Présenté en compétition officielle au dernier Festival de Cannes où il était très attendu, le nouveau film du cinéaste oscarisé pour The Artist ( 2011 ) , décrit une double rupture vécue par le cinéaste de la nouvelle vague , Jean- Luc Godard. Celle qui sera fatale à son couple avec Anne Wiazemsky , due à la crise de créativité qu’il traverse se concrétisant par la radicalité de l’engagement politique qu’il veut opérer dans son cinéma…

Librement adapté des récits autobiographiques ( Une année studieuse et Un an après ,tous deux publiés aux éditions Gallimard ) d’Anne Wiazemsky ( Stacy Martin ) , qui y raconte sa liaision avec le chantre de la nouvelle vague Jean-luc Godard , le nouveau film du cinéaste Français de The Artist , nous entraine au cœur de cette « période charnière » dans la vie du couple qui finira par se séparer . Le cinéaste, qui, porté par les mouvements sociaux ( Mai 68) et révolutionnaires dans le monde , va vouloir changer de cap, prenant ses distances avec la nouvelle vague et radicaliser son cinéma qu’il veut « hors système », en créant le groupe Dziga vertov. l’incompréhension qui va s’en suivre qui se traduira entr’autres par des interventions , des prises de positions et des disputes mémorables , amplifiés par les mots et formules percutantes dont il avait le secret . Le cinéaste -star du jeune et nouveau cinéma Français adoubé par une certaine intelligentzia , et le couple « glamour » qu’il formait avec son égérie, ne va pas résister à la remise en question de ce « système » que désormais, il vilipendiait . Le récit est construit sur cette « interférence » , qui va finir par avoir raison du couple. Michel Hazanavicius et sa passion -cinéma que ses films traduisaient en investissant les codes , avec humour et dérision. On la retrouve ici au cœur de cet hommage distancié au cinéaste et à son cinéma qui a bouleversé le cinéma moderne avec son approche des formes , mais auss, i son regard sur la société et la radicalité de sa réflexion sur le 7 ème Art et la culture en général …

La réussite du film qui se concentre sur cette periode de « double rupture », qui n’est ni un « biopic » concentré sur celle-ci , ni un hommage sententieux , utilise les décalages et les ruptures pour construire une approche , lui permettant au delà de « la figutre icônique de la culture des années soixante faisant partie de l’imaginaire collectif» , de l’apprtéhender comme « un personnage complexe et humain », explique le cinéaste . Dès lors , habilement , il l’inscrit dans cette perspective que Jean- Luc Godard voulait donner à son cinéma, ramenant l’icône intéllectuelle à cette dimension humaine de monsieur tout le monde , qui permet « à travers lui (…) d’ aborder des thèmes et des sujets qui nous sont communs à tous. L’amour, la création, la politique , l’orgueil , la jalousie, etc.. ». Un choix de récit qui fait du cinéaste avec les qualités et les défauts qui le caractérisent : provocation , dérision , humour en bandoulière faisant rempart à une certaine forme d’auto-destruction qui lui vaudra , au delà de son couple , ruptures et fâchéries avec, amis et prochesdu métier , à qui il tournera le dos …ou qui lui ont toruné le dos. A cet égard la séquence du retour en voiture dans la capitale après l’arrêt du festival de Cannes où son ami et critique Michel Cournot ( Grégory Gadebois) dont c’était le premier fim qui devait avoir les honneurs du Festival et a été privé de la projection , est jubilatoire !. Dans les reproches et répliques échangées à fleuret- mouchetés où le débat s’installe sur politique et cinéma , au cœur duquel le positionnement radical de Godard , se retrouve au centre . La rupture amoureuse du couple et de la séparation , dont Michel Hzananicius montre l’inexorable distance qui finit par s’installer et y conduire, il la construit subtilement en une sorte d’ écho -référence, aux couples des films que Godard a réalisés avant , et que sa radicalité rejette désormais . Fini pour lui , le regard sur les couples décrits dans , A bout de souffle , Une femme est une femme , Une Femme mariée ou de Pierrot le Fou . Subtilment Hazanavicius filme cette séparation inéluctable entre Godard et Wiazemsky, et faisant référence aux titres des films du cinéaste , on pourrait dire que celui-ci a décidé desormais d Vivre sa vie , à quoi bon en arriver au Mépris ( et se faire souffrir …) , autant pour chacun désormais … de faire Bande à Part !. Peut-être est-ce un simple ressenti de cinéphile, mais on a aimé que cette radicalité de Godard captée par le cinéaste, nous en renvoie le souvenir…

Pour ce qui concerne l’aspect de la radicalité politique dans laquelle Godard, lors de ces deux années charnière , s’est inscrit . La réussite est aussi dans la manière dont Hazanavicius décrit et traduit l’éffervescence culturelle et politique de l’époque dans laquelle, le délitement du couple couple , s’inscrit . Les belles séquences décrivant le climat de Mai 1968, et les désirs de changements .Toute cette agitation et effervescence qui passionnait Godard et dont il se nourrissait pour faire la « mue » de son œuvre , tandis que sa femme se retrouvant désorientée nemnt ne pourra que constater l’éloigement . La film en offre sur événements des séquences savoureuses : ses interventions chahutées à la Sorbonne, ses échanges à fleuret- moucheté , avec les intellectuels de droite , mais aussi avec Michel Cournot, Bernardo Bertolucci , Marco Ferreri …et son rôle, lors de l’arrêt du festival de Cannes en Mai 1968 s’accrochant ( avec François Truffaut et Jean- Pierre Léaud au rideau du Palais des Festivals ) , et apostrophant le public « … je vous parle de solidarité avec les ouvriers et les étudiants , et vous me parlez de travellings et gros plans …vous êtes des cons! » , pour faire arrêter la projetction . Alors , que la France est en grève générale , et que les ouvriers défilent dans les rues . Le cinéma , estime-t-il , doit « se solidariser des lutets des ouvriers et des étudiants « sortir, lui aussi dans la rue , pour les décrire et donner la parole à ceux qui se battent et décrire ce quotidien qu’ils vivent , dont le cinéma bourgeois ne parle quasiment jamais…
La courte séquence , où il croise un inconnu dans la foule de la manifestation qui l’interpelle et lui demande de renvenir à ses films avec Belmondo « lui , il est marrant il fait rire! « , il y répond en forme de rejet, faisant le geste en pointant sa caméra portable 16 mm à la main, sur sa tempe pour se tirer une balle !. Plus loin, dans la manifestation où bousculé et matraqué par un CRS qui ne l’a pas reconnu et s’excuse « pardon , monsieur Godard , je ne vous avais pas reconnu sans vos lunettes » , il rétorque « on ne remercie pas un flic ! » , à sa femme qui lui reproche de ne pas l’avoir fait !. C’est le cinéaste désormais , en marche vers « sa » révolution . On ne le voit quasiment pas au travail horrmis au debut du film , avec la courte séquence du tournage de la Chinoise, qui permet de mettre en place son personnage incarné par Louis Garrel. Les dialogues et répliques qui se nourrissent de ce qui a fait sa marque provocatrice, le beau travail du comedien , imitant le phrasé ( le petit zozotement ) du cinéaste de la nouvelle vague , fait mouche . Ainsi que les quelques plans emblématiques, et notamment, ceux célèbres faisant écho au détour de quelques plans au travail sur l’image et sur le son-off , devenu une de ses marques de fabrique de son cinéma . Juste, ce qu’il faut. Fans ou pas, de Godard, ce portrait du « redoutable », devrait vous plaire..
(Etienne Ballérini)
LE REDOUTABLE de Michel Hazanavicius – 2107 -Durée : 1h 42 .
Avec : Louis Garrel, Stacy Martin , Bérénice Bejo , Micha Lescot, Grégory Gadebois , Félix Kysyl ….
Lien : Bande-Annonce du film Le Redoutable de Michel Hazanavicius.