Réalisateur et producteur indépendant iranien, Mehrdad Oskouei s’était déjà intéressé aux adolescents en milieu carcéral dans ses deux précédents longs métrages, It’s always late for freedom et Les derniers jours de l’hiver. Avec Des rêves sans étoiles il prolonge cette thématique mais rencontre cette fois des délinquantes mineures dans un centre spécialisé.

Dans les premières plans Des rêves sans étoiles on relève les empreintes digitales d’une jeune fille, puis elle est prise en photo avant d’entrer dans une cellule. Réalisateur et producteur indépendant, mais aussi photographe et chercheur, Mehrdad Oskouei est né à Téhéran en 1969. Dans ses deux précédents longs métrages It’s always late for freedom (2007) et Les derniers jours de l’hiver (2012), il s’était déjà intéressé aux adolescents dans un milieu carcéral. Ici, il demeure fidèle à cette thématique mais aborde cette fois la situation des adolescentes dans un centre de détention et de réhabilitation pour mineures en Iran. Une fois les toutes première images et le générique passés, le spectateur découvre des adolescentes dans la cour d’un établissement se livrant à une bataille de boules de neige, chantant et dansant. La présence d’un mirador et d’hommes en uniforme rappelle néanmoins qu’il s’agit bien d’une prison. La jeune Khatereh est là parce qu’elle a fugué. Elle explique les raisons à un membre du personnel (une assistante sociale ?). Ghazal a presque 18 ans. Mariée à l’âge de 14 ans, elle est tombée enceinte à 15. Elle a été arrêtée en possession de drogue, pour sa consommation personnelle dit-elle. Cela fait 7 mois qu’elle n’a pas vu sa fille. Et puis, il y a « Personne », détenue pour vol à main armée, Somayeh, qui a tué son père avec la complicité de sa mère et de sa sœur, mais aussi les autres pensionnaires, comme Hasrat, Maedeh ou « 651 ». Le réalisateur recueille leur témoignage et alterne avec des scènes de la vie quotidienne, le repas pris en commun, les jeux, l’atelier de marionnettes, mais aussi la prière.

Pour réaliser son film, Mehrdad Oskouei a dû gagner la confiance des autorités. Si ses deux expériences précédentes ont pu jouer en sa faveur, il lui a quand même fallu s’armer de beaucoup de patience avant d’obtenir leur feu vert et promettre que le documentaire ne serait pas diffusé à la télévision en Iran et qu’il serait réservé aux festivals, aux universités et aux centres culturels ! De prime abord, on aurait pu s’attendre à ce que le film aborde la maltraitance en prison. Ce n’est pas du tout le thème du film. Le centre apparaît même comme un refuge pour ces jeunes filles qui redoutent de sortir et de retrouver la rue ou leur famille. Après les autorités, il fallait gagner la confiance des détenues et du personnel. Le cinéaste se garde de juger et encore moins de condamner, il n’avait qu’une idée en tête « (…) apporter une réponse à une question que je me posais : pourquoi ces enfants, à cet âge, se retrouvaient-elles dans ce lieu, et qu’est-ce qui les avait conduit-là ? ».

Pour recueillir leurs confidences, entendre leur malaise et leur souffrance, le réalisateur a su trouver « la bonne distance ». Il n’y a chez lui aucun misérabilisme ou voyeurisme, aucun sensationnalisme, mais de la pudeur et de l’empathie. Il n’avait pas de scénario au départ. Celui-ci a été écrit dans la salle de montage, une fois le tournage terminé. Des différents récits, il ressort que ces adolescentes délinquantes ont été confrontées directement à des problèmes de drogue, ont eu un parent toxicomane ou été victimes des violences d’un père, d’un beau-père ou d’un oncle. Mehrdad Oskouei souligne : « (…) je n’étais pas intéressé par la contestation politique, mais davantage par le devoir sociale ». Cependant, la frontière entre les deux est ténue et s’estompe même à certains moments du film. Ainsi, l’une des adolescentes déclare : « « Si la société avait donné du travail à mon père, il ne se serait pas drogué », tandis qu’une discussion avec un imam va pointer du doigt les inégalités entre les femmes et les hommes.
Si Des rêves sans étoiles fait référence aux jeunes filles et à la société iraniennes, il atteint également une dimension universelle. La détresse qu’éprouvent les protagonistes du film d’autres jeunes filles incarcérées à travers le monde peuvent l’endurer. Parmi les nombreuses récompenses , le documentaire a obtenu, en 2016, le Prix Amnesty International au Festival de Berlin, le Grand Prix Nanook au Festival International Jean Rouch et le Grierson award du meilleur documentaire au BFI London Film Festival.
La bande annonce du film (Les Film du Whippet)
Philippe Descottes