfant devenu homme sera l’héritier de Mandela.

Le 10 décembre 2013 : Discours-hommage de Barack Obama pour les funérailles de Nelson Mandela
Mandela a compris les liens qui lient l’esprit humain. Il y a un mot en Afrique du Sud – Ubuntu – qui décrit son plus grand cadeau: sa reconnaissance que nous sommes tous liés ensemble d’une manière qui peut être invisible à l’œil; qu’il y a une unité à l’humanité; que nous nous réalisons en nous partageant avec les autres et en prenant soin de ceux qui nous entourent. Nous ne pouvons jamais savoir à quel point cela était inné chez lui, ou combien était modelé et bruni dans une cellule sombre et solitaire…. il a enseigné à des millions de gens à trouver cette vérité en eux-mêmes. Il a fallu un homme comme Madiba pour libérer non seulement le prisonnier, mais aussi le geôlier; pour montrer que vous devez faire confiance aux autres afin qu’ils puissent vous faire confiance; enseigner que la réconciliation ne consiste pas à ignorer un passé cruel, mais à le confronter à l’inclusion, à la générosité et à la vérité. Il a changé les lois, mais aussi les cœurs.
Bon centenaire, Madiba.
Jacques Barbarin
*La Commission de la vérité et de la réconciliation a été créée par le Promotion of National Unity and Reconciliation Act de 1995, sous la présidence de Mandela qui avait accédé au pouvoir l’année précédente au cours d’un processus de transition démocratique visant à mette fin à l’apartheid et à la domination de la minorité blanche. Le mot « apartheid » vient de l’afrikaner et signifie « séparation, mise à part ».