Cela commence par un zoom sur ces voitures qui avancent devant ces immenses buildings prétentieux de Manhattan, engloutissant l’image. Face à l’île de Manhattan, il y a le Queens, quartier pauvre d’où viennent les deux frères Nikas. Cependant, la véritable première scène du film débute par un gros de plan de Nick Nikas (incroyable Benny Safdie), frère handicapé mental interrogé par des médecins pour lui trouver un environnement adapté. Son frère Connie (tout aussi épatant Robert Pattinson) débarque et l’embarque pour réaliser le braquage d’une banque dont le butin leur servira à fuir au soleil. Connie veut donner une belle vie à son frère. Mais le casse ne va pas se passer comme il faut. Connie échappe à la police tandis que Nick se fait arrêter p. Alors Connie essaie de le faire libérer, d’abord légalement en cherchant à réunir les 10 000 dollars de la caution… qu’il ne trouve pas. Puis de manière plus illégale.
Course contre-la-montre ou course poursuite dans la nuit hivernale d’un New York des paumés et des camés. Le Queens est un marécage labyrinthique où s’enfonce Connie, où les rues ne sont réchauffées que de son amour fraternel qui pousse un Pattinson méconnaissable, cassant, comme en son temps Di Caprio, l’image de jeune premier qu’il avait. Good Time des frères Safdie raconte cette plongée obscure. De mauvais choix en mauvaises rencontres, c’est l’envers du rêve américain, une vision que l’on retrouvait déjà dans leur documentaire sur l’espoir perdu du basketteur Lenny Cooke. Une Amérique triste, désenchantée, filmée à 100 à l’heure, à même la rue, un tournage guérilla mais sans les tics agaçant d’une camera qui bougerait sans cesse. C’est hypnotique par une mise en scène audacieuse jouant les contre-temps d’une incroyable bande son et de scènes revisitées (l’explosion des billets piégés dans la voiture, l’évasion en fauteuil roulant et bus de ville de l’hôpital…).
C’est un tsunami, d’une puissance sourde et implacable. Oui, Good Time (avec Le Caire Confidentiel) est certainement le meilleurs polar de l’année 2017 car il touche à l’humain, à l’amour, à la dévotion et au sacrifice. Autant de matériau qui pousse les hommes et les femmes au bout d’eux mêmes. A révéler notre humanité et notre monde comme on le voit rarement. Fort et remuant.
Julien Camy