Cinéma / CARRE 35 d’Eric Caravaca.

Le second long métrage du comédien -cinéaste après Le passager , nous fait témoin d’un secret de famille , celui qui a entourré , la mort de sa sœur ainée à l’âge de Trois ans . La souffrance et le déni au cœur d’un récit bouleversant qui tente de percer le mystère qui a entraîné les parents à soustraire à la connaissance du cinéaste et de son frère , la vérité sur cette sœur…

l’Affiche du film.

Ce Carré 35 du film , c’est l’emplacement réservé dans le cimétière de Casablanca à cette sœur , Christine dont pendant cinquante ans,  le souvenir a été oculté . Le sujet devenu « tabou » , évacué dans un silence glaçant, si, toutefois il échappait de l’évoquer  à quelqu’un au détour d’une conversation familiale . Evacué dans l’oubli , il n’a fait que raviver au fil du temps le désir de comprendre le pourquoi de ce « déni » devenu une lancinante douleur qui a fini par hanter Eric Caravaca et son frère . Cette douleur était déjà présente en toile de fond du premier long métrage derrière la caméra d’Eric Carvaca , Le passager/ 2006 . Autour des funérailles du frère disparu du héros du film  y étaient ravivés les souvenirs  d’enfance dans la maison familiale et ceux rapportés par la famille qui a partagé ,ensuite,  la vie de ce dernier ,après que les ponts aient étés coupés entre les deux frères . Les liens distendus , la séparation vécue comme une souffrance , celle-ci a quelque chose à voir avec cet « oubli »  du Carré 35 , dans lequel les parents d’Eric ont enfoui Christine , la sœur ainée du cinéaste . Chercher à comprendre les raisons , trouver des explications , afin de ne plus continuer à vivre avec cette douleur-énigme familiale , dont il lui faut absolument crever l’abscès des raisons du long silence. Comme un devoir de mémoire qui permet de comprendre et continuer à vivre , trouver une sorte d’apaisement nécéssaire … Eric Caravaca s’est donc atelé -à l’image d’une enquêteur- a intérroger ses parents pour tenter de briser ce long et pesant silence  et  comprendre , en même temps que de demander des justifications que somme toute , lui et son frère , sont aujoud’hui en droit d’exiger. Les séquences où interviennent la mère et le père sont remplies de contradicions et d’évidentes zones de silences en forme de rejet vivace. Pourquoi la mémoire de Chrisine a-t-elle été rejetée dans le déni ? . La mère qui dit avoir brûlé toutes les images ( photos , films super -huit) , et refuse d’évoquer la maladie de sa  fille « mais , elle était normale… » , dit-elle . Le père, gêné et encore plus silencieux qui a même oublié le jour et l’âge de sa mort , et se réfugie derrière la posture de garant du   secret familial «  c’est comme ça , il y a des choses que l’on ne dit pas … » . Cette mort que l’on a pas voulu voir en face, le cinéaste la filmera et l’exorcisera à sa manière , au chevet de son père «  pour briser le tabou  , dit-il . Et son film en forme de réponse , lui , va se construire autour des indices , et ou , témoigages de proches de la famille ( tante , cousin ), afin  d’en démêler les fils. Ceux qui finissent par révéler la nature de la véritable maladie – la trisomie – qui a fini par emporter Chrisitine . Ces fils qui le portent à la recherche du fameux Carré 35 dans le cimétière de Casablanca  et dans les lieux de la ville où vécurent ses parents . Puis à cette amie  d’hier de ses parents  vivant désormais en Espagne et  qui lui confiera , avoir gardé des photos de ses parents ( de leur mariage, et avec les amis…) , et de se sœur . Dont, celle là même  absente sur le médaillon de la pierre tombale du petit réceptable gravé à sa mémoire au cimétière.Les choses commençent à  se relier  et à  donner sens à sa  quête  …

Une scène du film ( Crédit Photo : Pyramide distribution)

La recherche obstinée du cinéaste est passionnante qui lui a permis «  d’ouvrir une porte dérobée sur un vécu que j’ignorais , sur cette mémoire inconsciente qui est en chacun de nous , et qui fait ce que nous sommes » , dit-il . La force de son film est de nous renvoyer en miroir ce qui « construit chacun de nous »,  confronté aux  non-dits et secrets familiaux. Mais aussi ce que ceux-ci finissent par  revéler du rapport au monde dans lequel on vit . En ce sens , son film renvoie à l’universel. Au délà de sa propre histoire et du vécu bouleversant dont il décrit les étaprs d’une  reconstruction nécéssaire et personnelle . Il nous touche encore plus, par la dimension lucide et à la réflexion qu’il nous renvoie sur des sujets, thémes et réflexions  concernant  notre « être au monde »  : le rapport à la vie , à la maladie et la mort , à la mémoire et à l’histoire. Concernant la maladie dont a été victime sa sœur , on y découvre au travers du déni de la mère ce que cette maladie dans les années 1950 où l’on n’avait pas la même connaissance et approche des soins possibles , pouvait être perçue comme une malédiction pour la famille , mais aussi par les regards extérieurs. il fallait donc la cacher . L’intimité familaile qui en est bouleversée , renvoyant à celle que toutes les familles peuvent vivre dans des circonstances où elles ont à faire face à celle-ci . Au silence dans lequel on s’enferme parfois vis à vis de l’extérieur , à la souffrance des familles qui trouvent aussi dans le « deni » en question, la parade à la peur d’affronter l’inéluctable , la mort. L’ensevelir dans l’oubli est-il la solution ? . Afin de trouver le chemin de l’apaisement par la confrontation au réel , Eric Caravaca a choisi de faire face , interpeller ses parents et trouver les indices qui permettraient  de briser le tabou , l’abscès.  Dans le même temps, au chemin qui le conduit à interpeller l’histoire de sa famille , il lui offre la belle dimension qui enrichit encore un peu plus son film . En le confrontant à cellle  de l’histoire dont les images d’archives complètent les documents familiaux , et surtout , l’intègrent dans un  contexte politique,  plus large . A  la maladie de Christine   font écho ,  les  térribles images de  la  propagande Nazi  sur  l’Eugénisme   destinées  à justifier la nécéssité de faire… disparâitre les anormaux! . Puis celles de la  décolonisation et de l’indépendance  et ses  violences  dans lesquelles la  famille Caravaca a été ballottée  et en  subira les soubressauts . Le va -et- vient entre Maroc, Espagne et exil en France où les conditions d’immigrés compliquent encore leurs vies , obligeant à faire des choix . La mère qui s’en accommode trouvant dans l’éloignement du lieu de la tragédie, la parade à sa souffrance. Les images des documents d’identité modifiés… et en France les muliples changements d’adresses liés à ceux du travail du père. Mais surtout dans cette approche , la belle idée du téléscopage du déni,  dont le ressenti de la famille de Chritsine fait écho à celui d’une époque qui les  a contraints – comme  tout un peuple-  à refouler aussi dans le même oubli , celles d’un passé colonial . Enfin , il y a le cinéma et cet instrument dont Eric Caravaca se sert , lui , pour se réapprorier ce passé enseveli. Le passé et le présent confrontés sans cesse, il y puis  la magnifique idée    -en forme de prouesse-du final magnifique : ramener sa mère sur la tombe de celle qu’elle a éffacée de sa mémoire pendant cinquante ans !. Et, l’idée de  l’image caméra Super 8 utilisée comme référent aux films familiaux d’époque , pour cette séquence , où passé et présent se télescopent , est tout simplement géniale …

Photo du mariage des parents Caravaca ( Crédit Photo: Pyramide Distribution)

Son film est à la fois bouleversant et passionnant dans l’approche cinématographique qu’il propose . Il est aussi , à l’image du comédien dont les interprétations sensibles des personnages qu’il a incarnés dans les films , traduisent si bien les bléssures et les personnalités . De François Dupeyron -un peu son mentor- avec qui il a trouné à quatre reprises ( dont le magifique : La Chambre des officiers / 2001) , en passant par Patrice Chéreau ( Son frère / 2003), Lucas Belvaux ( La raison du plus faible/ 2006) et jusqu’à Philippe Garrel ( l’Amant d’un Jour / 2017 ). Après Le Passage – son premier long métrage derrière la caméra qui nous avait déjà touchés en pleine cœur , Carré 35 , confirme ici , ses qualités de cinéaste . Ne manquaez pas de découvrir ce superbe et émouvant film qui remuera bien  des choses en vous …

(Etienne Ballérini)

CARRE 35 d’Erci Caravaca – 2017- Durée : 1 h 07.
Avec : les témoignages des proches et amis de la famille – documents d’achives et de famille
Image :Jerzy Palcz – Musique : Florent Marchet , Montage : Simon Jacquet .
Distribution : Pyramide films .

LIEN : Bande-Annonce du  film  Carré 35  d’Eric Caravaca 

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