Les Nuits Musicales du Suquet à Cannes proposent chaque année un concert découverte. Pour cette 42éme édition programmée par son directeur artistique Misha Katz, c’est un hommage au clarinettiste américain, Benny Goodman reconnu comme l’un des grands musiciens de jazz….mais là, surprise, pas question de jazz mais plutôt de rentrer dans l’univers de la musique classique qu’adorait Benny Goodman et pour cela, il y avait le clarinettiste Julian Milkis en trio (1)…explication
Julian Milkis est plus connu dans le répertoire de musique classique que dans celui du jazz. C’est dans son début de carrière qu’il va croiser Benny Goodman, grand virtuose mais aussi professeur de musique.
Julian Milkis : J’étais en Master à Julliard School à New York. Benny Goodman est né à Chicago mais il vivait à New York, c’est pour cela que j’ai pu être son élève quand je faisait mes études , j’avais…25 ans !, j’étais à la fois élève au Conservatoire, à la foi élève de B. Goodman. Ce qui a vraiment changé avec lui, c’est mon son ainsi que mon vibrato, totalement. Lorsque j’ai commencé à jouer avec Dick Hyman, un pianiste et compositeur de jazz très connu, qui a notamment composé un grand nombre des bandes originales des films de Woody Allen, âgé maintenant de 90 ans, il m’a dit « je n’en crois pas mes oreilles, vous avez le son de Benny Goodman !
Jean Pierre Lamouroux : Comment cela se passait musicalement parlant avec un professeur aussi prestigieux ?
J Milkis : D’abord une chose très importante, Benny Goodman se considérait lui même comme étant clarinettiste autant classique que jazz..une part importante du répertoire pour clarinette classique du 20éme siècle ( Copland, Milhaud, Hidemith, Poulenc) est faite pour Benny Goodman.
JP L : Quand vous l’avez rencontré , avez vous joué du jazz avec lui ?
J Milkis : Non, non, c’était du classique uniquement mais il est important de savoir , quand je jouais avec lui, je jouais avec un son totalement différent et Benny Goodman a changé mon son, le son de ma clarinette je ne sais par quel miracle.
JP L : On ne vous connaît pas beaucoup sur la planète jazz, avez vous choisi de faire plutôt du classique et donc de délaisser un peu le jazz ?
J Milkis : Après la mort de Benny Goodman, les gens m’ont demandé pendant 10 ans de jouer du jazz. Je ne le voulais pas car j’étais effrayé du fait d’être comparé à lui, donc, pendant longtemps, je n’ai pas joué de jazz car j’avais peur. Depuis, j’ai repris le jazz, j’en joue beaucoup et je viens de terminer un film sur Benny Goodman, un grand film de 2 heures
JP L:Vous êtes plus classique ou jazz maintenant ?
J Milkis : Difficile à dire maintenant, mais je joue parfois du jazz mais je suis principalement un musicien classique… j’aimerais beaucoup commencer à être reconnu dans votre pays pour le jazz mais j’ai besoin d’un orchestre symphonique pour cela…j’ai eu l’occasion de jouer le répertoire jazz de B. Goodman aux cotés de l’orchestre philharmonique de St Saint-Pétersbourg et c’était vraiment incroyable… j’aime particulièrement Poulenc, notamment la sonate écrite pour Benny Goodman et que celui ci a joué pour la première fois avec Léonard Bernstein, à l’occasion d’un concert au Carnegie Hall de New York en 1963.
JP L : êtes vous un compositeur de jazz ?
J Milkis : Non, je ne compose pas mais beaucoup de morceaux de jazz sont écrit pour moi comme Hyman qui a composé son fantastique Ragtime Concerto pour moi.
JP L : Après le concert , vous n’avez qu’à aller dans la rue à Cannes et…jouer du jazz en présentant le chapeau .
J Milkis : rires…je l’ai déjà fait une fois à Paris en 1998, à l’église St Germain des Prés, en 1 heure, j’ai gagné une centaine de dollars, il y avait énormément de monde qui s’amassait autour de moi… au départ, cela partait d’un pari que j’avais fait avec des copains.
JP L : Pour revenir sur sur votre projet cinéma, parlez nous de votre film « Le Cheval de Troie »et pour quelle raison ce titre ?
J Milkis : B . Goodman a été un choc en Union soviétique (concert en 1962). la musique jazz était interdite mais quand elle est arrivée dans le pays tout a changé, les jeunes sont devenus plus libres et ont commencé en un sens à détruire tous ces interdits propre à l’Union Soviétique , ce titre que j’ai choisi pour ce documentaire est pour moi synonyme de liberté comme l’est le jazz …c’est un pas vers l’ouverture d’esprit qui a changé la vie de beaucoup de jeunes à cette époque.
Financé par le Canada, le documentaire sortira en octobre, d’abord au Canada qui l’a financé, puis aux Etats Unis et en Russie , une œuvre qui devrait faire découvrir une autre facette musicale de Benny Goodman et son immense carrière dans le jazz mais aussi la découverte sous l’angle d’un compositeur passionné et érudit de la musique classique.
Jean Pierre Lamouroux
Traduction Céline Brosset
Musiciens
Julien Milkis, clarinette
Polina Osetinskaya, piano
Mikhail Kopelman, violon