La banlieue Romaine, le rêve d’indépendance d’une femme coiffeuse , dont la vie privée est compliquée. En petites touches toutes en finesse sur la vie quotidienne des petites gens, le nouveau film derrière la caméra du comédien -cinéaste Italien, est aussi un superbe portrait de femme . Sélection, Un Certain Regard , Cannes 2017…

Le quotidien de Fortunata, dont la traduction de son prénom signifie : chanceuse, n’est pas vraiment prédestiné puisque son destin chaotique dans le quartier de la périphérie Romaine, va rencontrer bien des déboires . Une vie de couple qui bat de l’aile, une fille de huit ans perturbée dont la décision de la garde est en instance. Fortunata vit de son travail de coiffeuse à domicile, et rêve d’ouvrir un salon de coiffure à elle . Seule désormais , elle va devoir faire face pour réaliser son rêve et conquérir son droit au bonheur. Mais « il y a des hommes dans cette histoire qui ne sont pas d’accord avec l’idée que Fortunata puisse être heureuse » explique le cinéaste . Et c’est ce qui va compliquer pour elle, son chemin . D’abord son mari policier et violent , Franco ( Edoardo Pesce ) qui la harcèle et veut récupérer l’enfant « elle est ma fille, tu n’est pas capable de l’élever ! » . Il y a aussi ce psychologue , Patricio ( Stefano Accorsi ) des services sociaux qui aura son jugement à donner sur le destin de leur fille et qui finira par jouer un rôle essentiel. Le cinéaste , construit son récit en forme de fable dont les héros de cette banlieue populaire Romaine et leur quartier de Torpignattara , construisent leur propre destin, eux-mêmes . Celui dont le cheminement difficile est porté par leurs désirs, leurs rêves, les sentiments et l’amour . L’amour qui est dit-il « une force et une révolution », et va peut-être, transformer la vie de Fortunata …

Ce sont ces sentiments et désirs de chacun – y compris des personnages secondaires – que le cinéaste explore et nous invite à saisir et comprendre ce qu’ils peuvent contenir, de primordial, et nécessaire à leur propre cheminement . Celui , dont , au fil des événements et des rencontres de son parcours chaotique Fortunata , va , par sa relation aux autres , s’en approprier le « dessin mystérieux » , qui va finir par prendre forme . La belle idée développée par le récit et la mise en scène , c ‘est dans cette prise de conscience par cette dernière de ce que « sa nature a de primordial » et va lui permettre de construire… la propre dramaturgie de son avenir. Cette « nature » impulsive qu’est Fortunata ( Jasmine Trinca , toute en énergie- Prix de la meilleure actrice de la section Un Certain Regard , Cannes 2017 ) aussi imparfaite que démunie , va finir alors, finir par baisser la garde de ses certitudes et changer complètement sa façon d’affronter, les autres et le monde qui l’entoure . Son destin « infiniment humain », si semblable à celui de ces nouveaux voisins Chinois , et surtout de ses amis ( et amies ), comme cette vieille comédienne , Lotte , victime d’Alzheimer ( la grande Hanna Schygulla égérie de Rainer Werner Fassbinder, trop rare et que l’on revoit ici , avec plaisir… ) tournée vers le passé, et son fils bi-polaire , Chicano ( Alessandro Borghi) tatoueur de métier . Bref ,tous ceux , avec qui le partage quotidien d’une certaine fraternité aide à vivre . Et surtout à surmonter les problèmes que – comme elle – tous traversent, liés à un passé tourmenté dont parfois le cauchemar qui remonte à la surface , peut vous faire douter et, parfois, basculer …

Comme les hommes et les femmes de ce quartier populaire qui sont entrés dans sa vie, Fortunata sait , qu’elle doit être prête à tout pour surmonter les obstacles . Sur son chemin la violence elle doit la combattre , ainsi que les manipulations ( de son ex-mari) qui veut la déstabiliser en montant contre elle, sa fille . C’est par sa force de résistance mais aussi par sa capacité à se remettre en question, qu’elle va pouvoir franchir les obstacles, provoquer le destin. Celui dont l’amour qui souvent dans sa vie a été absent et qui , peut-être pourra lui permettre de renverser la donne. C’est, subtilement, par la reconquête de celui-ci que Fortunata , réussira à y parvenir… au prix du sacrifice. Sergio Castellitto par son récit et sa mise en scène tout en osmose avec le parcours de son héroïne, l’élève à la dimension humaine, en évitant de surcharger la dimension du mélodrame, distillant , au gré des séquences , humour et poésie …
Le récit de Fortunata a été écrit par la Romancière scénariste et comédienne Margaret Mazzantini ( compagne du cinéaste ) , née à Dublin et qui vit à Rome depuis plusieurs années et devenue romancière à succès . Pour ses débuts derrière la caméra , Sergio Castellitto l’a choisie comme scénariste pour Libero Burro ( 1998) . Suivront entr’autres A Corps perdus ( 2004, avec Penelope Cruz) adapté du roman à succès de cette dernière ( Prix du roman Européen) , puis, Venir au Monde (2012, et Penelope Cruz encore au rendez -vous, et Emile Hirsch ) . Une collaboration fructueuse et qui se poursuit aujourd’hui, avec leur dernier film , Fortunata (2017).
La qualité d’écriture scénaristique de Margaret Mazzantini, offrant une belle dimension au choix ( mélo) dramatiques de la mise en scène, et à la dimension humaniste des destinées auxquelles Sergio Castellitto est attaché . Une dimension partagée » en osmose » avec la romancière, qui, à l’évidence participe à la réussite des films ,crées en commun. La force et la justesse du regard (réaliste ) sur les personnages participant à celle-ci, dont celle du beau personnage de Fortunata, en marche pour la conquête de son avenir et de son équilibre. Un beau film, à voir …
(Etienne Ballérini )
FORTUNATA de Sergio Castellitto – 2017- Durée : 1h 43.
Avec : Jasmine Trinca , Stefano Accorsi , Alessandro Borghi, Edoardo Pesce , Hanna Schygulla , Nicole Centanni …
LIEN : Bande-Annonce du film , Fortunata de Sergio Castellitto.