Quatre ans après son premier long métrage, Guillaume Gallienne revient à la réalisation avec Maryline. Une nouvelle réflexion sur l’acteur qui révèle une comédienne peu connue sur les écrans, Adeline d’Hermy.

Avec Les Garçons et Guillaume, à table ! Guillaume Gallienne effectuait ses débuts derrière la caméra. En dépit du succès, du Prix SACD à la Quinzaine des Réalisateurs 2013, du Prix du meilleur premier film 2013 du Syndicat de la Critique et des cinq récompenses aux César 2014 (dont ceux du Meilleur film et du Meilleur acteur), il a repris le chemin des planches. Quatre ans plus tard, après quelques avant premières et plusieurs festivals, dont Arte Mare à Bastia en octobre dernier, sort dans les salles Maryline, sa deuxième réalisation. Les spectateurs qui ont aimé son premier long métrage pourront être déboussolés puisqu’il change totalement de registre pour passer de la comédie (autobiographique) au drame et même au mélo. Autre différence notable, il ne se met pas en scène. Cette fois, il relate une histoire qu’il porte en lui depuis 15 ans. « Elle m’a été inspirée par une femme que je connais et qui m’a raconté sa vie. J’ai porté son récit en moi pendant tout ce temps » déclare-t-il dans un entretien pour le dossier de presse, et c’est Adeline d’Hermy, sociétaire de la Comédie Française comme le comédien et réalisateur, qui l’interprète.
Maryline dresse le portrait d’une jeune fille issue d’un milieu rural modeste. Elle a grandi dans un petit village chez ses parents qui ne recevaient jamais personne. A 20 ans elle monte à Paris avec l’intention de devenir comédienne, le métier auquel ses cheveux blonds et son prénom semblent la prédestiner. A l’occasion d’une première audition, un réalisateur, pourtant fasciné par sa présence lumineuse, lui en fait voir… Il lui donne un rôle mais comme sa prestation ne lui convient pas, hystérique, odieux, il l’humilie en public lors du tournage. La comédienne débutante, fragile, tétanisée, incapable de réagir, se réfugie dans le mutisme. Le rêve devient cauchemar et Maryline ne va pas tarder à sombrer…

Le regard que pose Guillaume Gallienne sur le milieu du cinéma n’est pas tendre, mais il souhaitait avant tout « (….) parler des gens qui n’ont pas les mots qu’il faut pour se défendre, des taiseux, des introvertis (…). Ils me fascinent, ils ont une simplicité, un mystère que je n’ai pas. » Le cinéma et le théâtre, milieu qu’il connait le mieux, est davantage pris pour contexte et que pour sujet. Tout n’est pas noir pour autant dans le film et le drame est ponctué de scènes de comédie, comme ces moments comiques autour d’une urne funéraire ou le pétage de plomb d’une maquilleuse exaspérée. D’ailleurs, la trajectoire de Maryline s’apparente à celle d’une Cendrillon du XXIe siècle qui aura l’occasion de rencontrer de bonnes fées sur son chemin.

Bien que différents, les deux films de Guillaume Gallienne ont néanmoins en commun, leur sujet, une réflexion sur l’acteur, la naissance d’un comédien dans le premier, le parcours d’une comédienne dans le second, un lien avec le théâtre et la représentation sur scène, et la thématique de l’humiliation. Cependant, Maryline se démarque du précédent par son approche beaucoup plus cinématographique (et moins « théâtre filmé ») avec, notamment, le recours aux ellipses temporelles ou le travail particulier effectué sur la lumière en collaboration avec le directeur de la photographie Christophe Beaucarne.

Mais Maryline c’est, bien sûr la magnifique Adeline d’Hermy, comédienne bien plus connue au théâtre qu’à l’écran malgré quelques apparitions au cinéma (Camille redouble, Yves Saint Laurent) qui est une révélation. Le comédien Eric Ruf (également metteur en scène) qui incarne, avec une étonnante Vanessa Paradis, l’une des « bonnes fées » qui vont l’aider, dit d’elle : « À la voir sur un plateau, on ne peut deviner sur quoi elle est bâtie et par là même, on se demande ce qu’elle ne serait pas capable de jouer tant son talent est singulier. Ni sa beauté, appartenant à un autre siècle, ni sa vive intelligence, ni son instinct d’actrice, immense, ni ses origines nordistes, ni son parcours classique n’expliquent l’actrice déjà rare qu’Adeline est devenue; ou peut-être est-ce la somme de tous ces critères mais dans un mélange dont les proportions restent et resteront totalement mystérieuses. Pour ma part, je penche plutôt pour une explication plus simple mais qui ne dit rien: Adeline est faite pour ce métier, sa peau est faite pour, ce qui même lui échappe est déjà du jeu. La question serait presque de savoir ce qu’elle aurait pu faire d’autre. »
Il ne vous reste plus qu’à la découvrir au cinéma…
Maryline, de Guillaume Gallienne. Drame – 2017 – 107 minutes. Avec Adeline d’Hermy, Vanessa Paradis, Eric Ruf, Xavier Beauvois, Alice Pol.
A voir :
la bande annonce du film (Gaumont)
Entretien avec Guillaume Gallienne à propos de Maryline (France 3 Nlle-Aquitaine – 11mn15)
Entretien avec Adeline d’Hermy à propos de Maryline (France 3 Nlle-Aquitaine – 12mn11).
Philippe Descottes