En mai dernier, le Festival de Cannes célébrait les 50 ans de 2001 : L’Odyssée de l’Espace de Stanley Kubrick. Présenté par le réalisateur Christopher Nolan, cette copie 70mm, tirée à partir d’éléments du négatif original, est une « recréation photochimique » fidèle, qui n’a fait l’objet d’aucune retouche numérique, effet remasterisé ou modification de montage.

Je me souviens…
…que c’est en 1964, dans le contexte de la Guerre froide et de la course à l’Espace entre les Etats-Unis et l’URSS que Stanley Kubrick a songé à 2001 : L’Odyssée de l’Espace. C’était quelques semaines après la sortie et le succès de Docteur Folamour ou : comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe, comédie à l’humour noir qu’il avait un temps conçu comme un documentaire réalisé par des extraterrestres avant d’y renoncer.
Dr Folamour n’a fait que confirmer la nature pessimiste et le scepticisme de Kubrick qui se montre dubitatif quant à la capacité de survie à long terme de l’humanité compte tenu de sa tendance à mettre au point des armes de destruction massive. Il estime que seule l’exploration spatiale semble être une entreprise susceptible d’empêcher l’homme de se faire exploser…
Je me souviens que… le 31 mars 1964, sur la recommandation d’un ami, Stanley Kubrick écrit à Arthur C. Clarke, auteur de science-fiction reconnu, pour l’informer de son intention de réaliser un film sur la relation de l’homme à l’univers et sur la possibilité d’une vie intelligente extraterrestre. Un projet auquel il envisage de l’associer en tant que coscénariste. Clarke est aussi expert scientifique réputé. Dans sa jeunesse, il a entamé des études de deuxième cycle en mathématiques avancées et en astronomie appliquée. En 1945, un article scientifique, dans lequel il imagine le concept de satellites de communication et décrit précisément la façon dont ils pourraient fonctionner, cela une dizaine d’années avant que le premier satellite Spoutnik, lui vaut une renommée mondiale.

Je me souviens que…
… le deux hommes se sont rencontrés en avril 1964 à New York avant de conclure un contrat un mois plus tard. Trois nouvelles de l’écrivain, Rencontre à l’aube, L’Ange gardien, et surtout La Sentinelle écrite en 1948, devaient servir de base au scénario. Mais la collaboration entre le réalisateur et son coscénariste va prendre une tournure différente à ce qui se fait habituellement. L’histoire sera développée sous la forme d’un roman. Le scénario viendra après.
…le réalisateur allait aborder un genre dont il se méfie pourtant. Il doit donner à rêver, mais « le cinéma rêve pauvrement. Nous restons toujours ou presque, sur notre faim » déclara-t-il. Pourtant, exigeant, soucieux du moindre détail, il se documente abondamment. Il lit beaucoup de livres et visionne plusieurs films. Il aurait ainsi vu Le jour où la Terre s’arrêta (Robert Wise), La guerre des mondes (Byron Haskin), ou encore Planète interdite (Fred M. Wilcox), mais aussi un documentaire canadien Universe (Roman Kroitor et Colin Low), et deux films de l’Est, le long métrage tchèque Ikarie XB 1 (de Jindřich Polák) et En route pour les Étoiles (Pavel Klushantsev).

Je me souviens que…
…fin 1964, avec un manuscrit intitulé Journey Beyond the Stars, Stanley Kubrick démarche la Metro Goldwyn Mayer, producteur de Docteur Folamour, qui s’engage et lui accorde un budget de 6,5 millions de dollars. On est loin des 1,5 millions de budget moyen des productions hollywoodiennes de l’époque.
…pendant le premier semestre de 1965, Kubrick va modifier son scénario par rapport au roman. Il comportera quatre parties : l’aube de l’humanité, des vaisseaux dans l’Espace, la mission Jupiter, 18 mois plus tard et Jupiter et au-delà de l’infini. En avril de la même année, le titre définitif du film devient 2001 : l’Odyssée de l’Espace, le cinéaste souhaitant se démarquer des titres des autres films de science-fiction et faire référence à L’Odyssée d’Homère.
… le « premier tour de manivelle » est donné en Angleterre, près de Londres, le 29 décembre de la même année, avec la scène de la découverte du monolithe (probablement inspiré par les œuvres du peintre Georges Yatridès) dans le cratère de Tycho, et cela dans le plus grand secret, à l’abri de la presse.

Je me souviens que…
…perfectionniste jusqu’à l’obsession, Stanley Kubrick n’a lésiné sur rien. Il a fait appel à de conseillers scientifiques et techniques, dont un ancien de la NASA, pour les effets spéciaux.Des techniques anciennes sont réutilisées, comme l’arrêt sur image ou la double exposition et de nouvelles sont développées La savane préhistorique du début a été créée en studio. Des maquettes de différentes tailles ont été construites, dont un bus lunaire de 60 centimètres et la navette Discovery de 16 mètres de long. La salle de commande de Discovery a nécessité la fabrication d’un cylindrique rotatif de près de 30 tonnes pour un coût de 750.000 $. Plusieurs entreprises américaines, Pan Am, Boeing, Bell Telephone, Chrysler, General Electric ou Pan Am, se sont associées au projet. Partenaire, IBM n’apprécie pas le « pétage de plombs » de l’ordinateur HAL 9000. Par un malencontreux hasard, il s’avère même que les lettres H, A, L sont justement celles précédant I, B,M dans l’alphabet !
…que les acteurs, dont Keir Dullea et Gary Lockwood, alors peu connus, ont eu quatre mois de tournage et qu’après a débuté le travail sur les 205 plans comportant des effets spéciaux. Pendant un an et demi, 106 personnes ont été mobilisées.
…malgré quelques rushes montrés, la MGM se montrait de plus en plus inquiète. Le budget était largement dépassé (il sera de 10 millions de dollars). Initialement prévue pour la fin de l’année 1966, puis au printemps 1967, la sortie est encore repoussée. Quelques mauvaises langues avancèrent même la date de… 2001 !
…finalement, 2001 : A space Odyssey sortira aux Etats-Unis en avril 1968 (puis en septembre de la même année en France). Devant la réaction de spectateurs qui quittèrent la salle lors des premières projections, Stanley Kubrick procéda à des coupures. 19 minutes semble-t-il, lesquelles auraient été retrouvées dans un coffre d’une ancienne mine du Kansas appartenant à la Warner, comme l’ont évoqué deux documentaires présentés au Festival de Toronto en 2010…
Je me souviens…
…qu’après avoir vu le film, il est impossible d’écouter Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss et Le beau Danube bleu de Johann Strauss sans voir un primate lancer un os dans le ciel ou le ballet d’une station spatiale orbitale,
et que…
…sur la couverture de leur album Who’s next, The Who se sont soulagés sur le monolithe, lequel perdit beaucoup de son éclat.

… les Pink Floyd(s) se sont mordus les doigts pour avoir refusé de composer la bande originale,
… John Lennon a vu le film une fois par semaine, si ce n’est beaucoup plus, pendant très longtemps,
… ce fut un choc pour David Bowie qui lui inspira Space Oddity,
…qu’après 2001, Stanley Kubrick, à une exception près (Full Metal Jacket), privilégia la musique classique pour la bande son de ses films. Sur 2001, il avait un temps sollicité Alex North (Les Désaxés, Cléopâtre et… Spartacus) qui avait composé et enregistré 40 minutes de musique avant d’être écarté du projet.
Je me souviens que…
…des fils de pub en manque d’imagination ne se sont pas gênés pour piller le film afin d’essayer de refourguer leur camelote
…d’ailleurs, curieusement, les smartphones ressemblent au monolithe. Heureusement, « Souvent imité jamais égalé » !
Je me souviens…
… qu’Homer et The Simpsons sont les vedettes d’un « remake » de 2001 (enfin presque…)

… que si George Lucas, dans Star Wars III et IV, et Christopher Nolan, dans Interstellar, ont rendu hommage au film, un clin d’œil est présent dans d’autres longs métrages. Parmi eux, La Fièvre du samedi soir, La Folle histoire du monde, Charlie et la chocolaterie ou Wall-E.

J’me souviens plus très bien si le roman d’Arhtur C.Clarke permet d’expliquer le film… De toute façon, dans son scénario définitif, Stanley Kubrick a pris bien des libertés par rapport au livre. En 1969, il déclarait au magazine « Playboy » : « 2001 est une expérience non verbale : sur 2 heures 19 minutes de film, il a un peu moins de 40 minutes de dialogues. J’ai essayé de créer une expérience visuelle, qui contourne l’entendement et ses constructions verbales, pour pénétrer directement l’inconscient avec son contenu émotionnel et philosophique. (…) J’ai voulu que le film soit une expérience intensément subjective qui atteigne le spectateur à un niveau profond de conscience, juste comme la musique (…). Vous êtes libre de spéculer à votre gré sur la signification philosophique et allégorique du film (…), mais je ne veux pas établir une carte routière verbale pour 2001 que tout spectateur se sentirait obligé de suivre sous peine de passer à côté de l’essentiel. » Et Arthur C. Clarke d’ajouter : « Si on comprend la film a la première vision, nous avons manqué notre but. »
J’ai vu en mai dernier que Dave Bowman (Keir Dullea, 82 ans) avait gardé la forme malgré son odyssée interstellaire.

Je sais qu’en 1968 2001 : L’Odyssée de l’Espace était une Révolution dans l’Histoire du Cinéma et qu’à ce jour il est toujours l’un des plus grands chefs d’œuvres du Septième Art.
(Depuis le 23 mai : la version du film en 70mm tourne en France dans les salles équipées. Mercredi 13 juin : sortie nationale du film en 4K)
Pour aller plus loin :
Les coulisses techniques d’un retour sur grand écran (Festival de Cannes)
The 2001 Archive (site très complet – En anglais)
Kubrick 2001 l’Odyssée de l’espace expliquée (multilingues)
Stanley Kubrick’s Iconic ‘2001: A Space Odyssey’ Sci-Fi Film Explained (infographie – En anglais)
Le scénario du film (En anglais)
La lettre de Stanley Kubrick à Arthur C. Clarke (En anglais)
Kubrick, l’odyssée d’un solitaire – Les Inrocks (Site très complet – En français)
Un Monde autour de Stanley Kubrick (Site très complet – En français) .
Vidéos :
2001: A Space Odyssey – Original Theatrical Trailer (Warner Bros. – 3 mn 35 – VO)
2001 : L’Odyssée de l’espace – la bande annonce (Warner Bros. Fr – 1mn 53 – VOSTF)
2001 : L’Odyssée de l’espace – Extrait (Warner Bros – 2 mn 16)
2001 : Making of a Myth (2001 – 44 mn – VO)
Philippe Descottes
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