Cinéma / LA ROUTE SAUVAGE d’Andrew Haigh.

L’itinéraire d’un jeune garçon de 15 ans ballotté par les drames de la vie au cœur de l’Amérique profonde des laissés pour compte. Livré à lui- même, confronté à la solitude et à la dureté d’un contexte où il va devoir conquérir sa dignité …

Le cinéaste et scénariste Anglais dont les premiers films ont été couronnés de nombreux prix dans son pays, et remarqué notamment chez nous par 45 ans ( 2015 , interprété par charlotte Rampling et Tom Courtenay). Pour son quatrième long métrage tourné aux Usa , il a choisi d’adapter le roman Lean on Pete de l’écrivain Américain Willy Vlatin , qui dans sa préface l’inscrit dans l’héritage de John Steinbeck . Voilà de quoi attirer l’attention du cinéaste Britannique d’autant que le récit consacré au jeune héros, rejoint par certains aspects les thématiques ( la solitude , la quête de liens affectifs …) de ses précédents films . Ainsi que ceux explorés ( les rencontres inattendues , les failles, l’amitié …) par les personnages de sa série Looking, réalisée pour la chaîne HBO . Mais c’est aussi explique-t-il parce que « … l’itinéraire de Charley n’est pas qu’un classique récit d’apprentissage qui le conduirait vers l’âge adulte , Il y a quelque chose de plus fondamental : ce qui l’entraîne est un besoin désespéré d’appartenance à un foyer, une famille – la quête d’un lieu où il se sentirait protégé… » . Ce besoin le porte qui va lui permettre de rester fort et de garder la tête haute . Dans une très belle scène du film , en pleine crise de désespoir , on le voit tout à coup s’apostropher et nous révéler : «  je n’ai jamais voulu appeler ceux qui auraient pu m’aider , parce que je ne veux pas qu’ils voient ce que je traverse aujourd’hui… je préfère qu’ils aient un bon souvenir de moi !» . Sa quête de dignité est une constante qui le guide, dont le cinéaste et le romancier qui a participé à l’écriture  du scénario , offrent l’écho d’un regard ne jugeant , ni ne condamnant aucun des personnages que Charlie croise au long de son parcours…

Charley ( Charlie Plummer ) et Del ( Steve Buscemi ) – Crédit  Photo : Ad Vitam Distribution-

D’autant que son itinéraire commence mal, dès son plus jeune âge : abandonné par sa mère quelques jours après sa naissance et qu’il ne reverra plus, le laissant à un père « coureur de jupons » duquel elle se sépare . Ce dernier pas très responsable qui multiplie autant les « combines » que les aventures sentimentales , mais avec lequel Charley ( Charlie Plummer) s’entend bien.  Ce dernier  laissé assez  libre ,  se partage entre l’école et ses entraînements de footballeur pour cette dernière , et des petits boulots  d’appoint qui lui permettent d’améliorer le quotidien d’argent de poche …et parfois aussi de compléter le nécessaire aux besoins de la maison. Jusqu’au jour,  où le drame consécutif aux dérives du père , va laisser Charley, livré à lui-même. Désormais seul  et cherchant à échapper au placement des services sociaux , il trouvera asile provisoire et travail, chez Del ( Steve Biscemi) et son Hara de chevaux qu’il entraîne , destinés à des courses hippiques régionales dont le jockey est la jeune Bonnie ( Chloé Sévigny ). Charley va se passionner pour les chevaux , mais le milieu est difficile et impitoyable pour ces « bêtes  de course » que l’on destine à l’abattoir , lorsqu’elles ne gagnent plus… et donc ne rapportent plus  !. Le cheval auquel il s’est attaché «  lean -on- Pete » surchargé de courses et fatigué se retrouvant assez vite dans le lot, Charley décide de le sauver , l’enlève a son maître et l’emmène avec lui  pour un bout de chemin  dans son voyage vers l’espoir . Celui qui doit le conduire à retrouver cette tante , Margy  ( Alison Elliot ) , qui a été dans son enfance , comme «  une seconde mère » avec laquelle son père s’est brouillé et qui est partie , et ,  il va  devoir  trouver son nouveau refuge et (ou), lieu de travail.. . espérant qu’elle puisse le recueillir, et lui offrir un nouveau foyer.

Charley ( Charlie Plummer) et la jeune Jockey ( Chloé Sévigny ) – Crédit photo: Ad Vitam Distribution –

De l’Oregon jusqu’à la nouvelle demeure de la tante , le long chemin à faire se transforme en périple au coeur de l’Amérique profonde du grand Ouest, où les magnifiques paysages cachent parfois la détresse et la misère . Dans les campagnes et le petites villes où il n’y a plus de travail  …c’est la survie qui compte et les moyens pour y arriver , passent parfois par ceux de la violence , accentuée par le refuge dans les trafics de toutes sortes et les conflits qu’ils génèrent , on y sombre aussi dans l’alcool ou la drogue. On vole pour revendre le butin trouvé , afin de pouvoir manger . Les rares lieux d’accueil associatifs possibles sont dépassés par l’afflux des demandeurs, et la misère s’étale dans les rues . Dans les immensités isolées on peut un peu mieux survivre en trouvant des solutions alternatives , et si quelques petites fermes y arrivent , les difficultés économiques sont là qui désespèrent  les populations dans un monde rural délaissé, se murant dans le repli et un ressenti du rejet  palpable… de  ceux  qui ne savent pas de quoi sera fait  demain. L’approche de cette réalité est passionnante tant le regard du cinéaste prend soin de ne pas se retrouver piégé par les clichés misérabilistes desquels il cherche constamment à se démarquer , évitant le trait appuyé de la noirceur,  qui ferait oublier la vraie détresse des individus laissés pour compte . Le respect du regard est essentiel envers ces derniers  broyés et perdus, dont il décrit les effets de la violence psychologique face à laquelle ils se  retrouvent démunis . Hébétés et perdus dans un pays qui les a abandonnés …

Charley ( Charlie Plummer )  avec son   cheval-ami ( Lean on Pete)- Crédit Photo : Ad Vitam Distribution –

Et c’est cette détresse faisant miroir à la sienne que Charley découvre accompagné dans son périple pour un bout de chemin par son cheval , Lean on Pete , auquel il se confie sans retenue  dans de magnifiques séquences où ils marchent  d’un même pas , au cœur d’une nature sauvage leurs silhouettes semblant parfois, perdues dans l’immensité. Le cheval et l’homme en osmose , marchant vers l’espoir à égalité ( Charley ne monte pas son  cheval …) l’un et à côté de l’autre, comme des amis.  Parenthèse magnifique , miraculeuse et bouleversante d’une étendue d’eau croisée sur leur chemin qui les invite à s’y détendre , et à y batifoler !. On se laisse prendre , à l’intensité de ce road-trip émouvant , où le jeune Charley nous entraîne dans sa quête dont on ne peut que souhaiter qu’elle aboutisse. Mais on vous laisse la surprise de la découverte des nombreux moments, que nous n’avons pas voulu déflorer. Par contre, s’il fallait vous donner une raison supplémentaire pour vous inviter à emprunter la route sauvage en compagnie Charley, c’est justement d’aller découvrir le comédien qui l’incarne : Charlie Plummer, dont la qualité de son jeu accompagnée par l’humanité dont il investit son personnage, est bluffante !. Il donne   une intensité et une force incroyable à sa quête d’amour et de protection. Il en fait un beau personnage, fragile, digne, attachant et lumineux , s’accrochant  avec force et détermination  à la vie . Sa composition magistrale se situe dans la lignée des jeunes débutants d’hier ( Leonardo Di Caprio, Brad Pitt ou le regretté River Phoénix … ) qui dans leurs premiers rôles ont éclaboussé les films par leur talent . Charlie Plummer que l’on a peu vu jusqu’ici ( cantonné à des rôles secondaires ) , a cependant incarné , le joli personnage de Michaël Thompson, dans huit épisodes de la série Boardwalk Empire, aux côtés de Steve Buscemi qu’il retrouve , ici , comme partenaire. Ne manquez pas le rende-vous …

(Etienne Ballérini )

LA ROUTE SAUVAGE d’Andrew Haigh- 2017- Durée : 2 h 01.
Avec : Charlie Plummer, Chloé Sévigny , Steve Buscemi, Travis Fimmel, Steve Zhan, Justin Rain, Lewis Pullman …

LIEN : Bande -Annonce du film, La route sauvage d’Andrew Haigh .

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