Comment dire ? La fin de l’année est propice aux deuils. Ainsi ciaovivalaculture a commencé le mois de décembre avec un hommage au cinéaste Alain Jessua.
Pour faire bonne mesure – si je puis m’exprimer ainsi- tournons nous vers le théâtre avec un autre disparu. Oh ! Je ne sais si le vous connaissez. Sachez que tous les gens de théâtre connaissent et respectent son nom : comédien, metteur en scène, poète, auteur, et directeur de théâtre. Certainement le nom du théâtre qu’il a fondé ne vous est pas inconnu : le Centre Dramatique National* Théâtre des Amandiers, à Nanterre.
En chiffres : dix sept pièces en tant que comédien : il joue Garcia Lorca, Büchner, Ionesco, Strindberg, Michel de Ghelderode (dramaturge belge, créateur d’un univers fantastique et inquiétant, souvent macabre, grotesque et cruel), Victor Hugo, Corneille, Shakespeare, Thomas Bernhard, excusez du peu. Une soixantaine de mises en scène.
Il a été un des pionniers de la décentralisation. Il a travaillé au conservatoire de Paris, avec Jean Vilar et d’autres noms prestigieux tels que Carole Bouquet, Daniel Mesguich, Robin Renucci, Jacques Gamblin, Philippe Caubère, Jean-Claude Drouot. Encore une fois, excusez du peu.
Parmi les théâtres qu’il a créés, certainement l’un des plus connus est le Centre dramatique National des Amandiers à Nanterre. Il le dirige de 1969 à 1980. Lui succèdent Raoul Sangla, Patrice Chéreau**, Jean Pierre Vincent, Jean Louis Martinelli et, depuis 2024, Philipe Quesne.
Il a tourné dans deux long métrages, en 1989 1954, l’Abbé Pierre, de Denis Amar ; 1991, Netchaïev est de retour, de Jacques Deray. Il a également tourné dans 13 téléfilms.
Il est à l’origine de nombreux théâtres et festivals. Il crée en particulier à Limoges le Festival des théâtres francophones; il s’associe avec Jean Marie Gassin, alors chargé de mission aux Relations Internationales à l’université de Limoges, pour que cette institution ne présente pas que des spectacles, mais qu’elle constitue une cellule de réflexion sur les relations culturelles, artistiques, intellectuelles du Sud vers le Nord, sur les occasions d’apprentissage mutuel qu’offre l’usage d’une même langue interculturelle. Ainsi est née avec lui l’Université de la Francophonie fonctionnant d’abord en partenariat, puis en parallèle avec le Festival, et proposant pendant la période du Festival une série de colloques, tables rondes, stages, expositions, débats, etc. en diverses disciplines.
Il a fondé sa propre compagnie en 1982, a dirigé le Centre dramatique National du Limousin de 1984 à 1986, puis le Centre Dramatique National Grand Huit de 1986 à 1989.
Enfin en 1994, il donne naissance au Théâtre du Jour à Agen, dans un ancien entrepôt pharmaceutique. Cette structure deviendra son bébé, son lieu de création et d’inspiration. Il fonde sa propre compagnie et son école, où il transmet son savoir aux générations futures… plus de 350 comédiens à ce jour. Certains ont même intégré la Comédie Française ou ont joué sur de grandes scènes parisiennes, développant une certaine renommée de l’école.
Il avait choisi Agen pour susciter des vocations et faire naître des générations de comédiens qui touchaient aux différents corps de métiers tout en jouant ses créations, adaptations et grands classiques du théâtre.
Il né le 5 février 1930 et mort le 23 décembre 2017 à Agen. Je ne l’ai pas connu, mais j’ai rencontré au Centre Dramatique National de Nice nombre de comédiens formés par lui. Et qui lui en sont reconnaissants. C’était Pierre Débauche.
A mon sens, avec Jeanne Laurent***, notre « Gaby » Monnet, Patrice Chéreau, et une multitude d’autres, ils sont en train de fonder un nouveau Centre Dramatique National.
Jacques Barbarin
*C’est un label attribué par l’État français à une institution théâtrale, lié à la notion de théâtre public. Les centres dramatiques nationaux sont l’un des éléments de la politique de décentralisation théâtrale française, engagée à partir de la Libération. On en compte actuellement 42.
**voir https://ciaovivalaculture.com/2013/10/10/hommage-a-patrice-chereau-quand-il-est-mort-le-poete/
*** Elle est l’initiatrice de la politique de décentralisation théâtrale sous la Quatrième République et crée les premiers Centres Dramatiques Nationaux.