Sous titre du nouveau CD Space Jazz (1) enregistré par trois musiciens de jazz que l’on pourrait traduire par perfectionnement actif, migration intérieure, force centripète…bon, je vous entends …encore du jazz pour intellos avec fumette garantie, fumigènes de circonstance , clochettes et grelots aux chevilles
Et bien oui, ça plane pourquoi pas ? Oui, il y a des sons discordants, oui il y a des bruits bizarres sortis des saxophones de David Amar (ex du groupe Sashird Lao) , de la guitare de Maciek Pysz et des percussions de David Sur . Là s’arrête l’image facile de présenter ce trio qui depuis longtemps joue du jazz sur toutes les scènes du monde, ce jazz ou l’improvisation semble improvisée mais qui est souvent écrite, là, les 3 artistes jouent vraiment le jeu de ce qu’ils appellent la composition spontanée. Le morceau sera unique, chacun dans un court instant de réflexion ajoute à l’œuvre sa vision avec des silences aussi forts que les notes, des notes qui ne s’inscrivent pas dans la gamme classique, on devient curieux de l’ingéniosité des musiciens à produire des drôles de sons, on est pris dans tout son corps, l’osmose avec le public se fait au fil des titres.
DAVID AMAR : C’est comme une sorte de plongée au moment présent ,un peu comme une discussion qu’on pourrait faire à bâton rompu dans un train par exemple ,on ne se connaît pas ,on part sans destination fixe vers des paysages inconnus…on peut tout imaginer…vous savez,on a 20 ans de standards derrière nous et on essaie de se remettre en question, en fait, on s’est dit,,dans quelle mesure on peut approcher l’instrument en se disant, tiens, on ne l’a jamais vu,c’est comme si on le ré-exploré à nouveau…c’est aussi éviter d’aller vers des structures connues, de puiser dans telle partie de l’histoire du jazz…
JP L : Il y a 3 cerveaux sur scène pour un même moment, où est le secret ?
David AMAR : On s’est longtemps entraîné à essayer de partir du jeu de contrainte…par exemple de jouer qu’avec une main, même moi le saxophone et même le guitariste, qu’est ce qui pouvait sortir de çà, ou la main droite non dominante gauche, ou la droite qui est gaucher pour le batteur … j’ai joué dans le noir, les yeux bandés, çà forge la connivence,la compréhension dans les mots, comme une équipe de foot qui se connaît bien,avec une moyenne balle l’autre va la rattraper quand même.
JP L : Souvent, en fin de morceaux, on vous sent rattraper par un jazz plus classique , qu’en est t’il ?
David AMAR : C’est sur que le back ground en commun , c’est le jazz entre nous trois , il nous a permis de nous rompre à l’exercice de l’improvisation, de mieux dialoguer mais on veut prendre des risques en s’échappant de la structure thème improvisation avec un début, un milieu , une fin…nos compositions spontanées, c’est l’instant présent, une rencontre unique, on a des choses à se dire pendant une heure et, parfois aussi avec le public à qui on demande de nous lancer un mot, une phrase, on est dans un univers inhabituel … il faut que cela touche le public et nous d’être inventif, mais il faut reconnaître que nous nous appuyons sur nos expériences , Maciek, c’est un disciple d’ Aldi Meola, il a un trio, il est compositeur, David, lui joue beaucoup de musiques ethniques et du monde, il a croisé tous les grands musiciens et moi, je travaille régulièrement avec des groupes de danse contemporaine…en fait, je vais sur des techniques étendues que je n’ai pas exploré avant.
JP L : Comment s’est déroulé l’enregistrement Space Jazz, c’était quand même préparé .
DAVID AMAR : Oui, effectivement, on avait préparé des compositions qu’on a enregistré mais le dernier jour, on a demandé à l’ingénieur du son de laisser tous les micros ouverts, pendant deux heures, on a joué à l’instinct et finalement on n’a gardé aucune composition et les 15 plages de ce CD ne sont que des morceaux spontanés.