Au menu hier : l’enquête sur une mystérieuse disparition dans la « faune » du Los Angeles de la Gentrification et son occupation de l’espace culturel dans Under Silver Lake de David Robert Mitchell . Le viol d’une jeune fille Marocaine qui fait éclater les rapports familiaux et au delà , les rapports de classe dans Sofia de Mériem Bem’Barek . Et l’itinéraire du deuil d’un jeune indigène Brésilien d’un village du Nord du pays qui va se retrouver confronté à la modernité du pays avec Les morts et les autres de Joao Salaviza et Renée Nader Messora
UNDER THE SILVER LAKE de David Robert Mitchell – Compétition)

Le cinéaste et Scénariste Américain dont c’est les troisième long métrage avait pour la première fois les honneurs de la compétition . La première séquence nous prévient par une inscription qu’un mystérieux tueurs de chiens rode dans la ville , et les scènes suivantes embrassant les pas de Sam ( Andrew Garfield ) dans la bonne ville de Los Angeles , où il se trouve dans une situation assez compliquée : sans travail, sans argent et en voie d’expulsion de son appartement. Heureusement il lui reste ses rêves et ses passe-temps qui le mobilisent en observant à la jumelle ses jolies voisines et leurs « toutous » , dont cette nouvelle Sarah ( Riley Keough) avec laquelle une petite aventure va se concrétiser . Mais voilà qu’un jour elle disparaît mystérieusement et il décide de partir à sa recherche. Au cours de celle-ci , il va se retrouver plongé dans une sorte de labyrinthe de situations mystérieuses et parfois cocasses , où s’enchaînent disparitions et ( ou) meurtres mystérieux baignant dans une atmosphère poisseuse de scandales divers et autres machinations diaboliques. Le mise en scène et le récit , y aidant , qui se gardent bien de donner au spectateur quelques clés . Car dans cette enquête aventureuse dans laquelle s’enfonce Sam, on y croise tout une « gentry » emblématique . Celle représentative d’une mode de vie et d’une culture dans laquelle elle s’engouffre dans le rêve et les promesses vantées par la publicité . Geeks et autres hipsters de la haute en possédant les codes mystérieux ( message subliminaux des pubs ) qui leur permettent de régner en maîtres et de perpétrer leurs méfaits . Tout un festival de signes et de références y passe ( littérature , bandes dessinées, musique …) , et le cinéma bien sûr dont sa mère est « fan » des films de Janet Gaynor . On s’y perd un peu dans cette profusion comme Sam dans l’enquête que toutes ses références en forme de surenchère font rebondir dans une sorte de rêverie de citations qui ne font qu’amplifier le mystère . Celui-ci en effet semble se diluer , où s’amplifier , dans une certaine propension ( volontaire ? ) addictive de Sam aux stupéfiants. L’énigme du Silver Lake semble rester suspens …et se noyer dans les brumes du cerveau en apnée de Sam cherchant sa voie dans une société où il est en train de perdre le contrôle de sa vie , et de son avenir…
SOFIA de Meryem Benm’ Barek ( Un certain Regard ).

Sofia , 20 ans es la fille de parents fortunés de Casablanca don les affaires son en train encore de se concrétiser par un « accord » de collaboration , avec un ami investisseur français . Mais voilà que Sofia qui a gardé le secret d’un « déni de grossesse » par peur des répercussions qu’il pourrait faire éclater sur la famille , va pourtant être contrainte d’en révéler la teneur . Suite à l’accouchement illégal qu’elle a dû faire dans une clinique où sa tante l’a accompagnée . L’hôpital ne peut lui laisser que 24 heures pour fournir les papiers du père de l’enfant avant de prévenir la Police . Sofia , reste muette . La famille, prévenue et la police alertée , la voilà confrontée à la loi et à l’illégalité de son accouchement , qui , si elle persiste à ne pas donner l’identité du père peut lui valoir des années de prison et voir sa famille discrédité . Sofia paniquée finira par donner le nom de ce dernier , un jeune homme des quartiers pauvre de la ville . Lui nie , et sa famille est dubitative , mais la peur des sanctions qui pourraient tomber sur les concernés fait qu’ une « entente cordiale » intervient et la date du mariage est fixée pour concrétiser la chose afin d’éviter les commentaires . La cinéaste décrit magnifiquement par une mise en images scrutant les personnages ,et leurs réactions au cœur de ce dilaemne qui les réunit pou sauver l’honneur de chaque partie et le devoir de sauver les apparences . Le cadre du cinémascope amplifie encore cet enfermement via l’image , dans les codes moraux et de classes qui s’y définissent. Car au delà des « apparences » à sauver , il y a aussi les « arrangements » auxquels chaque partie va se plier y trouvant finalement son compte . A l’image des Parents de Sofia qui vont pouvoir ainsi par cet arrangement, sauver une situation qui pourrait compromettre leurs affaires . Dans un pays où la morale et la loi sont strictes sur le sujet , les compromis sont nécessaires et l’hypocrisie qui s’y dissimule , trouvera dans la fête , les « you you.. » et les danses du mariage réconciliateur , sa finalité de façade . Le récit est d’autant plus fort qu’il donne à comprendre les raisons qui font qu’ici , au bout du compte, le déni va se révéler double …
LES MORTS ET LES AUTRES de Joao Salaviza et Renée Nader Messora ( Un Cerain Regard )

C’est dans un petit village du Nord du Brésil que nous immergent les premières images , où la forêt qui l’entoure est l’objet des sorties des parents pour la chasse ou le ramassage des planes ou branches de palmiers et autres produis ( fruits) que la nature propose en complément des produits de la culture des terres . Puis la rivière et sa chute , objet des jeux de enfants . Le village vit quasiment en autarcie et les traditions y sont vivaces . Le jeune indigène Kraho , Ihjäc qui vient de perdre son père y vit avec sa femme et leur petit enfant Ce dernier , lors d’une sortie en forêt entend l’écho d’une voix lointaine, celle de son père, qui lui dit qu’il est temps d’organiser la cérémonie des funérailles, afin que son esprit puisse rejoindre le village des mort , et que le deuil prenne fin . Le jeune homme encore sur le coup de la disparition de son père , pris de peur va refuser de céder au devoir et de devenir chaman , et, prétextant qu’ il est malade décide de quitter le village pour se faire soigner à la ville voisine . Au cœur de celle-ci dont les signes de modernisation de la vie quotidienne tranche avec celui de la tradition dans laquelle vit la communauté villageoise , Ihjäc va découvrir une autre réalité à laquelle il va se retrouver confronté . Le récit et la mise en scène sont construits sur ce contraste qui existe au cœur de la société Brésilienne où le modernisme galopant qui s’étend dans le pays , n’a pas encore eu trop de prise dans les contrées reculées . Le film en devient passionnant, mettant en lumière le ressenti d’étranger dans son pays qu’ Ihjäc va ressentir . Parce que sa langue du village le distingue de celle du Brésilien courant parlé par la majorité , qui a oublié la diversité des dialectes Régionaux . A l’hôpital où on lui demande ses papiers et ses référents médicaux ( carte médicale ) on s’étonne qu’il n’en ait pas, de la même manière il aura du mal à expliquer de quoi il souffre « j’ai chaud à l’intérieur » , lorsque les examens révèlent qu’il , n’a rien ! Comme il se fâche et insiste on le gare en observation, à la « maison des indiens » . puis comme il voudra rester, on le chasse et il se retrouve à la rue . Humilié , il reviendra au village où la communauté rassurée l’accueille, pour qu’enfin lui et celle-ci puisse faire la cérémonie du deuil . Celle que les chants et les danses destinées à pleurer et accompagner le mort dans voyage …pour que les vivants puissent reprendre leur vie normale et penser désormais , le deuil fait , à construire leur propre bonheur et celui de leurs familles . C’est un beau document à l’aspect ethnographique que le duo de cinéastes , nous donne à voir sur ce contraste étonnant que décrit le parcours du jeune villageois…
(Etienne Ballerini )
Le Programme de ce Jeudi 17 Mai 2018 :
-Dogman de Matteo Garrone ( Compétition).
-Capharnaüm de Nadine Labaki ( Compétitio )
–In my Room de UlrichKölher ( Un Certain Regard )
–La Tendre indifférence du monde de Adilkian Yerzhanov ( un Certain Regard)