Cinéma / Journal de Cannes 2018 , No.3.

Troisième journée sous le signe de la diversité sur la croisette hier . Les aspirations de la jeunesse Russe des années 1980 avec la musique de la nouvelle vague Rock dans Leto de Kirill Serebrennikov. Du réalisme au fantastique l’attirance de deux êtres , la quête et le choix de l’identité différente dans Träns ( Border) de Ali Abbasi . La jeunesse , l’insouciance, l’amour et le sexe , les interdits , les jeux de pouvoirs, le viol, dans A genoux les gars d’Antoine Desrosières …

LETO ( Lété ) de Kirill Serebrenikov ( Compétition )

Une scène du film LETO de Kitill Serebrennikov ( Crédit Photo: Kinovista/ Bac Films) )

Après la découverte de son premier long métrage , Le disciple( 2016 ) présenté à la section Un Certain Regard, c’est la compétition Officielle que le cinéaste Russe rejoint avec Leto, son nouveau film à la fin du tournage duquel , après des pressions consécutives à ses positions indépendantes et libres, il a subi perquisitions , fut arrêté en Août 2017 et assigné depuis à résidence surveillée par le régime . Lors de la soirée de présentation Cannoise sur le tapis rouge l’équipe entière du film a  brandi , en soutien une pancarte à son nom. Son film Leto    ( L’été ) se situe à Leningrad et évoque la période des années 1980 où émergent «  en amont de la pérestroïka » des sonorités musicales et une scène Rock reflétant par ses compositions , textes et propositions musicales,  les frustrations et aspirations d’une jeunesse qui dit son rejet du cynisme d’une société dans laquelle elle ne se retrouve pas … exprimant son désir de liberté et d’être reconnue. A cet égard les premières séquences du film sont significatives, à l’image du concert dans la salle bondée du club de  Rock de Leningrad où le public est l’objet d’une surveillance rapprochée afin d’éviter tous débordements. Puis dans la scène suivante sur la plage,  Mike (Roma zver) ) son groupe Zoopark de Blues-Rock et ses amis font la fête. Rejoints par les amis de Victor Yeo ( Teo Yoo) qui va se mettre à chanter et subjugue l’auditoire . Victor est le fondateur de groupe Rock Kino considéré comme le pionnier du Rock Russe . Mike et Kino vont devenir amis , à cette amitié se greffe une histoire d’amour au coeur de laquelle se retrouve , Natasha ( Natalia Naumenko ) la compagne de Mike . Amour , amitié , partage …et créativité . Kirill Serebrennikov , mène habilement les éléments qui participent à décrire ce que fut cette période au cours de laquelle il a fallu faire face à tous les interdits , se plier sans se renier , se battre sans répit comme le relève la réplique , lors d’une discussion sur leur engagement pris au piège des compromis , la référence faite à Bod Dylan «  il dénonçait la guerre du Vietnam , défendait le boxeur noir Hurricane.. ». la lucidité , mais aussi cette énergie qui anime le film , où la mise en scène scande les séquences musicales par des clips au graphisme inventif . Le noir et blanc et parfois la couleur comme un ajout. Les délires dans lesquels ils se laissent emporter , les imitations de leurs idoles … touts un univers que s’inventent et ses construisent ces musiciens pour enchanter un quotidien dont la banalité de certaines paroles des chansons laisse percevoir la noire grisaille du « marécage » dans lequel le pays s’enfonce . Rester debout et dignes est une gageure , Viktor refusera de se compromettre à enregistrer pour le « label » d’état . A lui qui s’est suicidé en 1990 , et à Mike mort en 1991 d’une crise cardiaque, le cinéaste dédie son film . Mais aussi a une jeunesse de « refusniks » que leur musique a bercés d’espoir …

GRÄNS ( Border ) de Ali Abassi ( Un certain Regard )

Une scène du film Gräns de Ali Abassi  –  Eero Milonoff et Eva Melander –

C’est le second long métrage du cinéaste Danois dont le premier ( Shelly / 2106 ) qui l’a fait découvrir avait été présenté au Festival de Berlin . Le film est inspiré du roman de John Ajvide Lindqvist dont le cinéaste explique qu’il a choisi de l’adapter après avoir été impressionné par son univers du roman Morse adapté au cinéma  par  Thomas Alfredson. Amateur de films de genre et d’un cinéma qui défie les normes ( il adore Luis Bunuel ,entr’autres ) et les mélanges dont se fait écho ici Gräns , où le réalisme et le fantastique , laissent percevoir la noirceur , et aussi  , l’idée que les personnages puissent repousser les limites, comme le permet l’écriture cinématographique , qui se concrétise ici dans le final  où , la possibilité d’une autre vie s’ouvre . Les éléments du fantastique , de l’absurde et du surréalisme qui permettent ajoute encore le cinéaste «  de ne pas suivre les règles » , et défier les codes . Le récit est ici totalement lié à ces éléments dont on nous invite à suivre le développement jusqu’au final ,  où se concrétisent les choix . Ceux que l’attirance inattendue à laquelle Tina ( Eva Malander ) va succomber,  à sa grande surprise . Celle-ci employée douanière au contrôle est devenue une référence pour détecter grâce a son odorat , les indices permettant de repérer les suspects. Et dans sa vie quotidienne,  lors de ballades dans la forêt ,  le lien  tissé  à un univers animalier qui semble roder ( attiré …) par elle . L’intrusion du fantastique dans son quotidien  intrigue , qui va prendre une dimension encore plus étrange lorsqu’elle repère grâce toujours à son instinct infaillible des indices possibles de pratiques pédophiles . Puis, lorsque se présente cet  inconnu au contrôle , elle « subodore » quelque chose qu’elle a du mal à définir, ce dernier arrêté puis libéré , reviendra à plusieurs reprises dans les parages… une étrange attirance va les rapprocher et susciter des relations qui le sont tout autant . Et dont , le secret qui les lie , et celui du passé de Tina que son père lui a caché , va révéler la vraie nature de celle-ci,  et changer son destin . Le défi des règles et des codes amenant , à la transgression …

A GENOUX, LES GARS d’Antoine Desrosières ( Un Certain Regard )

 

Une scène du film ( Crédit Photo : Rezo Films)

Le troisième long métrage du cinéaste ( A la belle étoile /1993 et Banqueroute / 2000 ) était au programm e d’un Certain Regard .Elles habitent la banlieue , elles sont sœurs et complices . Les copains , les rencontres , les « tchatches » a n’en plus finir , les petits amis . La tonalité de la comédie s’installe dans les premières séquences entre les deux sœurs et les échanges sur les aventures amoureuses dont l’aînée raconte le ressenti ( belle scène ) à la petite . D’emblée la question sexuelle et les aventures sont au centre des discussions , on teste même les « mecs » sur ce qu’ils pensent de la question amoureuse, des aventures et de leur sérieux , ou les liens qui se nouent , mais aussi de leur  regard  sur les filles et sur les différences sexuelles . Sous le ton de la plaisanterie se révèlent déjà quelques tabous et comportements   révélateurs sur la drague et le désir . Le perçu de la sexualité et le regard sur celle-ci ,et la prise de conscience d’une certaine réalité , le cinéaste l’inscrit dans ces rapports qui dessinent une certaine approche , permettant d’ouvrir à  la réflexion. Le « saisi » du naturel de l’a démarche fait penser à L’esquive d’Abdel  Kéchiche . Les deux comédiennes Souad Sassane et Inas Chanti , par leur naturel apportent la fraîcheur et le réalisme … pour évoquer un sujet grave , le viol , consécutif à une manipulation psychologique subie . Celle dont se font complices leurs deux petits copains Slim et Majid pour arriver à leurs fins , y ajoutant le chantage de le vidéo qui serait publiée, comme protection !. Le jeu des rapports de force et de pouvoir  décortiqué afin d’accentuer l’effet déclencheur de la prise de conscience . Le long travail de répétition sur le jeu et 18 jours de tournage en équipe réduite . Dans la prolongation du débat qui fait la « une » depuis L’affaire Weinstein , les producteurs ont décidé après la sortie du film en salles prévue le 20 juin , expliquait -hier- dans Le film Français ,la productrice Annabelle Bouzon, de mener «  une expérience intéressante liée aux évolutions technologiques , en proposant  en décalé par rapport à la sortie du film,  une version série de 30 fois 10 minutes qui sera visible sur you tube. Cela permettra d’explorer l’extraordinaire matériau réuni par Antoine Desrosières et son équipe » , dit-elle .

(Etienne Ballérini

Le Programme de ce Vendredi 11 Mai 2018 :

Zimna Wjna de Pawel Pawlikowski ( Compétition)
-Jiang Hu Her Nv de Jia Zhang-Ké ( Compétiton)
Le livre d’Images de Jean-Luc Godard ( Compétition )
Mon tissu préféré de Gaya Jiji ( Un certain Regard )
L’Ange de Luis Ortega ( Un Certain Regard)

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