Cinéma / LE JEUNE KARL MARX de Raoul Peck.

Le portrait du jeune philisophe et journaliste Allemand au cœur de la révolution Industrielle des années 1840 qui va bouleverser l’Europe . Son engagement et son désir de « changer le monde », les rencontres et les débats passionnés qui vont bouleverser sa vie et conduire à la rédaction du « manifeste  du parti communitse » qui va enflammer la lutte des classes et les premières révoltes ouvrières …

Karl Marc ( Auguste Diehl ) et Friedrich Engels ( Stefan Konarske )

Le cinéaste et producteur Haitien,  récemment Oscarisé pour son superbe documentaire, I am not your négro  ( 2016 ) adapté du l’oeuvre de James Badwin  , récemment diffusé sur la chaîne Arte,  a quelque chose de commun  avec le heros de son nouveau film. Celui d’un engagement politique ,  qui dès son plus jeune âgelui, lui  est  venu de la lecture des oeuvres de Baldwin , et de celles de Marx dans la cadre Universitaire. Suivi et mis en pratique  par  des débuts de  journaliste et de documentariste avec  des oeuvres qui l’ont amené à s’interroger sur « les grands chamboulements.. » dans le monde . Sa filmographie en témoigne – au delà de son rôle comme ministre de la culture de la Républqiue Haïtienne de 1995 à 1997 – avec son premier  long métrage , Haïtian Corner (1988) ) qui évoque la période des exactions des Tontons macoutes ( la police para-militaire de Président François Duvalier, puis de son fils Jean- Claude ) en Haïti. Son exploration des soubressauts du continent Africain , au travers de la figure de Patrice Lumumba ( le documentaire : Lumumba , Mort d’un Prophète / 1990 , suivi par sa  fiction , Lumumba / 2000 ) . Puis  son film  sur le Génocide au Rwanda ( Quelques jours en Avril / 2005 ), ou  encore ses engagements dans la culture cinématographique : à la fondation Européenne pour les métiers de l’image et du son , comme  professeur à l’Université de New-york …et depuis 2010,  en tant que  Président de la Fémis, l’école de Cinéma Parisienne..

Karl Marx ( Auguste Diehl ) et sa femme ( Vicky Krieps )

Le Jeune Karl Marx , pour le cinéaste est donc devenu une sorte de prolongement nécéssaire à sa réflexion sur le cinéma ,  comme combat politique et idéologique , correspondant  à un choix  lié ,   dit-il , «  à un moment de réflexion et d’inquiétude »   faisant écho au  constat de     «  suspiscion de toute science et idéologie ou philosophie,  et un rejet de tout ce qui est politique (…) ma réponse en tant que citoyen engagé est de revenir aux fondamentaux » ,  dit-il  . Ces fondamentaux, dont l’oeuvre de Marx questionnait déjà «  sur les dérives du capital dans l’Europe et dans le monde , de manière très concrète » . Le « lien » ainsi fait, avec l’actualité du présent d’une Europe ( et d’un monde ) en pleine « globalisation » capitaliste suscitant, le rejet . C’est ce ressentiment et ce rejet vécu aujourd’hui , qui fait écho à celui de Karl Marx et ses amis dans l’Europe Industrielle d’alors , qui est au cœur de récit de Raoul Peck . Et c’est ce « rapprochement » qui en fait son prix par le « raccord » avec ces années de la jeunesse de Karl Marx dans les années 1843 à 1848, découvrant sous l’impulsion de la mutation Industrielle , les dérives inégalitaires de classes qui vont le pousser à radicaliser son rejet et à mettre en place , sa théorie de changer le monde …et non plus de « l’interpréter comme l’ont fait jusque là , les philosophes » . Débat passionné et passionnant , objet de superbes joutes oratoires dont les séquences du film , se font l’écho . Mais , surtout l’opportunité , pour Raoul Peck d’offrir une autre image du penseur dont le travail et l’oeuvre révolutionnaire trouvera son aboutissement dans l’écriture de  son  grand oeuvre , «  Le capital ». C’est dans  cette lente « gestation » en marche,  dont  le cinéaste nous entraîne  à  suivre  le foisonnement et la frénésie d’une jeunesse rebelle  ( Marx/ Engels)  et combattante qui s’y dépense sans retenue et avec une belle énergie, qui nous emporte dans son tourbillon . Celui dans lequel , ils s’investissent bien décidés à changer la donne d’ un ordre social injuste dont le prix de l’exploitation des ouvriers , n’est destiné qu’à enrichir encore un peu plus les grands industiels et patrons de l’époque …

Engels ( Stefan Kornaske ) et sa compagne ( Hannah Steele )

Servi par la belle interprétation d’un « quatuor » de comédiens en phase  ( Auguste Diehl / Karl Marx , et sa femme Jenny / Vicky Krips ; Stefan Konarske / Fréderich Engels et sa compagne ,Mary / Hannah Steele) , le film trouve son « tempo » dans la description de leur vécu quotidien,  révélateur de leur révolte et de leur engagement . Celui de jeunes Bourgeois dont la rupture de classe est définitivement assumée, et en prise directe de rejet avec leur milieu dont ils ne supportent plus l’indifférence vis à vis de la misère et l’injustice dont ils sont les principaux responsables …avec la bénédiction des gouvernements «  à leurs bottes ». A cet égard la description de la « rupture »  entre Friedrich Engels et son père entrepreneur qui n’hésitera pas  à  employer  de jeunes enfants dans son  entreprise … ou de rendre  repsonsables les ouvrieres  par leur « négligence » , des accidents de travail  dont elles sont victimes  .  Objet de la discorde qui sera le déclencheur des travaux d’Engels , sur La situation de la classe ouvrière en Angleterre  (1845 )  , ouvrage  objet de son rapprochement avec Karl Marx qui trouvera son travail « admirable » . Karl Marx, lui aussi , en rupture de classe , issu  d’une famille juive dont il a reçu une éducation séculière , fils de marchands propriétaires de vignobles dans la vallée  de la Moselle , qui s’engagera en politique   par des  pamphlets virulents ,  et fréquentera les milieux ouvriers . De belles séquences décrivent ce rapprochement  entre les deux philosophes , d’abord à fleurets -mouchetés   et qui se transformera en solide amitié. Porté par la frénésie du combat d’idées au cœur duquel, la théorisation du « passage à l’action » est au centre   de leur réflexion . La transcription des dissensions avec les différents courants, et notamment celles qui sont au cœur du désenchantement, puis du conflit d’idées ( sur la propriété , ou, sur la « misère » de la philosophie ) avec Proudhon ( Olivier Gourmet , toujours parfait ) . De jolis moments  où les tendances s’affrontent  et où les  combats  d’idées   jouent sur les rapports de forces  dont l’assemblée générale  à Bruxelles  en 1847 , finira par  consacrer la naissance du groupe politique clandestin , la   Ligue  Communiste . Marx et Engels ,  y prendront une place prépondérante et  on leur demandera de rédiger le « manifeste » de celle-ci … Le Manifeste  du parti communiste , qui paraîtra en Février 1848 …

Banquet de  réunion des différentes tendances . Au milieu en invité : Proudhon (  Olivier  Gourmet )

Raoul Peck refusant l’idée d’un Biopic à l’Américaine , a préféré « concentrer » son film , sur cette période foisonnante vécue par le jeune Karl Marx , dont il a souhaité montrer l’idéalisme d’un « combat »   et d’une pensée en  » action dans  son époque « ,  et pour laquelle il se   met en danger . Préférant, se pencher sur le jeune homme qui était loin  alors, dit-il «  de l’icône en statue de granit barbue qui a servi de prétexte a des monstres pour commettre leurs crimes …». Questionner l’histoire et le cinéma , c’est  le rôle d’un cinéaste dit   Raoul Peck qui  le met en pratique ,  en faisant le choix d’une approche fictionelle proche du documentaire . Une approche qui  puisse   « permette   de faire ressentir le moment où les choses  se passent , ressentir les hommes et les femmes , sentir les odeurs , la réalité humaine… ». Car c’est cette réalité là,  qui explique l’engagement de ses héros  et en est l’élément  déclencheur . Dans les  premières séquences du film, deux scènes  emblématiques  illustrent  cette  approche . On voit  dans la première , dans la forêt des hommes et des femmes  miséreux récoltant du bois pour se chauffer s’y  faire attaquer violememnt par la police et  contraints de fuir . Tout celà parce que désormais…. il a été établi par les autorités, que l’habituel « droit d’usage » y était interdit!.  Et l’autre scène qui se déroule dans  l’usine du Père d’Engels  où la révolte gronde suite à un accident,  une meneuse ouvrière y  sera renvoyée   « pour l’exemple » .  Baisser la tête ,  subir , se plier  et se taire .  Deux séquences qui résument superbement l ‘idée du « ressenti  » et du vécu  de cette réalité  sur laquelle Raoul Peck construit son récit et sa mise en scène en mouvement,… pour  une autre approche et vision du monde . A cet égard,  il saisit aussi ,  l’opportunité de nous montrer un aspect mal connu du vécu quotidien et de l’ intimimité familiale  de ses héros. S’attachant à décrire le rôle  joué par leurs compagnes , elles aussi toutes deux en rupture avec leurs familles . C’est un des aspects passionnnats du film parceque,  peu ( ou mal) connu , dont il nous  offre une belle appoche . Décrivant , notamment   au delà  du soutien aimant  , celui   de leur rôle dans le couple et de l’influence qu’elles ont sur   leurs  compagnons  , comme   l’illustre Jenny Marx dont l’acuité de la réflexion politique lui permet d’intervenir, parfois  dans certains choix décisifs  et de d’apporter  un point de vue  et des éléments de  réflexions  différent  . De  la même manière que le « couple » non- marié , formé par Engels et sa compagne , y est présenté dans une forme de relation libre , moderne et indépendante , très originale pour l’époque …

Raoul Peck compose  une appoche passionnante  avec son    Jeune  Karl Marx ,  à la fois débarrassée des possibles « tics »  du biopic, mais aussi employant la forme des joutes oratoires pour évacuer l’excés didactique de la théorisation politique qui pourrait alourdir le récit . Le but étant  d’ approcher sans tricher , la réalité, car   «  derrière l’Histoire , il y a toujours la petite histoire , tous les détails ont du sens … » , explique  le cinéaste. Ne manquez pas cette belle approche du Jeune Karl Marx  qu’il  vous propose …

( Etienne Ballérini )

LE JEUNE KARL MARX de Raoul Peck – 2017- 1h 58 –
Avec : Auguste Diehl , Stefan Konarske, Vicky Krieps, Hannah Steele, Olivier  Gourmet, Alexander Scheer…

LIEN : Bande -Annonce , Le Jeune Karl  Marx, de Raoul Peck .

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