Sélectionné en compétition au Festival de Cannes 2018 , le film du cinéaste Iranien y a obtenu le prix du scénario. Son remarquable portrait de trois femmes , sort sur les écrans cette semaine. On vous invite à aller voir ce superbe film d’un grand cinéaste qui se bat pour la liberté d’expression . Ne le manquez pas . A cet effet on remet en ligne la critique – avec quelques ajouts -que nous avions faite à l’issue de sa projection Cannoise .

Le film du cinéaste Iranien toujours assigné à Résidence et interdit de tournage dans son pays était donc en compétition à Cannes avec son nouveau film Trois Visages brossant trois portraits de femmes au cœur d’une société Iranienne rigide dont elles subissent les conséquences, comme aussi, le poids des traditions et d’une certaine forme de repli qui s’y dessine . Après Taxi Téhéran ( Ours d’Or au Festival de Berlin en 2015) , n’hésitant pas à contourner l’interdiction de filmer , il continue de réaliser des œuvres d’une grande force , et on ne peut que s’en réjouir. Les trois visages féminins qu’il nous propose ici , sont aussi dans la continuité de la forme employée par le cinéaste qui s’attache à oser le cadre d’un récit minimaliste, et d’en développer les mécanismes par les répercussions que celui-ci suscite , lui permettant de trouver les espaces ( voiture , village isolé ) pour le développer. Ici, un voyage en voiture donc , jusque dans une région reculée où les traditions sont encore tenaces. Celles qui suscitent le rejet de certains choix de vie et comportements objet de la première séquence du film, où une jeune fille , apprentie -comédienne qui voit son choix refusé par la famille, lance un appel « au secours » visuel par téléphone portable qui se termine par l’ image inquiétante d’un saut dans le vide , laissant supposer son suicide . La séquence suivante nous met en présence de la comédienne ( Behnaz Jafari ) à qui l’appel était destiné dans la voiture d’un metteur en scène avec qui elle a travaillé ( Jafar Panahi , lui-même ) , à qui elle a demandé de l’accompagner à la recherche de la famille de la dénommée pour tenter de savoir, ce qu’il est advenu de cette jeune fille…

Débute alors un voyage épique qui va les amener dans un village du Nord -Ouest du pays près de la frontière Turque . Et y faire des rencontres aussi amusantes que pittoresques , où la population qui se sent délaissée par le pouvoir lointain en place , a instauré ses propres codes régissant la vie quotidienne du village. Ainsi pour cause de route étroite ne laissant passer qu’un seul véhicule , y a été mis en place un code-klaxon pour réguler la circulation de sortie et d’accès au village . On y découvre également une veille dame qui a creusé sa tombe et attend que la mort vienne la délivrer !… ou de vieux sages , et d’autres très à cheval sur les principes, à l’image de la famille de la jeune fille qui refuse de la voir se dépraver dans le métier de saltimbanques… question d’honneur !. Et pourtant on aime bien les regarder ces derniers dans les séries Télévisées !. La jeune fille , Marziyeh ( Marziyeh Rezaei ) qui a joué le tout pour le tout , mettant son destin en jeu , pour pouvoir continuer à vivre sa vie et sa passion. C’est cet ostracisme que les deux arrivants , vont habilement tenter de solutionner au niveau de la famille de la jeune fille , mais ouvrant aussi des débats avec les villageois. Comme le montre la très belle scène, où un vieux monsieur demande à Jafar Panahi de transmettre une lettre , à une personnalité pour faire profiter d’un « appui » son cousin à la recherche d’un travail … mais il s’avère , que cet « appui » a dû s’exiler à l’étranger !. Le pouvoir ne supportant pas que l’on ne rentre pas dans le rang !. Révélateur d’un certain type de relationnel avec le pouvoir en place . De la même manière qu’au travers de l’évocation du recours au suicide par le personnage de la jeune comédienne ,il est question du sort fait aux femmes dans la société Iranienne. Celui qu’évoquera , aussi , le troisième visage féminin ( belle idée… ) que l’on ne verra quasiment pas , celui d’une ancienne actrice de cinéma qui s’est retirée dans une petite demeure à l’écart du village en question . Celle-ci , rejetée dans l’oubli par décision politique et qui désormais , vit dans les souvenirs de son passé , et s’est tournée vers la peinture , comme un apaisement pour exorciser la fatalité . Voilà qui fait écho et clin-d’oeil à la situation du cinéaste , qui prouve ici au delà de son talent, son indéfectible combat pour son métier …et la liberté de création. Le cinéaste a fait de son art une arme de résistance courageuse . Il ne peut que nous inspirer , le respect et l’admiration !…
( Etienne Ballérini )
TROIS VISAGES de Jafar Panahi – 2018 – Durée : 1h40
Avec : Behnaz Jafari, Marziyeh Rezaei , Jafar Panahi, Maedeh Erteghaei, Narges Del Aram, Fatemeh Ismaelilnejad…
LIEN : Bande- Annonce du film , Trois Visages de Jafar Panahi.
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