Le Théâtre de la Cité présentait le mois dernier un spectacle par trois fois remarquable : par l’auteur du texte, par l’interprète, par le metteur en scène. Remontons la piste.
Le metteur en scène vous le connaissez : Il s’agit de François Bourcier, qui a fondé la compagnie Le théorème de Plank. Le Théâtre de la Cité (encore lui !) avait programmé le 30 avril 2016 Résister c’est Exister que ledit François avait mise en scène et interprété. (Voir article dans ciaovivalaculture du 2 mai 2016.
L’interprète ? Dans la famille Mesguich je demande le père. Daniel. Qui connaît un peu le théâtre ne peut ignorer ce nom. Il est venu au Théâtre de Nice je ne sais combien de fois, notamment à deux reprises avec sa pièce fétiche, Hamlet.
Dans la famille Mesguich je demande la fille. Sarah. Metteur en scène -celui que me fera écrire Metteuse est loin d’être né- comédienne vue à Nice dans Actes de Tchekhov. Elle a joué entre autres sous la direction de Jean Claude- Fall, Daniel Mesguich, Patrice Chéreau… dans une quarantaine de pièces de théâtre.
Et dans la famille Mesguich je demande le fils. William. Que l’on a vu à Nice au TNN dans L’entretien entre Descartes et Pascal le Jeune et Hamlet. Mis en scène de et avec papa. Mais si on regarde le nombre de ses opus théâtraux, on constate que, pour un comédien et un metteur en scène d’un peu plus de quarante ans, il peut en être fier. Il nous revient seul sur scène, donc mis en scène par François Bourcier, et au texte, Totor. Pardon, Victor Hugo.
Il s’agit du l’adaptation du « Dernier jour d’un condamné », que l’on classifie comme roman à thèse, roman mettant en scène des personnages destinés à illustrer ou représenter des concepts ou des courants philosophiques.
Victor Hugo rencontre plusieurs fois le spectacle de la guillotine et s’indigne de ce que la société se permet de faire de sang-froid ce qu’elle reproche à l’accusé d’avoir fait. C’est au lendemain d’une traversée de la place de l’Hôtel de Ville où le bourreau graissait la guillotine en prévision de l’exécution prévue le soir même que Victor Hugo se lance dans l’écriture du Dernier Jour d’un condamné qu’il achève très rapidement.
Le roman se présente comme le journal d’un condamné à mort écrit durant les vingt-quatre dernières heures de son existence dans lequel il raconte ce qu’il a vécu depuis le début de son procès jusqu’au moment de son exécution, soit environ six semaines de sa vie.
Le spectacle est intense, le jeu de William est habité, mais sans « en faire des tonnes », comme d’aucun pourrait le faire. Et dans la mise en scène, ce qui est remarquable, c’est la scénographie, en particulier l’usage de la lumière qui « écrit » à la fois le climat, l’atmosphère mais aussi le lieu de l’action. On sent que François Bourcier n’est pas sans ignorer le cinéma expressionnisme.» du contexte de l’action, et même du roman, Pourquoi, nous avons posé la question à William Mesguich.
Qui est-ce qui vous a déterminé à choisir ce texte d’Hugo?
J’aime Hugo depuis très jeune. J’aime sa poésie, son théâtre, .ses romans j’aime son style aussi bien sûr. Après « Mémoires d’un fou » de Gustave Flaubert, je voulais goûter à nouveau à l’ivresse d’une performance solitaire sur scène. J’ai demandé à François Bourcier de m’accompagner sur cette aventure et notre choix s’est porté sur ce « dernier jour d’un condamné ». C’est un texte majeur de la littérature mondiale. C’est un texte fort que j’ai toujours apprécié et qui permet d’aller sur le terrain de l’universel pour parler de la nature humaine dans un moment de rupture pour un homme, un moment de violence et de fragilité à la fois. Aborder la question de la culpabilité et d’une fin de vie pour un être humain sur laquelle se sont accordées les personnes d’une même société-en conscience- est passionnante et mérite qu’on y prête attention.
Nous sommes à l’heure du politiquement correct, du sémantiquement correct. Ce qui frappe, à considérer l’œuvre d’Hugo (textes, romans, poésie) c’est que c’est l’œuvre d’un révolté permanent. Y a t-il place pour un Hugo actuellement?
Je ne suis pas sûr qu’il y ait à notre époque de Victor Hugo. Il y a effectivement un consensus qui empêche les pensées les plus neuves, les plus folles, souvent écrasées dans l’œuf par la réaction et le politiquement correct. Comment inventer une pensée neuve ? Comment ébranler par les plus belles choses du monde la majorité paresseuse qui ne cherche pas l’excellence et qui est souvent dans l’ignorance.
Peut-on convaincre les influents de ce monde pour leur faire prendre conscience que c’est l’art qui compte et non le commerce, la poésie et la beauté qui nous chavirent et non le désir de rentabilité et la bêtise qui en découle ? Pas très simple actuellement de célébrer une voix qui s’élèverait dans le marasme intellectuel et sociétal dans lequel nous vivons.
Vous intégrez dans ce spectacle le poème « Demain dès l’aube », au demeurant dans une mise en scène disons plus dans le domaine de l’irréel, comme un rêve, à la limite du cauchemar. Pourquoi avez vous fait le choix d’intégrer ce texte?
Nous cherchions un texte hétérogène au « Dernier jour d’un condamné » mais du même auteur. Un jour, en répétition, j’ai déclamé ce poème, de manière hasardeuse, texte que j’aime beaucoup et que j’avais étudié lors de mes études et on a décidé de le garder. Il fait aussi partie des monuments de la galaxie poétique et il a à voir avec le deuil et le souvenir (certes, celui de Léopoldone, la fille de Hugo) et il nous a semblé qu’il pourrait insuffler le texte qui nous intéressait. Ce poème met en jeu celui ou celle qui viendrait se recueillir sur la tombe du condamné. Le condamné imagine que quelqu’un se souviendra de lui, comme Hugo s’est souvenu toute sa vie de l’être cher disparu, sa fille. C’est un poème sublimement écrit dont le rythme et la répétition jusqu’à l’obsession dans cette cellule de 2 mètres sur 2 finit par entraîner le condamné, et le spectateur, sur le terrain du vertige et du fantasme.
Comme beaucoup de metteur en scène, votre père a sa pièce symbole qu’il s’en va voir tous les dix ans, « Hamlet« . Avez vous aussi une pièce « fétiche »?
Je n’ai pas de pièce fétiche. Je suis à l’affût des grands textes car il me semble essentiel de s’y « frotter » et je suis avide d’en découvrir de nouveaux, des textes plus rares, rarement montés. Je suis aussi passionner par les rencontres avec les artistes et auteurs et l’aventure humaine compte infiniment à mes yeux. Il y a aussi des spectres d’encre et de papier qui m’interpellent et me font chavirer. Pour preuve, j’interpréterai l’an prochain deux monstres du théâtre mondial. Antonin Artaud et Macbeth.
La représentation s’achève avec la voix de Robert Badinter dont un des premiers textes législatifs
fut de présenter, le 17 septembre 1981, l’abolition de la peine de mort. Cela fait du bien d’entendre ces paroles. Rappelons que Le dernier jour d’un condamné date de 1829.
Jacques Barbarin
Le dernier jour d’un condamné, d’après Victor Hugo, interprété par William Mesguich, mise en scène de François Bourcier
Photo de William Mesguich : Béatrice Landre
[…] le jeune, et, dans la famille Mesguich je demande le fils, Le dernier jour d’un condamné. https://ciaovivalaculture.com/2018/05/06/theatre-mesguich-hugo-le-dernier-jour-dun-condamne/. Et n’oublions pas lés écrit du papa avec ce sublime forcement sublime Estuaires […]