Un atelier d’audio- description pour non voyants . La rencontre de la jeune animatrice avec un photographe en train de perdre la vue . L’émouvant récit de la main tendue à l’autre , pour lui permettre au travers ses yeux …de continuer de voir la lumière . Sélection , compétition officielle, Festival de Cannes 2017 .

S’il fallait qualifier l’oeuvre de la grande cinéaste Japonaise , c’est la perception « sensorielle » du rapport aux autres et à la nature qui conviendrait le mieux. Sans doute son initiation aux arts visuels et à la photographie à laquelle elle a été formée, et qu’elle a étudiés. Puis la fait rapidement se tourner vers le cinéma , y est-elle pour quelque chose . La fidélité aux traditions ancestrales traditionnelles qu’ elle l’explorera au travers des nouveaux modes narratifs mêlant fiction et approche documentaire, on retrouve dans ses films les thématiques de la quête du sacré , le rituel des gestes quotidiens et l’approche « intimiste » des individus . Comme l’illustre par exemple ses dernières oeuvres : Still the water ( 2014) et Les délices de Tokyo (2016 ) bouleversantes approches et interrogations des thématiques de la vie en harmonie avec la nature , de la vieillesse , de la maladie, de la vie et de la mort. Dans son nouveau film, Vers la lumière au titre significatif , c’est la perception des sens qui se retrouve au centre de son récit où le cinéma est au cœur . La lumière des images , les sons et les dialogues , et le questionnement de leur perception par les mal -voyants , au cœur d’un travail d’atelier, nous y convie..
Dans celui-ci , on y retrouve la jeune Misako ( Ayame Misaki ) qui anime un atelier d’audio- description de films et ses nombreux mal -voyants participant aux projections, à l’issue desquelles ils donnent leur avis. La séquence qui ouvre le film nous met en tant que spectateur en situation avec une des projections dont nous avons loisir de confronter les images et le texte qui les commentent , et nous faire notre propre avis. Mais , lorsque la discussion s’installe au cœur du groupe on s’aperçoit que des remarques très précises de l’auditoire se font jour , portant sur leur perception du texte qui leur est proposé la jeune fille. Rapidement le débat s’installe, faisant apparaître que la jeune Misako propose un texte descriptif trop proche d’un «ressenti » et d’une perception des images par une voyante . « j’aurais aimé que vous disiez des choses plus précises , qui me permettent d’imaginer plus de détails sur les lieux ou sur les personnages et leurs sentiments » , explique un participant. « Les descriptions sont gênantes, c’est trop intrusif !» souligne presque agacé un autre , qui reproche vertement à la jeune fille de ne pas savoir se mettre à la place des non- voyants !…

C’est le coup de génie du récit qui d’emblée , met le spectateur dans la même position que la jeune fille et se retrouve lui aussi, interpellé . Et l’interpellation devient encore plus forte quand on apprendra – un peu plus tard- en même temps que Misako , que l’homme qui l’a interpellée est un photographe de renom . Ce dernier, Nakamori ( Masatochi Nagase) a organisé dans sa demeure son espace de vie ( Cuisine , chambres …) son atelier et adapté son appareil photo en fonction de son handicap , afin de pouvoir vivre et travailler sans avoir besoin d’aide …et il trouve le temps , ayant pris ses repères , de sortir dans les rues voisines et photographier les gens ou les paysages. Un jour Misako le croise et, curieuse l’aborde pour tenter de mieux comprendre son point de vue. Au terme de ses explications et remarques , elle décide de changer le texte illustrant les images projetées en atelier pour le soumettre aux participant . Mais Nakamori , n’est toujours pas satisfait, et quitte le stage , mettant Misako en difficulté avec ses employeurs!. Le temps passe , un jour Misako retrouve par hasard le photographe qui cette fois-ci, a définitivement perdu la vue . L’occasion pour elle de renouer le dialogue , le photographe fragilisé finit par se confier sur ce que représente pour lui , cette perte de « la lumière » et des repères. Dès lors, va s’inscrire un rapport de confiance et d’aide , auquel Misako va vouloir se consacrer . Afin de permettre au photographe de continuer à partager cette « lumière » qui l’a quitté… et la percevoir désormais au travers de ses yeux , son regard et de ses mots à elle .

Noami Kawase pour écrire son scénario s’est servie d’une expérience d’audio- description lors de projections de ses film a des mal voyants et des rencontres et débats qui s’en sont suivis . Ils lui ont permis d’investir le personnage de Misako , de cette « mission de transmission » dont elle se sent porteuse « Misako , est convaincue que le cinéma a le pouvoir de transformer une vie sombre en une vie lumineuse, qu’il permet d’échapper au réel et de s’extraire des carcans dans lesquels nous sommes tous enfermés. Eveiller l’imaginaire et susciter une émotion sont un peu, le quotidien de Misako » , explique-t-elle. C’est ce récit émouvant d’une expérience et d’une main tendue dont la cinéaste propose , à son tour le prolongement au travers de son film . Son cinéma , si attaché au mouvement de la vie et au rapport aux autres et avec la nature , nous ouvre , nous, spectateurs ayant une perception normale à un autre rapport au cinéma. Celui, ici, dont l’audio- description se substitue à l’image muette pour lui donner une voix et un sens et ce « lien » de la lumière qui permet d’éveiller l’imaginaire et susciter les émotions . Celles dont la cinéaste explique par une belle phrase , son idée de cinéma : « sans lumière, pas de couleurs. Sans lumière, pas d’images. Sans lumière, impossible de réaliser un film. Autant dire que la lumière est le cinéma » .
(Etienne Ballérini)
VERS LA LUMIERE de Naomi Kawase – 2017- Durée : 1h 41
Avec : Ayame Misaki , Masatoshi Nagase, Tatsuya Fuji, Kauko Shirakawa, Misuu Kanno, Mantaro Koïchi .. ;
LIEN : Bande -Annonce du Film , Vers la Lumière de Naomi Kawase .