Cinéma / LA FORME DE L’EAU (The shape of water) de Guillermo del Toro

Après le relatif échec  de Crimson Peak, Guillermo del Toro est de retour au cinéma avec La Forme de l’eau. Un film magnifique dans lequel il demeure fidèle à son univers. Lion d’Or à la Mostra de Venise 2017…

La Forme de l'eau Affiche
L’affiche du film

Les Etats-Unis en 1962. Elisa Esposito (merveilleusement interprétée par Sally Hawkins) est employée comme femme de ménage dans un laboratoire militaire secret de Baltimore. Muette, elle peut compter sur sa collègue et amie « grande gueule » Zelda (excellente Octavia Spencer) pour l’aider et la protéger. La vie d’Elisa bascule le jour où une créature aquatique (Doug Jones), capturée en Amazonie par des militaires américains, est amenée au laboratoire. La jeune femme va à sa rencontre et cherche à l’apprivoiser. La seule rencontre de la belle avec la bête suffirait à classer le film dans le fantastique, genre que le cinéaste maîtrise . Toutefois c’est un peu plus complexe. Guillermo del Toro aime les monstres depuis son enfance mais il aime aussi le Cinéma et La Forme de l’eau est un hommage à l’un de ses films fétiches L’Étrange Créature du lac noir, de Jack Arnold, comme il peut se voir comme une version des années 1960 de La Belle et la Bête, même si la Bête ne se transforme pas en prince charmant. Cependant, son dixième long métrages est également un habile mélange des genres, à la fois une série B fantastique, un mélodrame sentimental, un thriller d’espionnage, sans oublier un clin d’œil à la comédie musicale dont raffole Elisa, et le passage de l’un à l’autre s’effectue sans a-coups et sans accros.

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Sally Hawkins et Octavia Spencer – Crédit photo : Twentieth Century Fox France

La Forme de l’eau s’inscrit dans la continuité des précédents films du cinéaste dont on retrouve l’imaginaire et les thèmes. Le monstre n’est pas celui que l’on croit et le colonel Richard Strickland (impeccable Michael Shannon) est aussi abjecte que le capitaine Vidal (Sergi Lopez) du Labyrinthe de Pan. Elisa est orpheline comme la petite fille de l’antiquaire de Cronos et les enfants de L’Echine du diable. Elle communique avec une créature, comme Edith Cushing a le don de communiquer avec les défunts dans Crimson Peak. Elisa et la créature sont seules, comme l’est Ofelia dans Le Labyrinthe. Elisa pose un regard adulte sur le monde des adultes et Ofelia pose un regard d’enfant sur celui des adultes. Par ailleurs, on retrouve comme très souvent des souterrains et des lieux mal éclairés. Un occasion de rappeler le soin apporté aux décors et au sens du détail. Et puis, bien entendu les monstres. On se contentera de n’évoquer que ceux interprétés par le fidèle Doug Jones : le faune du Labyrinthe et « Abe » Sapien, proche cousin de la créature aquatique, de Hellboy et Hellboy 2.

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Sally Hawkins et Doug Jones – Crédit photo : Twentieth Century Fox France

Rêve éveillé, conte de fée pour adulte plein d’émotion, La Forme de l’eau est aussi, le contexte de la Guerre froide n’est pas anodin, une métaphore politique sur « la grandeur » d’une certaine Amérique qui exclue les handicapés (Elisa), les noirs (Zelda) et les homosexuels (Giles, le voisin d’Elisa joué par Richard Jenkins). Le lien avec l’Amérique intolérante d’aujourd’hui est évident.
Comme souvent à l’approche des Oscars (le 4 mars), pour lesquels il a été nommé 13 fois, le film a fait l’objet de polémiques. Parmi elles, celles de Jean-Pierre Jeunet, qui reproche à Guillermo del Toro d’avoir copié Delicatessen, et de l’héritier du dramaturge américain Paul Zindel qui l’accuse d’avoir plagié la pièce de théâtre Let Me Hear You Whisper, dans laquelle la concierge d’un laboratoire tente de venir en aide à un dauphin capturé.

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Nick Searcy et Michael Shannon – Crédit photo : Twentieth Century Fox France

En attendant, La Forme de l’eau a déjà remporté le Lion d’or la Mostra de Venise 2017 et c’est amplement mérité. On espère également qu’il ne sera pas oublié des Oscars et qu’il n’y aura pas d’erreur dans la transmission des enveloppes comme l’année dernière…

La Forme de l’eau (The Shape of water) de Guillermo del Toro (2017 – Fantastique – 2h03) Avec Sally Hawkins, Doug Jones, Octavia Spencer, Richard Jenkins, Mickael Shannon

Voir :
La bande annonce du film (20th Century Fox France – 2mn26)
Entretien avec Guillermo del Toro (Canal + – 4mn53)
Le tournage du film – La créature (VO – 16mn11)
L’Etrange créature du lac noir de Jack Arnold (Bande annonce – VO – 3mn51)
Le Labyrinthe de Pan (Bande annonce – Vf – 1mn31)

Philippe Descottes

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