Le cinéaste qui s’est illustré par un regard original et non conventionnel porté sur des sujets faisant débat, comme ici , celui des valeurs confrontées à l’ idéalisme , au cynisme et à certains lâchetés qu’elles révèlent. Dans son dernier film The Square , via, le trait comique du grotesque et de l’absurde , son superbe portrait du Directeur de Musée d’Art contemporain qui va y être confronté, fait mouche !. il a remporté la Palme d’Or au Festival de Cannes 2017.

Dans les premières séquences on y voit les travaux de la préparation fièvreuse de la prochaine Exposition, dont Christian (Claes Bang) le Directeur -conservateur du Musée d’Art Contemporain , veut mettre en valeur au travers de ce « carré » symbolisant un espace à l’intérieur duquel, prévaudraient pour chacun, de manière inconditionnelle les idées d’égalité et d’altruisme. Une exposition destinée selon son souhait , à interpeller le public sur l’importance de sauvegarder les valeurs humaines et les devoirs envers le prochain. Fustiger le Capitalisme et la « globalisation » , en tentant par le biais de la création artistique d’abolir certaines frontières et rétablir cette « confiance » dans une société où le clivage entre les riches et les pauvres ne fait que s’accentuer… et entraîner, le repli sur soi . Voilà le défi . La forme de la fable qui s’y inscrit et va le porter au long des séquences … qui vont finir par « détruire » la belle utopie, en la confrontant à la complexité de la réalité d’un état des lieux, pointant les paradoxes… et les contradictions. Celles qui, sous les formes multiples vont faire apparaître au grand jour les limites du « concept » idéaliste sujet de l’exposition , confronté au réel. Ainsi que les limites d’une certaine transgréssion dont les formes de la provocation ( gratuite?) fnissent par altérer, la finalité souhaitée. Celle sur laquelle le cinéaste , faisant écho à son film Play ( 2011) sur le Racket des enfants, dont le travail de préparation l’avait confronté à des faits réels constatés au cours desquels « les adultes n’ont pas réagi alors qu’ils se déroulaient sous leur yeux » . Il en reprend l’idée, ici, dans deux scènes fortes ( celle du happening simiesque provocateur , et celle du sans- abri sous la pluie dans la rue) créant volontairement le malaise chez le spectateur, l’interpellant sur l’apathie « des témoins » , et sur « la dilution de la responsabilité et la cohésion sociale », en danger …

Plein de bonnes intentions le maître des lieux donc , va se retrouver confronté à toute un série d’événements qui vont le déstabiliser et, aussi , mettre en lumière ses propres contradictions. D’une certaine manière , il est le prolongement du père de famille de Snow Thérapy ( Force Majeure / 2014 ) où ses enfants sont témoins de sa culpabilité , concernant le réflexe de fuir l’avalanche , oubliant de protéger sa famille . Comme lui, Christian , ici , se montrera incapable de faire face aux responsabilités dévolues à son statut d’autorité morale qu’il represente , tant sur le plan de gestionnaire de l’institution , que sur le plan personnel et familial . Et sa démission ( séquence remarquable , face aux journalistes ) , ne sera que la conséquence d’une défaillance , dont le prolongement dans la sphère de sa vie privée , ne fera qu’amplifier le chaos. Celui , révélateur et emblématique d’une société qui en est imprégnée dans tous ses rouages. Le « carré », refuge -protecteur mis en avant par la dimension artistique contemporaine , devient dès lors une « abstraction » de la réalité de la rue et du monde extérieur . A la différence que la « protection » que lui confère cet espace intérieur est en totale contradiction avec celui de l’espace public où … comme tout un chacun, Christian s’en libère. La responsabilité confrontée aux instincts des rapports de forces dominatrices, constituant le danger majeur de s’y laisser aveugler . Christian va devoir s’y confronter à ses dépens et le chantage qu’il devra subir, n’en est par sa virulence … que le « retour de bâton » !, qui va le forcer à la remise en question . A l’image de cette scène de la pyramide de chaises menacées d’écroulement par des secousses mystérieuses , ou de cette œuvre d’art détériorée par un fâcheux accident , il va subir les conséquences de ses manques , et devoir faire face …

Les « couacs » , comme signes annonciateurs qui commencent dès les travaux de mise en place de l’exposition ( la statue qui s’effondre lors de la pose sur le piédestal, …le tas de cailloux disposé méthodiquement en oeuvre d’art symbolique , victime du passage de la machine à nettoyer le sol….) , la vidéo de la campagne de communication utilisant maladroitement pour la promotion de l’exposition une jeune mendiante , qui va faire scandale . La conférence de presse qui tourne en fiasco par les interruptions ( superbe scène ) d’un handicapé accepté comme « invité » par le musée et sa direction , comme une forme d’ouverture destinée à combattre les préjugés et l’intolérance . Toute une série d’événements inattendus dont les tournures comiques des situations de certains, font penser aux « situations -gags », des films de Jacques Tati , où le rire se fait déclencheur des contrastes et contradictions . Rétablir le contact entre l’art et le public , la mission dont « l’altruisme et les devoirs envers le prochain » , est au centre , va mettre en avant le travail qui reste à faire et interpellent sur le thème , dont l’exposition est l’enjeu . Christian au centre de celui-ci dont l’individualisme , laisse poindre une certaine forme de supériorité et d’orgueil de classe qui subsiste malgré les bonnes intentions ( comme le lui rappelle une de ses conquêtes …) , abus de pouvoir , comportement de caméléon , « ses faiblesses en font un Monsieur tout le monde » souligne le cinéaste . Le constat en sera fait , via, le fil – rouge complétant ce qui a été souligné ci-dessus, avec le vol de son portable et des ses documents dont il sera victime et la méthode employée pour les récupérer qui en sera le déclencheur. Poursuivi par cet enfant ( Elijandro Edouard ) qui dit avoir été accusé à tort … et promet, s’il ne s’ excuse pas « de faire de sa vie un chaos » ! .Un film passionnant , à ne pas manquer …
(Etienne Ballérini)
THE SQUARE de Ruben Östlund – 2017 – Plame d’Or Cannes 2017 – Durée : 2 h 25 .
Avec : Cloes Bang , Elisabeth Moss, Dominic West , Daniel Hallberg, Martin Sööder , Elijandro Edouard …
LIEN : Bande-Annonce du film , The Square de Ruben Öslund .
[…] les planches et la plage de Deauville. Grand Prix du Festival de Cannes 1966. France 5 à 20h50.The Square de Ruben Östlund. Une comédie grinçante sur le milieu de l’art. Palme d’Or Cannes […]