Le nouveau film du cinéaste décrit le combat de Reza, petit éleveur de poissons en eau douce dont la propriété est convoitée par une société privée .Une satire sans concessions de la société Iranienne sous influence politique et réligieuse où les « clans » font la loi. Le film- Prix de la section Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes- lui a valu une nouvelle fois, les foudres de la censure et des autorités (1), de son pays …

A l’image de son héros, on peut dire d’emblée que Mohammad Rasoulof est un « homme intègre » refusant de se plier aux menaces et aux sanctions ( voir les éléments d’information, en bas de page ) qui tentent de le museler . Il fait de chacun de ses films , un acte de liberté créatrice revendiquée depuis près de dix ans, et en résistant aux multiples préssions, d’un courage dont on ne peut qu’être admiratif . C’est le combat d’une avocate interdite d’exercer son métier qu’il évoquait dans Au revoir ( 2011 ), et , celui d’un homme défiant l’oppréssion et la censure dans Les manuscrits en brûlent pas ( 2013) . Dans Un Homme intégre , c’est la corruption tous azimuths qui gangrène la société Iranienne qu’il fustige , au travers des préssions subies par son héros , Reza , pris dans l’engrenage et à qui rien ne sera épargné . Reza ( Reza Akhlaghirad) , sa femme Hadis ( Soudabeh Beizaee) et leur jeune fils, vivent à la campagne loin de la Capitale,Téhéran . Une petite maison et un élévage de poissons d’eaau douce , dans l’étang proche de leur demeure , pour lesquels il leur a fallut faire un prêt à la banque . Un prêt et un endettement qui va mettre la famille en difficultés . C’est par là que ses ennuis vont en effet commencer , lorsqu’il refuse de céder au chantage du banquier … qui lui propose un délai de remboursement, s’il accepte de payer en sous-main , une certaine somme!. C’est contraire à ses principes et à son éthique de vie, Reza refuse préférant rembourser l’intégralité de sa dette, plutôt que de « payer des pot-de-vin: ! »….

Et ça se complique encore un peu plus, lorsque son « intégrité » va se heurter au chantage exercé par une société privée qui souhaite acquérir ses terrains dans le but de s’aggrandir et prospérer …quitter sa maison et son élévage, pas question !. D’autant que les liens tissés par cette société avec les notables, les politiques et autres personnalités, vont jouer à fond pour tenter de rendre à la raison , Reza qui refuse tout compromis. On ne lésinera pas sur les moyens illégaux pour faire préssion et le contraindre à vendre . Si l’eau empoisonnée ne suffit pas qui réduit à néant son élevage, on va s’en prendre à son fils, puis à sa femme. On le menace et s’il s’avise de porter plainte , on le force à la retirer!. On le provoque et , s’il se défend on l’accuse d’être le provocateur et on ira même jusqu’à produire contre lui de faux témoignages de médecins assortis de constats de « coups et bléssures » dont il s’est rendu coupable. Comme l’évoquera une amie dont le mari, enseignant et opposant politique a été emprisonné : « ici on n’a pas le choix , on est l’oppresseur ou l’oppréssé! ». A l’école, on refuse les enfants qui ne sont pas Musulmans , et au cinémtière on refuse aussi d’enterrer les non- Musulmans ( la séquence poignante de cette famille qui s’y retrouve confrontée …) . Alors que faut-il faire? , faut-il subir où résister ?, faut-il se renier et ( ou ) se salir les mains? . Pris dans l’engrenage, la colère et les mots rentrés dans sa gorge , Reza tente de rester tête haute. Mais les mailles du filet dans lequl il est pris et les moyens de pression les plus violents employés pour le faire plier le plongent dans une situation de plus en plus inextricable. Celle-ci est accentuée encore par le manque de soutien auquel il va se retrouver confronté. La peur domine, laissant place à l’indifférence, voire la lâcheté . devra-t-il se résigner ?…

Un récit en forme de fable sur la résistance et la résignation. Une réflexion où la complexité est un élément du récit qui ne se limite pas à une simple dénonciation de « la loi du plus fort », du pouvoir et de la corruption sur laquelle il prospère . L’habileté du cinéaste, à partir de l’exemple précis de Reza et de son intégrité qui peut le conduire à sa perte , c’est de nous faire pénétrer dans les rouages et les mécanismes, qui permettent à celui-ci , de se nourrir . Un mécanisme si bien huilé auquel il semble impossible de tenir tête , car il utilise tous les moyens , y compris ceux, les plus imprévisibles … et sournois !. Comme le souligne la séquence où Reza se voyant acculé par les multiples menaces à baisser les bras , propose à la Socité privée qui convoîte ses terres et sa maison de les céder …à leurs conditions! . Alors qu’il est dejà à terre , et s’est séparé de sa femme et de son enfant pour les protéger, voilà que la société en question fait mine… de ne plus être intérréssée . Le jeu cruel qui consiste à vous enfoncer encore un peu plus, pour tenter une opération , encore plus fructueuse !. La résigantion et l’humiliation dans laquelle on vous enfonce , pour mieux vous faire rendre raison. Vous faire comprendre , qu’il n’y a pas d’autre moyen de s’en sortir… que celui de se moumettre !. Les régles imposées par cette société , le pouvoir et la corruption sur lesquels elle s’appuie , n’ont d’autre but que de faire « plier » ceux qui lui tiennent tête . Voyez , aussi , ce qui se produit dans l’école où cette jeune fille se retrouve sous le coup d’une expulsion pour avoir osé dire que sa religion était différente !. Ou, encore, la situation de mendicité dans laquelle se retrouve la femme de cet ami de Reza , arrêté et emprisonné pour activités contre le régime . La solidarité est « tuée » dans l’oeuf par la crainte , et oblige tout un chacun à se taire, pour ne pas être inquiété à son tour ….

La résignation , le renoncement , la soumission, ce « silence qui encourage l’arbitraire des tyrans dans l’exigence de leur soumission » ( belle citation accompagnant la pétition ci -desous ) , ce silence auquel Reza refuse de se résoudre . Et auquel le beau final , offre une ouverture en forme d’espoir. Celui auquel Reza continuera de croire en secret dans la nuit de la grotte -refuge , où son élixir de pastèque lui permet de tenir le coup , malgré la solitude et la honte qui l’envahit . On a tout fait pour l’isoler , on l’a trompé , on l’a déshumanisé … il n’a pas eu le choix , on l’a fait céder. Mais quelque chose vibre encore, en lui : l’homme intégre qu’il a été , ne peut pas être …vaincu . Son éthique est là, vivace au plus profond , qui lui permettra un jour de rebondir . C’est un trés grand film que nous offre , Mohammad Rasoulof . Un film qu’il faut aller voir, et un cinéaste dont il faut défendre la liberté de création …
(Etienne Ballérini)
UNE HOMME INTEGRE de Mohammad Rasoulof – 2017- durée : 1h 58.
Avec : Reza Akhlaghirad, Soudabeh Beizaee, Nasim Adabi, Misagh Zare, Zeinab Shabani …
LIEN : Bande-Annonce du Film , Un Homme Intégre de Mohammad Rasoulof.
( 1) Mohammad Rasoulof , arrêté en 2010 « pour activités et propagande contre le régime » ,alors qu’il tournait -,en compagie de Jafar Panahi – un film sur les événements conscutifs à la réelection contestée de Mahmoud Ahmadinejad , avait été condamné à 6 ans de prison . La peine rfut amenée à un an en appel. Le cinéaste restant , après la sortie de son film Au revoir ( 2013) sous le coup de cette condamnation , se retrouve aujourd’hui a nouveau menacé . En iran , le pouvoir reste vigilant , même si le président a changé ( Hassani Rohani élu depuis 2013). Après son prix Cannois ( Un certain regard ) et une torunée Internationale , le voilà encore menacé. Arrêté à son retour au pays, passeport confisqué et intérrogé par « les gardiens de la Révolution » , une peine de prison de 6 ans , a été de nouveau demandée à son encontre !. . Une pétition demandant « sa remise en liberté » aux autorités Iraniennes , est actuellement en ligne sur site du distributeur Français ( ARP Sélection ) de son film qui nous invite à le soutenir . Elle a déjà recueilli plus de 15 000 signatures. Les signataires vous appellent à les rejoindre : « nous écrivains, artistes, intellectuels et cinéastes, hommes et femmes épris de liberté, déterminés et solidaires, apportons notre soutien indéfectible à cet homme intègre qu’est Mohammad Rasoulof, à sa dignité et à sa liberté d’artiste. Nous demandons à ce que lui soit rendue sans plus tarder, sa liberté de circuler, de retrouver sa famille (qui vit en Allemagne depuis quelques années) et de créer ».
[…] Gesbert – France Culture 19 mai 2020).Michèle Halberstadt (Distributrice, ARP Sélection : Un homme intègre, La Llorona, Une Grande Fille, The Guilty). Sur la réouverture des salles et le calendrier des […]