Les hasards du calendrier font bien les choses, puisqu’ils nous permettent de découvrir après Il Figlio Manuel ou Tesnota, un nouveau un 1er film, qui parle lui aussi de jeunesse. Mais cette fois il nous vient d’Amérique du Sud et du sud du Chili…

Mala Junta est le 1er long métrage de la réalisatrice chilienne, d’origine Mapuche, Claudia Huaiquimilla. Les Mapuches (« Peuple de la Terre ») sont une communauté indigène du centre -sud du Chili (et d’Argentine). Ils sont les seuls à avoir résisté à l’hégémonie inca, puis à la conquête espagnole. Par le pacte de Quillin (…en 1641!), ils obtinrent certaines garanties territoriales et pour le respect de leurs droits fondamentaux, lesquelles furent remises en cause par le Chili au moment de son indépendance au XIXe siècle. Aujourd’hui, les Mapuches luttent pour la reconnaissance de leurs droits ancestraux et territoriaux, de leur culture et de leur autonomie, bafoués par les grands propriétaires et les entreprises agro-industrielles. Cela avec la complicité des gouvernements (de droite ou de gauche), malgré la fin du régime de Pinochet, qui les ont criminalisés en assimilant leur lutte au terrorisme, notamment par le biais d’une loi antiterroriste héritée de la dictature.

Dans San Juan, la noche más larga, son précédent film, également un premier court métrage, la jeune réalisatrice s’intéressait déjà à la situation de la communauté mapuche. Le contexte, ainsi que la présence d’Eliseo Fernández, tout jeune comédien Mapuche qui interprète le même personnage dans les deux films, font de Mala junta un prolongement qui met en scène Tano (Andrew Bargsted) et Cheo (Eliseo Fernández). Tano est un adolescent turbulent de la capitale, Santiago. Petit délinquant, il vole des confiseries dans une station service et se fait arrêter par la police. Cheo, un garçon introverti d’origine mapuche, est le souffre douleur des autres élèves. Pour éviter le centre de détention, Tano va rejoindre dans le sud du pays un père qu’il a peu vu car ses parents sont séparés. Il est dans le même lycée que Cheo.

L’expression « mala junta » du titre est utilisée par les parents pour désigner les mauvaises fréquentations que leurs enfants doivent éviter. Tano comme Cheo sont l’un et l’autre des déracinés et des marginaux que le préjugés vouent à l’étiquette « peu fréquentable » et que rien ne semble ne semble devoir rapprocher. Pourtant, ils sont obligés de cohabiter et, malgré leurs différences, notamment sociales, ils ont aussi bien des points communs qui peuvent ouvrir des portes. Mala Junta est le récit, classique dans sa forme, de ce parcours initiatique porté par deux jeunes interprètes particulièrement convaincants. En parallèle, Claudia Huaiquimilla montre habilement les difficultés et la discrimination auxquelles sa communauté est confrontée. Sa démarche est engagée, « militante », mais elle opte pour la sobriété et se garde d’être trop démonstrative, en dehors de quelques courtes scènes de foule (manifestation, enterrement). Ainsi, c’est depuis la fenêtre d’un autocar ou sur un écran de télévision que l’on se rendra compte de la répression policière et militaire. De même, des plans sur des arbres coupés ou des sols humides et appauvris, le bruit des tronçonneuses suffisent pour illustrer les conséquences écologiques et les ravages des multinationales, représentées ici par une gigantesque usine de pâte à papier.

Mala Junta apporte donc un éclairage nécessaire sur les problèmes peu médiatisés de la communauté mapuche au Chili, mais les thèmes qu’il aborde, comme les discriminations ou les relations pères-fils, sont universels, d’où le succès rencontré auprès de différents publics dans de nombreux festivals internationaux. A Cinelatino (Toulouse) en 2017, il a remporté le Prix du Public ainsi que le Prix des Lycéens.
Mala Junta de Claudia Huaiquimilla (Drame – Chili – 2016 – 1h29) avec Andrew Bargsted, Eliseo Fernández, Francisco Pérez-Bannen.
Voir également :
– Entretien avec Claudia Huaiquimilla
– Bande annonce du film (Bodega Films – Vostf)
– Sur les Mapuches :
Mapuches : Hommes de la Terre
Philippe Descottes
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