Cinéma / BECASSINE ! , de Bruno Podalydès.

Librement adapté de la célèbre Bande dessinée, plus que centenaire ,  Jacqueline Rivière et Joseph Pinchon , le film est une nouvelle petite merveille du cinéaste de Liberté Oléron ( 2001) et de Comme un avion (2015 ). Un superbe hymne à l’enfance , à la vie , à la légèreté et empreint de poésie . Une fantaisie visuelle inventive , éloge idéaliste du hasard et des illusions brisées par le réel . Un vrai régal !..

La petite fille solitaire , gentille et rêveuse que l’on découvre au début du film et décidant, devenue femme , de quitter son village natal pour s’en aller conquérir Paris , n’est pas aussi nigaude , niaise et ( ou ) bécasse qu’on pourrait le penser ! . Le ton est donné dès les première séquences où s’insinue dans les échanges entre la petit fille avec l’oncle Corentin    ( Michel Vuillermoz) , où , sous la naïveté apparente , se cache la volonté de s’épanouir et d’aller à la découverte du monde . La « tonalité » de la comédie du théâtre de l’enfance qui s’y installe d’emblée avec les belles scènes de l’arrachage « de la dent de lait », ou celles des « techniques imparables » de chasse inventées par l’oncle , comme ses conseils ( la plantation de l’arbre bleu protecteur ) destiné à exhausser les vœux des petites filles. Le récit , porté par la crédulité de celle-ci , la tonalité de la poésie qui s’y engouffre en même temps que celle de la fantaisie , du rêve et de l’illusion dont est peuplé l’univers de l’enfance . C’est celui-ci , qui restera le fil conducteur et rêveur de sa destinée de femme souhaitant quitter la ferme familiale pour s’en aller vivre l’aventure de la Capitale . L’image de la tour Eiffel en point de mire , baluchon accroché au parapluie , Bécassine ( Emeline Bayart, épatante ) marche , avec détermination sur la route . Lorsque la voiture de la Marquise de Grand Air ( Karin Viard ) qui vient de la croiser tombe en panne un peu plus loin et se retrouve en rade au grand dam du chauffeur qui n’arrive pas à la faire redémarrer ! . Bécassine plus débrouillarde qu’on ne croit ( héritage de quelques bons conseils de l’oncle!) , qui les rejoint , d’un tour de main va « sauver » la situation . La Marquise en guise de remerciement , lui propose de devenir la «  nounou » de son château !…

Bécassine ( Emelyne Bayart ) décide de partir à l’aventure de la capitale – Crédit Photo UGC Distribution-

L’opportunité pour Bécassine de faire une halte … et peut-être aussi , gagner un peu d’argent pour poursuivre son chemin vers la capitale . Le hasard des rencontres qui changent les destinées . Les films du cinéaste, depuis ses débuts sont construits sur ce postulat. Comme s’il s’agissait par le biais de celui -ci et de ce qu’il déclenche pour les héros , d’aller aussi… à la rencontre et à la découverte de soi-même. La quête des autres et de soi devenant une dynamique existentielle, une sorte de recherche éperdue dans laquelle on peut se noyer …ou sortir la tête de l’eau et s’accomplir. S’y noyer comme la Berthe Leclercq, femme dupée par un prestigitateur dans Berthe ou l’enterrerment de Mémé ( 2012) . Ou s’accomplir et s’en sortir grâce à la fantaisie idéaliste et inventive de ses mécanismes d’enquête originaux qui faisaient résoudre tous les mystères au Rouletabille adapté de Gaston Leroux dans Le Mystère de la chambre jaune ( 2003 ) et Le parfum de la dame en Noir ( 2005). La force de Bécassine , comme celle des personnages héros des films du cinéaste , c’est cette propension à se laisser porter par les événements et s’y laisser dériver , tout en gardant l’idéalisme et la légèreté de l’enfance qui servent de moteur . La force du film est dans cette dimension là , Bécassine s’immergeant dans les « illusions » du monde et de l’univers de la vie de château de la Marquise , tout en y préservant sa propre identité . Le décalage entre le monde et l’univers qui l’entoure , devient alors le portrait emblématique de deux mondes dont la co-habitation illusoire , est symbolisée par la magnifique scène de la fête,  et du faux bal destiné à donner le change et sauver la réputation de la Marquise dont les excentricités , ont précipité la faillite . Les valeurs qui le caractérisent ( noblesse et affaires ) dilapidées – belle image symbolique- des pendants du lustre du hall d’entrée de la demeure , tombant un à un sur le sol et s’y brisant définitivement! …

Bécassine ( Emelyne Bayart ) en compagnie du personnel du château – Crédit Photo UGC Distribution –

Le film et sa mise en scène deviennent une mise en abîme enjouée, cocasse  portée par une humour qui ne l’est pas moins et  qui fait mouche , au cœur duquel Bécassine – avec sa jovialité inaltérable, sa propension à la curiosité et à l’émerveillement ( la découverte de l’eau courante et de la lumière , son désir d’apprendre à conduire … ) ,  faisant preuve d’inventivité  ( le biberon automatique , l’éjecteur d’oeuf… ),  tient bon la rampe !. Par la force de son idéalisme à la pureté enfantine comme réponse à la décrépitude de l’univers qui l’entoure à qui elle renvoie les forces  vives  de sa sensibilité et de ses convictions,   qui lui permettent de rester la tête haute!. En ce sens, la subtilité du regard de Bruno Podalydès est d’avoir su transformer un comportement de «  gaffeuse et de godiche », perçu comme négatif ou ridicule , pour en faire un tout autre personnage  dont la leçon de sensibilité qu’elle dégage, est donnée comme une force . Son personnage sensible et décalé est encore un exemple supplémentaire qui vient s’ajouter, à une galerie de portraits qui en compte beaucoup . Des héros ou héroïnes  peuplant les films du cinéaste ,  ballotté(e)s par les événements , humilié(e)s ou grugé(e)s qui semblent perdre pied , mais savent faire de leurs défauts ( ou considérés comme tels… ) des forces de résistance, portées par la verve de la comédie , comme arme de dérision imperturbable et déstabilisante  face au le réel auquel ils se frottent  !. La précision du trait et du regard , ici , dont l’inspiration avouée    «  les dessins d’Hergé et le gravures de Gustave Doré… » par le cinéaste ,  qu’il  habille du burlesque  par sa mise en images et sa fantaisie visuelle , au cœur de séquences magistrales . A l’image du spectacle ambulant qui s’installe au domaine de la marquise avec l’arrivée du marionnettiste, Bruno Podalydès – qui se glisse aussi devant la caméra- en Grec d’opérette, séducteur-manipulateur d’une Marquise qui en redemande !…

Bécassie ( Emelyne Bayart ) et la petite Loulotte ( Maya Compagnie ) – Crédit Photo : UGC Distribution –

Alors , c’est dans ces scènes que Bruno Podalydès y distille habilement,  le portrait de Bécassine dont l’idéalisme enfantin est porteur de valeurs qui parfois se brisent sur la réalité., et  celui de la Marquise et du monde des puissants et des affaires. Celui de l’enfance de l’une faisant écho à celui des apparences de l’autre . Bécassine et la petite Loulotte ( Maya Compagnie) adoptée par la Marquise , avec qui Bécassine noue une belle complicité , partageant les fantaisies et le plaisir du spectacle ambulant de marionnettes ou du lâcher de baudruches lumineuses, concocté par le Marionnettiste Grec , Rastaqueros ( Bruno Podalydès aussi , devant la caméra ) manipulateur  au charme duquel ,  la Marquise succombera . A La pureté des plaisirs de l’enfance restés intacts, fait écho la décrépitude du l’univers  de la noblesse et des affaires . Les illusions et les rêves et des uns et des autres , trouvent dans la confrontation et le désordre qui s’y installe ,la représentation du vrai visage des différences sociales et des valeurs qui les séparent . Par petites touches Bruno Podalydès en décrypte habilement les signes révélateurs habillés par un humour burlesque d ‘autant plus décapant qu’à l’idéalisme et à la fidélité à ses valeurs de Bécassine , fait écho la mascarade du bal destiné à sauver la réputation de la Marquise et l’hypocrisie qui s’y révèle au coeur de  celui-ci, par l’utilisation des baudruches destinées à sauver les apparences! . Face à cette mise en scène des apparences , la simplicité authentique de Bécassine fait mouche . Bruno Podalydès s’est approprié le personnage de Bécassine pour l’extirper de son carcan de «  godiche » ( copine de Chantal Goya ! ), pour en faire une femme ouverte et sensible au monde . A la vision du film , toute supputation faisant ( ou laissant ) croire qu’elle pourrait «  ridiculiser la Bretagne et les Bretons », devient obsolète.  C’est au contraire, un superbe divertissement empreint d’une belle humanité   dont  Bécassine est  porteuse , qui nous est proposé ! . A ne pas manquer !.

BECASSINE ! De Bruno Podalydès – 2018- durée : 1h42
Avec : Emelyne Bayard, Karin Viard, Maya Compagnie, Denis Podalydès, Josiane Balasko, Michel Vuillermoz, Isabelle Candelier, Jean Noël Brouté, Philippe Uchan , Vimala Pons …

 LIEN : Bande-Annonce du film  Bécassine ! de Bruno Podalydès.

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