Alors que s’ouvre ce soir , le Festival de Cannes où le grand cinéaste a été à l’honneur, Le cinéma Italien est de nouveau en Deuil . Après le récent décès de Vittorio Taviani , c’est aujourd’hui l’un des ses cinéastes, les plus visionnaires qui vient de quitter la scène . Ermanno Olmi s’est éteint des suites d’une longue Maladie à l’âge de 86 ans . Soixante ans de créativité et un « palmarès » international prestigieux ont accompagné une longue et belle carrière …

C’est le 24 Juillet 1931 dans la Ville de Bergame qu’il voit le jour. Après le décès de son père durant la seconde guerre mondiale , le Jeune Ermanno à 16 ans va faire des études artistiques dans la région Milanaise – à Desinvolta – où travaille sa mère . Dans l’entreprise spécialisé dans l’énergie nucléaire où il est employé qui dispose d’un département cinématographique il y fera ses armes …dans la réalisation de documentaires pour celle-ci . Dans ces premiers essais ,on y discerne déjà ce qui deviendra une des caractéristiques de son œuvre , cette attention portée aux individus et à leur travail dans le cadre quotidien . Il la peaufinera tout au long des années 1950 dans plus de 40 documentaires, à l’aide d’une caméra légère ( 16 mm) qui lui permet d’être au plus près des individus . C’est dans cette continuité qu’il choisira lors de son passage au long métrage de travailler avec des comédiens non- professionnels , afin de garder la spontanéité de la « représentation du quotidien » . Celle qui le fera qualifier par la critique Italienne de « portraitiste des gens du commun et de petites choses du quotidien » et de relever aussi la « parenté » de son cinéma dont il revendiquera l’influence… de Robert Flaherty . C’est en 1959 que Olmi franchira le pas du Long métrage avec Le Temps s’est arrêté , où deux hommes sont chargés de veiller sur un chantier hivernal où le regard « documentaire du quotidien » y est accentué par l’utilisation des dialogues en dialecte local . Un remarquable travail sur le temps et l’espace renforcera lui , la dramaturgie du récit…

Dès lors Ermanno Olmi , pourra poursuivre son travail dans cette optique , explorant dans Il Posto ( 1961) par le biais de son héros fils d’ouvrier , le parcours à embûches dans la quête d’un travail et puis celui de l’enfermement dans le morne quotidien bureaucratique . Avec Les Fiancés (1963) , c’est le bouleversement de la vie sentimentale pour des raisons de travail et d’argent qui obligent les « fiancés » à se séparer , et le jeune homme à aller à la rencontre d’un autre contexte culturel. Avec Un certain Jour ( 1968) , c’est la réussite professionnelle managériale en entreprise qui est exploré , et c’est l’Italie du « boom économique » qu’il dépeint d’une certaine manière . Puis ce sera avec l’Arbre aux sabots ( 1978 ) et l’histoire générationnelle de quatre familles d’Ouvriers pauvres de la région de Bergame à la fin du XIX eme sicle , le grand- œuvre du cinéaste , où tout va concourir durant trois heures à magnifier le portrait de la vie quotidienne dans une métairie . La petite et la grande histoire s’y retrouvent au cœur au fil du temps et des ans . Evénements politiques , travail , mariages , naissances et conflits de voisinage. Au centre du récit la famille Battisti et leur petit enfant de sept ans , et le souhait de son avenir : l’école , dont les emblématiques sabots destinés à ce dernier qui vont créer le conflit avec le propriétaire . La mise en scène et les images magnifiques de la fresque qui vous emportent durant trois heures . Un chef d’oeuvre et la consécration internationale pour le cinéaste …

Ce dernier auréolé de la « palme Cannoise » , va se consacrer dans la région de Vicenza à Bassano Del Grappa dès 1982 , à créer un collectif « Ipotesi Cinéma » où de nombreux jeunes cinéastes se retrouveront réunis autour de lui pour une expérience passionnante et pour réfléchir sur le cinéma et ses formes. Celle -ci devant aboutir à un passage à la concrétisation par la réalisation d’oeuvres mettant en application ces « hypothèses » de réflexion communautaires . Dans la continuité , il réalise en 1982 , A La Poursuite de l’étoile , conte sur la quête religieuse de pèlerins confrontée aux dangers du despotisme . Puis , le « formateur » de jeunes cinéastes, sera arrêté dans son élan par des ennuis de santé qui l’éloigneront des plateaux. Il y reviendra revigoré en réalisant Longue vie à La Signora ( 1987/ Lion D’argent au festival de Venise ) où l’anniversaire d’une très riche vieille dame , est la prétexte à une allégorie sociale en forme de satire grinçante sur les rapports de classes auxquels sont se retrouver confrontés les élèves d’une école hôtelière , chargés du cérémonial qui va dégénérer !. Suivra dans la foulée la superbe adaptation de La légende du Saint Buveur ( 1988 ) d’après le roman de Philip Roth . Nouveau triomphe avec cette fois-ci,le Lion d’Or à Venise pour sa mise en scène magistrale et l’interprétation de Rutger Hauer. Le cinéaste se tournant cette fois-ci vers l’ expérience des comédiens Professionnels. Il la renouvellera avec le comédien Italien Paolo Villagio , adaptant le roman de Dino Buzzati Il Segreto del Bosco Vecchio ( 1993 )…

Cela ne surprendra pas les critiques Italiens aimant qualifier désormais , le cinéaste « d’imprévisible », surprenant souvent son monde , changeant de registre et de thématique . C’est ce qu’il fera régulièrement , à partir des années 2000 , s’ouvrant à des expériences originales. Comme ce sera le cas avec la remarquable fresque anti-militariste Le Métier des Armes ( 2001) relatant les guerres d’italie au XVI et notamment le faits d’armes de Jean de Médicis et ses célèbres bandes Noires . Puis avec En Chantant derrière les paravents (2003 ) et son récit épique des aventures d’une célèbre pirate , shing Shih ( 1775-1844 ) Chinoise . Avec Tickets ( 2005) il co-réalise avec Abbas Kiarostami et Ken Loach , un film à Sketches où un voyage en train est prétexte à explorer les relations humaines d’origines diverses . La forme de la parabole sera au rendez-vous de Centocchi ( 2007 ) et Le Village de Carton ( 2011) où une église abandonnée se retrouve devenir un espace de fraternité et de refuge acueillant les réfugiés Africains . Enfin , son dernier film Tornerano i Prati (2014 ) est consacré à un épisode de la première guerre mondiale ayant eu lieu dans la région d’Asagio où Ermanno Olmi a vécu …
Un très grand cinéaste Italien s’est éteint . Et on a envie de dire en reprenant le titre Français de l’un de ses films qu’il s’en est allé … A la poursuite de l’étoile . R.I.P Monsieur Olmi.
(Etienne Ballérini )