Que sera le théâtre en 2018 ? Peut être que les enfants peuvent répondre à cette demande.
Samedi 26 mai, 14h30, salle Michel Simon. La compagnie Artketal, de Cannes, bien connue des lecteurs de ciaoviva, présente, pour ces Utopies. Lucy in the sky. S’agit-il de la fameuse chanson des… ? Oui, il s’agit de la fameuse chanson des …. Mais là, il s’agit de la rencontre entre le pop art de la fin des années 60 et de l’enfance.
Le pop art, dont le chantre fût Andy Warhol, utilise des techniques picturales qui n’étaient auparavant pas considérées comme proprement artistiques mais plutôt industrielles. Les couleurs sont souvent vives et décalées par rapport à la réalité. Ici, Greta Bruggeman a utilisé des affiches du TNN qu’elle a détourné en les peignant de couleurs vives.
Et la chanson des Beatles, Lucy in the sky with diamonds ? John Lennon a expliqué à maintes reprises que ses sources principales d’inspiration pour les paroles surréalistes ont été Lewis Carroll (plus particulièrement Alice au pays des merveilles et De l’autre coté du miroir, ses deux livres préférés dans son enfance). Voilà pour l’enfance. On pourrait également parler de l’influence du pop art: A girl with kaleidoscope eyes/ Cellophane flowers of yellow and green, and so on, and so on. On pourrait même dire que le cadavre exquis* n’est pas loin : newspapers taxi…
La grande intuition de Sylvie Osman et de Greta Bruggeman, de la Cie Arketal, a été d’effectuer un travail scénographique à partir de cette rencontre, travail effectué avec 20 élèves de CM2 de l’École Jean Piaget Ariane Nord, l’accompagnement musical étant réalisé par Céline Ottria et la Chorale de l’École Freinet de Vence. Sylvie Osman en a assuré la mise en scène et Aline Fablet, professeur, la mise en jeu des enfants .
Le pop art est là par les décors, par les paroles de Lennon, mais aussi d’une certaine manière est présent le flower power**. Quelque part, cette superposition, cette co – incidence, nous induit que le phénomène « mai 68 » est inclus dans un paradigme incluant toute une série de phénomènes, comme un système solaire.
Salle Pierre Brasseur, 18h30. Un des plus beaux documentaires que j’ai vu sur Mai 68, Générations 68, réalisé par Simon Brook. À la fin des années 60 a lieu une véritable révolution, culminant avec Mai 68. Une révolution d’ordre culturel, au sens le plus large du terme, modifiant les arts, les mœurs, les mentalités. La musique devient engagée et sexuellement explicite, le cinéma s’invente des idoles rebelles et scandaleuses, le théâtre se fait social et communautaire, les arts plastiques dynamitent les normes, la mode se radicalise.
Entièrement composé d’images d’archives, « Générations 68 » donne à voir et à entendre ce bouillonnement politique et culturel : manifestations contre la guerre du Vietnam et rock psychédélique, minijupes et pop art. Les témoignages de personnalités emblématiques de la période – Milos Forman, Dennis Hopper, Vaclav Havel, Peter Brook, Georges Wolinski, Jean-François Bizot… – forment une narration polyphonique et internationale. La force de ce « 53 minutes » est qu’il livre à notre compréhension, à notre émotion, les faits tels que, et qu’il nous amène, par touches et contre-touches, à une perception globalisante. Un superbe travail de journaliste, l’historien du quotidien.
Retour à la salle Michel Simon, 20h30. Elle non plus n’a pas connu mai 68. Cela n’a pas empêché la talentueuse Linda Blanchet – Compagnie Hanna R – de s’y propulser et de recréer une « assemblée générale avec occupation », le fil rouge – c’est le cas de le dire- de Maintenant ou jamais. De même que pour Que sera le théâtre en 2028 ? – au demeurant les deux approches sont complémentaires- le travail de Linda Blanchet, au travers de son canevas nous fait goûter le fumet du théâtre d’happening du Living Theater, du théâtre de l’improvisation, du théâtre de l’opprimé d’Augusto Boal et tout simplement la commedia dell’arte avec cette notion de canevas. Elle y mêle, comme son théâtre depuis dix ans nous le confirme, et des textes « documentarisés » et la musique, la séquence finale nous le prouve à l’envi.
Et ces jeunes – Calypso Baquey, Cyril Texier, Angélique Zaini- nous posent gravement une question : Que reste-t-il de vos amours, que reste-t-il de ces beaux jours, une photo, vieille photo, de votre jeunesse ? Non, pas une photo, un solo de batterie de Michael Shrieve, le batteur de Carlos Santana à Woodstock https://www.youtube.com/watch?v=AqZceAQSJvc projeté à la fin du spectacle. En fait il ne le finit pas, il l’ouvre.
A SUIVRE
Jacques Barbarin
*Le cadavre exquis est un jeu d’écriture collectif inventé par les surréalistes vers 1925, jeu qui consiste à faire composer une phrase par plusieurs personnes sans qu’aucune d’elles ne puisse tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes
**Flower Power était un slogan utilisé par les hippies durant les années 1960-1970. La fleur était un des symboles de leur idéologie non violente.