Cinéma / LA MORT DE STALINE d’Armando Iannucci.

La lutte pour le pouvoir et la succession se déchaînent suite à la mort du chef suprême de l’Union Soviétique. Une comédie satirique décapante concoctée par le comédien , scénariste et producteur de la Télévision Britannique , connu pour ses satires politiques distillées en shows et (ou) séries TV : The Thick of it, ou Veep . Dont il poursuivra l’expérience sur grand écran , avec son premier long métrage In The loop (2012 ), qu’il renouvelle ici. Hyper réjouissant !…

La découverte du cadavre de Staline par Nikita Khrouchtchev ( Steve Buscemi ) et Gueorgui Malenkov( Jeffrey Tambor )- Crédit Photo Gaumont Distribution-

La satire enrobée par les tonalités de l’absurde et de « l’humour british » s’est souvent révélée dévastatrice à l’image des piques aussi subtiles que sournoises, dont les Monty Python enrobaient jadis leur fameuse série «  Monty python Flying circus » , ou leurs films . On retrouve ici cette verve revigorante et caustique avec laquelle Armando Iannucci alimente les dialogues des séquences de son récit, porté par une réalisation qui le suit à la lettre et des comédiens dont le jeu renvoie la juste démesure d’une sorte de paranoïa où la guerre de succession fait rage . Paranoïa, comme revers de la médaille des « purges » qui ont fini par bâillonner  toute velléité de contestation du pouvoir , ancrant dans les cerveaux la peur de se retrouver pris dans l’étau de celle-ci  et crépir au mieux au goulag, et au pire , être exécuté sur le champ !. D’emblée les premières séquences magistrales, décrivent cette paralysie qui en découle au sommet de l’état où les membres du bureau politique s’épiant et se regardant en chiens de faïence , confrontés à la mort du charismatique « petit père du peuple » suite à une attaque cérébrale ,  et le laisserons  plusieurs heures sans secours dans son bureau . N’osant y pénétrer , mais surtout retardant le moment, pour tenter de jauger comment retourner la situation des prétendants à  la succession  !.. Et les candidats sont nombreux dont le masque de l’hypocrisie se mettra en place ….

A  droite,:  Le secrétaire général Malenkov successeur désigné ( Jeffery Tambor ) et  à gauche :Le chef de la Police , Béria   ( Simon Russel Beale ) – Crédit Photo : Gaumont Distribution-

L’adaptation de la bande dessinée de Thierry Robin et Fabien Nurry ( rééditée aux éditions Dargaud ) dont les auteurs se sont inspirés , décrit donc les événements successifs de cette lutte pour la succession qui suivra la mort de Staline le 22 Mars 1953 . Le récit basé sur les événements réels auxquels chaque séquence fait référence aux événements  historique permettant à partir de ceux-ci, d’y inscrire le regard satirique qui ne fait qu’amplifier l’absurde d’un constat et d’une réalité dont finalement celui-ci , fait état de la démesure paranoïaque. Celle dont la soif de pouvoir , de sa conquête, et les coulisses de celui-ci dont l’ampleur des exactions pour s’y maintenir n’a pas de limites. Cela fait froid dans le dos et cette cruauté là, seule la satire et son trait de la surcharge , permet d’en traduire la vraie dimension reflétant , une sorte de « folie » totalitaire. A cet égard ,de nombreuses séquences s’en font l’écho . Comme par exemple cette hallucinant constat de l’impossibilité de trouver un médecin neurologue pour tenter de sauver Staline suite à son attaque cérébrale … les meilleurs ayant tous été liquidés comme opposants ! . La « charge » de l’absurde renvoyant à la réalité , est d’une efficacité rare qui permet de « glisser » par exemple d’autres vérités historiques . A l’image de celle révélant le caractère sournois et manipulateur du chef de la police politique , Lavrenti Béria ( Simon Russel Beale , étonnant ) , s’appuyant sur l’efficacité de ses troupes , pour tenter de barrer la route à ses adversaires afin de prendre le pouvoir et succéder à Staline. La lutte acharnée pour succéder à celui-ci qui se prolongera pendant deux jours dans les coulisses et en marge des obsèques, où tous les coups sont permis offrant une sorte de « tourbillon » échevelé de manipulations et de retournements de situations qu’on aurait presque du mal à croire…

Le Maréchal Joukov , chef des armées ( Jason Isaacs ) prêt au coup de force ( Crédit Photo: Gaumont distribution )

A l’image du rôle qu’y jouera dans celle-ci , le ministre de l’Agriculture, Nikita Khrouchtchev (Steve Buscemi, parfait) qui saura naviguer dans les eaux troubles et en tirer profit …devenant historiquement , le successeur . Mais ces deux journées de luttes intestines sont aussi pour les auteurs l’opportunité de mettre en lumière des personnalités qui auront intrigué  dans l’ombre et essayé de tirer les ficelles en leur faveur , lors de cette longue période de la dictature stalinienne. Au delà du chef de la police politique Béria dont  ne se compte plus le nombre de ceux qu’il a envoyé au Goulag et à la mort,  avec une sorte                d’ indifférence confinant à une monstruosité cynique, perverse et maladive . On y retrouve et déguste d’autres portraits qui ne manquent pas de saveur, ni de relief dans la panoplie des représentants de la garde rapprochée du bureau Politique, dont les interprètes excellent à décortiquer dans leur jeu, les indices révélateurs de défauts et autres perversités dont ils ont acquis, les réflexes. Ceux dont on découvre par le biais des réunions du comité central du parti comment la discipline de « l’unanimité des décisions », est biaisée par la peur : celui qui s’y oppose risquant de devenir , le prochain candidat … au goulag , ou à la liquidation !. Au jeu des apparences et de la duplicité certains se révèlent maîtres, tandis que d’autre rentre – dedans tenteront d’imposer leur autorité …ou se montreront imprévisibles, et donc tout aussi dangereux . Sous sa fausse attitude débonnaire et perméable face aux différentes suggestions manipulatrices, le secrétaire général adjoint et héritier désigné , Gueorgui Malenkov (Jeffrey Tambor , épatant lui aussi ) saura naviguer . Tandis que le Maréchal Joukov ( Jason Isaac ) cherchera à faire jouer son autorité acquise sur les champs de bataille pour en imposer à la fois par les mots et la force . Tout à l’opposé du fils de Staline ( Rupert Friend ) ,  est  devenu un pathétique Général sans envergure ayant sombré dans l’alcool. Les portraits  savoureux  sont multipliés à l’infini dont on vous laisse découvrir l’évolution des concernés et le sort qui leur sera réservé …auquel le regard satirique du cinéaste empreigne une belle  dimension  de dérision,  face au pathétique.

Aux funérailles de Staline tous les prétendants à la succéssion sont présents ( Crédit Photo : Gaumont Distribution)

Au bout du compte , ce que le récit satirique du cinéaste laisse percevoir habilement au delà de celle-ci , c’est aussi l’absence du peuple au nom du bonheur, duquel on prétend gouverner ! . Celui-ci , confronté à la peur et à la main de fer qui le maintien dans la soumission pour ne pas courir le risque d’une dénonciation qui le perdrait . C’est lui , qui sera au cœur de l’enjeu d’une succession dont certains voudront l’écarter des obsèques de Staline et de la démonstration de masse pouvant les  exposer au risque d’un rejet… certains prétendants  se sachant  peu appréciés  du peuple !. C’est le beau final auquel le récit nous convie, mettant en valeur cette masse humaine et ses revendications qui déferlèrent jadis pour porter cette révolution au pouvoir , dont les chefs ont fini par trahir ses idéaux …

(Etienne Ballérni )

LA MORT DE STALINE de Armando Iannucci – 2018- Durée : 1 h 47 –

Avec : Steve Buscemi, Simon Russel Beale , Jeffrey Tambor, Paddy Considine , Rupert Friend, Jason Isaac, Michaël Palin, Olga Kurylenko, Adian McLoughlin, Andrea Riseborough…

LIEN : Bande -Annonce du film ,La Mort de Staline d’Armando Iannucci .

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