Une inspectrice du FBI diligentée pour enquêter sur le meurtre d’une jeune Amérindienne dans la réserve du Wyoming . Un polar aux accents de western par le cinéaste -scénariste dont c’est le second film derrière la caméra . Prix de la mise en scène à la section Un certain Regard au Festival de Cannes 2017 .

Taylor Shéridan a commencé au début des années 1990 une carrière de comédien notamment pour des séries télévisées ( Texas Rangers, Docteur Quinn , Sons of Anarchy ), puis s’est consacré ensuite à l’écriture scénaristique dès les années 2000 où il se fait une belle notoriété comme scénariste de Denis Villeneuve pour Sicario ( 2015 ) et de David Mackenzie pour Comancheria ( 2016 ) . Wind River a été conçu comme la troisième volet d’une trilogie sur le thème « de la frontière moderne Américaine , du nouvel Ouest et les grands espaces de la violence » explorant les différentes facettes, via les cartels de la drogue dans Sicario et le choc entre l’immense richesse et la pauvreté dans l’Ouest du Texas , contre lequel s’élevaient, les frères braqueurs de banques dans Comancheria . Pour le troisième volet , après un premier passage à la réalisation avec Vile ( 2011) resté assez discret au niveau international , il a voulu renouer derrière la caméra et y inscrire sa « patte » personnelle , où lyrisme et exercice de style se font l’écho de la tragédie humaine « dans une territoire sauvage et brutal , où le paysage lui- même est un ennemi …Wind River explore ce qui constitue sans doute à la fois les vestiges les plus tangibles de la Frontière Américaine et le plus grand échec de l’Amérique : la réserve Amérindienne… » , explique -t-il …

C’est donc au cœur de cette réserve du Wyoming aux immenses et magnifiques paysages enneigés -superbement filmés par Ben Richardson déjà apprécié pour son travail des Les Bêtes du Sud Sauvage de Benh Zeitlin – dans le sillage du pisteur , Cory Lambert ( Jeremy Renner ) qui lors d’une sortie, va découvrir le cadavre d’une jeune indienne morte dans la neige, dont l’autopsie va révéler qu’elle a été violée . Pour élucider le meurtre le FBI envoie une jeune recrue Jane ( Elizabeth Olsen ) qui ,très vite va se retrouver confrontée aux différentes influences et rapports de forces qui règnent entre la communauté Amérindienne qui a été implantée et celle des autochtones qui en sont originaires , et les forces de l’ordre locales qui doivent composer avec les communautés qui veulent faire leur propre Police et garder certains prérogatives. C’est dans ce contexte de difficultés relationnelles qui risquent de perturber l’enquête et la recherche du, ou des coupables , que Cory Lambert qui en connaît bien le contexte favorisé par ses liens avec la communauté indienne , va aider la jeune recrue à tenter de mener à bien l’enquête dans ce terrain hostile . De ce contexte à la matière passionnante dont on vous ménagera le suspense de la découverte du coupable rondement mené par une mise en scène alerte et efficace . Taylor Shéridan s’attache à y intégrer la dimension intime et collective d’une violence , née d’un constat, celui consécutif :« au fait de forcer un peuple à vivre sur une terre qui n’était pas destinée à l’accueillir(…) et un territoire sauvage, brutal , où le paysage lui-même est un ennemi » …

Dans ces conditions , la chasse au coupable est d’autant plus complexe au vu des tensions qui s’y inscrivent dues aux mentalités et rivalités qui se sont forgées dans ce territoire délaissé de l’Amérique du Nord, où la violence ,les meurtres, et les trafics divers, se sont multipliés au fil des ans , de même que les viols . Dès lors , il s’agit avant tout pour nos enquêteurs de rester vigilants, garder le cap , tenter d’éviter les leurres des pièges tendus , et suive la bonne piste , celle du motoneige qui devrait mener au coupable . Le scénario qui en suit la trace et tient en haleine le spectateur, peut alors se décliner, en laissant poindre la dimension intime et collective des laissés pour compte qui en ont souffert . Cet égard, sont emblématiques , les doubles portraits du Pisteur Cory Lambert et celui de son ami indien ( Gil Birmingham ), ils sont remarquables dans ce qu’ils révèlent de leur passé et des souffrances subies, que leur renvoie ce nouveau meurtre . Eux ,qui ont été touchés dans leur chair ,par le drame et la tragédie qu’ils ont du mal à oublier … et ne peuvent tourner la page . Les peintures de la mort sur le visage de l’indien comme masque pour en effacer les stigmates de la douleur de la perte de sa fille , à laquelle qui vient s’ajouter la dérive de ses fils dans la violence et le trafic de drogue. Et l’engagement de Cory , anciennement marié à une Amérindienne , auprès de l’enquêtrice du FBI comme une forme de catharsis pour oublier dans la traque, lui aussi , le drame de la perte de sa fille . Les confidences complices de ces deux hommes brisés par la douleur, leur soutien moral mutuel et leur dignité, nous offrent deux séquences bouleversantes …

Enfin , toujours dans l’arrière plan de l’enquête , les portraits saisissants de ces hommes qui versent dans l’innommable , presque comme une passe-temps , une habitude :« le viol est considéré comme un rite de passage pour les jeunes filles devenant femmes » , explique le cinéaste . Et pour celles qui tentent de s’y soustraire , les chances sont minces dans cette région où le froid peut vous rattraper dans son manteau de neige. Comme le souligne le générique final faisant allusion aux statistiques officielles ne prenant pas en compte les disparitions des femmes dans ces territoires . C’est cet « envers » de l’Amérique , cet autre visage que l’on montre peu de ces ces pans de territoires délaissés, et des vie humaines brisées par le désespoir , dont l’un des premiers plans du film nous montre symboliquement, le drapeau Américain inversé.
Un film passionnant , à voir ..
(Etienne Ballérini)
WIND RIVER de Taylor Shéridan – 2016- Durée : 1h 50
Avec : Jeremy Renner , Elizabetth Olsen ,Graham Greene , Gil Birmigham,Kelshey Asbile , Julia Jones , John Bernthal …
Lien : Bande Annonce du film Wind River de Taylor Shéridan ( Metropolitan Films)