Cinéma / AVANT QUE NOUS DISPARAISSIONS de Kiyoshi Kurosawa.

Le nouveau film du cinéaste Japonais ( Le secret de la chambre noire , l’autre rive, Creepy ) est une incursion dans le monde de la science fiction , en forme de variation revendiquée des films Hollywoodiens du genre des années 1950. Saupoudrée d’une jolie dose d’humour décalé . A voir ..

Dès les premières images,  le cinéaste nous entraîne dans la tragédie, le drame et le mystère avec la violence de l’assassinat sauvage par une  adolescente, d’une famille Japonaise . La quiétude de la ville en ce printemps provincial en est bouleversée, tout comme le quotidien des personnages que le cinéaste va nous inviter à suivre. Adapté d’une pièce à succès de Tomhira Maekawa , l’histoire installe cette atmosphère d’inquiétude à laquelle le cinéaste nous a habitués dans ses films ( Réal/ 2013 ). Celle -ci s’y inscrit dans la continuité de l’investigation menée par le journaliste indépendant Sakuraï ( Hiroki Hasegawa ) venu de Tokyo enquêter sur cette mystérieuse affaire qui va révéler que d’autres phénomènes étranges ( y est-elle liée ? ) se produisent dans la ville . Notamment dans la vie du couple Narumi ( Masami Nagasawa ) et Shinji ( Ryuhei Matsuda ) qui traverse une période difficile et dont la disparition du mari  ( Shinji ) étonne et finit par interpeller par son retour quelques temps plus tard , où il semble être devenu une autre personne. Dans la foulée il se révèle également que d’autres personnes subissent cette même mutation de personnalité …

au Centre : le couple : Narumi ( Masami Nagasawa ) et Shinji ( Ryuhei Matsuda ) -Crédit Photo : EurZoom Distribution )

Dans la continuité de la pièce qui s’inscrivait dans la « parodie » des films de science-fiction des années 1950 revendiquée donc par le cinéaste qui explique «  avoir été tenté d’en transposer les codes du divertissement » , et vouloir développer son récit en faisant le lien entre les événements curieux dont il est fait constat, en y intégrant la thématique de l’invasion de la planète par des « Aliens » qui ont pris l’apparence des humains. Leur but : s’approprier les notions et concepts d’humanité des terriens et en faire en quelque sorte des « zombies » à leur merci , afin d’utiliser les pouvoirs acquis ( volés) pour installer   leur suprématie . L’espèce humaine étant en complète décadence et décrépitude , son avenir étant désormais limité et sa disparition inexorable , les successeurs préparent le terrain avec ceux qu’ils ont «  vampirisés »  de leur valeurs , et sont  désormais à leur service. Et  ceux qu’ils ont choisis comme guides( non vampirisés…) dont ils ont besoin pour infiltrer les rouages de la société humaine. Kyoshi Kurosawa, développe son récit et sa mise en scène sur plusieurs tableaux qui s’interpénètrent. Ceux du polar et de l’enquête pour retrouver la jeune adolescente meurtrière, ceux  de la science- fiction et du mystère qui entoure l’arrivée des Aliens, ceux  du suspense et de l’inquiétude collective sur un danger ( la guerre des mondes) précipitant la fin d’une civilisation . Et enfin ,ceux  de l’intimité bouleversée d’un couple pris dans l’engrenage des événements …

Le geste des Aliens pour  déposséder les humains de  leurs Valeurs ( Crédit Photo EuroZoom Distribution )

Brassant ces différentes approches, kiyoshi Kurosawa fait preuve d’une belle  habileté et sensibilité dans sa manière d’aborder les différentes thématiques. A l’image de la manière dont son sens du bricolage minimaliste et de la poésie qu’il diffuse dans les séquences où le spectaculaire doit être au rendez- vous . La concision et l’efficacité, ( scènes de foule , d’action , de guerre ou de défis … ) , y sont de mise, renvoyant les « blockbusters » et leur profusion du spectaculaire au tapis. Pas besoin d’effets spéciaux sophistiqués pour symboliser la « vampirisation » d’un humain par un Alien : un seul geste du doigt  pointé sur le cerveau suffit !  …L’utilisation des décors naturels ou des intérieurs , relève elle aussi le défi de l’imagination, pour utiliser les espaces et y intégrer les éléments ( laboratoires secrets et autres signes…) d’une présence extérieure menaçante. De la même manière que c’est la psychologie qui va servir désormais de moteur aux inter -relations entre les deux mondes . Il suffira également d’une belle partition musicale toute en subtilités signée Yusuke Hyashi pour accompagner la montée inexorable de l’inquiétude , l’angoisse et la peur suscitée par les moments forts  ( intervention de l’armée de défense  ) pour s’y opposer   qui accompagnent cette occupation des esprits et des lieux. Alternant les moments de répit et de suspense , la mise en scène inscrit aussi au cœur du désordre qui l’entoure , une belle réflexion sur le couple Narumi / Shinji en crise et qui était en train de se défaire, dont la confrontation aux événements va trouver une solution inattendue . Celle dont le cinéaste nous offre sur le thème de l’amour , ce « concept  compliqué.. » dont les envahisseurs n’arriveront pas à pénétrer le secret,  comme  une superbe possibilité de réponse -refuge, qui va leur permettre face au chaos du monde , et  de retrouver l’équilibre …

Au premier plan: le journaliste ( Hiroki Hasegawa) – Crédit Photo : EuroZoom Distribution- 

La romance intime ainsi explorée , il reste celle de l’humour dévastateur qui permet , lui , au travers de cette « vampirisation » de renvoyer à «  un certain état des lieux de notre monde » et ( ou ) civilisation . Ces notions ( de propriété , travail , famille …) ,et valeurs sur lesquelles reposent nos sociétés . Habilement le cinéaste les fustige en montrant les réactions qu’elles provoquent chez ceux qui en sont dépossédés et se retrouvent totalement désemparés … ou ,pour d’autres,  qui en découvrent l’envers des « addictions » qu’elles provoquent et retrouvent une certaine liberté. A l’image de ce chef d’entreprise se retrouvant dépossédé de la notion «  travail » pour qui désormais compétitivité et autres devises de la  réussite  d’entreprise  ne veulent plus rien dire , et qui se met à détruire son bureau ! . Mais il y a aussi le revers de la médaille de ceux qui , à l’image de Shinji,  ont du mal à s’adapter à leur nouvel état …et qui  sera mordu par un chien qu’il voulait dépouiller de ses connaissances !. Habilement , Kiyoshi Kurosawa par le bais des variations de sa mise en scène, introduit une réflexion sur les multiples  « enjeux » auxquels notre civilisation est confrontée pour affronter son avenir . Ces valeurs- refuges, socles sur lesquels elle s’appuie mais qui dans ces temps incertains, deviennent de plus en plus fragiles …et se retrouve démunie pour y faire face, car il y a  urgence , comme le souligne le titre du film….  

( Etienne Ballérini )

AVANT QUE NOUS  DISPARAISSIONS de Kiyoshi Kurosawa- 2018- Durée : 2h 09.
Avec : Masamai Nagasawa, Ryuhei Matsuda, Hiroki Hasegawa …
LIEN : Bande-Annonce du film ( EuroZoom Distribution)                                                               

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