Cinéma / HOSTAGES de Rezo Gigineishvili.

Sept jeunes amis inséparables de Tbilisi décident de fuir le régime autoritaire de l’URSS en détournant un avion. Adapté du fait divers qui secoua la Géorgie en 1983, une évocation très fouillée et réussie, de la tragédie de la jeunesse d’une génération dont  le rejet et le défi au régime politique annonçait, la future Pérestroïka…

l’Affiche du film…

Dans la république socialiste Géorgienne de l’époque, partie intégrante  de L’URSS ( Union des Républiques Socialistes Soviétiques ) sous le contrôle du régime de Moscou, il n’était pas  alors, question de rêver de l’Ouest. Les frontières closes ne permettaient pas de quitter le pays. Pourtant dans la jeune génération issue d’une certaine classe Bourgeoise, un désir de liberté se manifestait comme forme de rupture avec la génération des parents surveillés , aigris et soumis dont elle refusait de suivre l’exemple de résignation . «  vous vous plaignez tout le temps, mais vous ne faites rien, vous restez passifs et vous subissez » dira à ses parents , un des jeunes du groupe d’amis dont on va suivre , la destinée . Le film s’ouvre d’ailleurs sur une séquence emblématique, en forme de défi à l’absurdité d’un certain « ordre établi ». Un rendez vous pour nos sept inséparables sur la plage pour une baignade nocturne. Rien de plus anodin…mais voilà, le règlement interdit les baignades au delà de 23 heures et la police va intervenir pour déloger le groupe de la plage . Policiers intraitables , échanges aigre-doux, commissariat , menaces de sanctions , parents des trublions de l’ordre prévenus …la machine répressive absurde en marche. Trop , c’es trop… pour les sept amis qui vont échafauder un « plan » pour tenter de passer à l’Ouest . Ils décident de prendre un vol régional, et le détourner de sa destination …

le groupe d’amis que la plage , et baignade nocturne interdite ….

Le jeune cinéaste Géorgien dont l’enfance a été bercée par les échos de l’affaire «  des gamins de l’avion » , en a  gardé en mémoire le souvenir des traces profondes qu’elle avait laissées dans la population  , et ce sentiment que celle-ci « partageait les souffrances et manifestait de la sympathie envers les parents dont les enfants avaient étés jugés coupables de la tragédie ». Surtout  d’un gâchis , celui  d’une gestion et d’un déroulement des faits qui aurait pu trouver une autre issue, si les autorités avaient cherché face aux pirates paniqués, une autre porte de sortie que le bain de sang ( 8 morts dont des membres de l’équipage)  consécutif  à l’intervention musclée de l’armée . Le cinéaste intrigué , aussi, par le secret et le mystère entourant certains faits et individus impliqués , dont notamment celui concernant , dit-il     « l’un des véritables ravisseurs qui était censé avoir été exécuté …et qui était en fait, toujours vivant ! » . Alors , afin d’éclaircir certains points comme celui-ci, il décide de reporter la mise en route déjà avancée de son film , pour se consacrer à un travail de recherche et d’enquête  plus approfondi… qui durera six ans . Consultations des documents d’archives d’état sur les interrogatoires des pirates et sur leur  procès , complétées par des témoignages directs des familles otages et des victimes ainsi que de celles des pirates ,  et des entretiens  avec  ceux       ( passagers rescapés …) qui ont vécu les événements de près …

Trois membres du groupe en route pour l’aéroport  de Tbilisi… 

Le film est la résultat de ce long travail , et c’est ce qui en fait son prix et sa force . En même temps qu’il permet de mettre en lumière des aspects restés inconnus de l’affaire . Comme en témoigne l’un de séquences les plus fortes du film qui évoque le sort des dépouilles des pirates qui ont été condamnés à la peine de mort …dont les cercueils ont étés enterrés dans un lieu tenu  secret,  et que l’on a toujours pas – à ce jour – pu identifier. Recherchés désespérément par des familles pour lesquelles , le deuil est impossible à faire . Le rejet dans l’oubli , comme arme d’état pour effacer des mémoires les événements dérangeants… une séquence qui en dit long sur un régime qui veut à tout prix effacer , les traces et le souvenir de ceux qui ont osé le défier. Dans cette optique , en suivant au plus près ses personnages de jeunes révoltés aux prises avec la génération soumise de leurs parents , le  cinéaste  brosse le portrait d’une état- des -lieux  d’une société maintenue sous surveillance  étroite…des agents  du KGB.. Magnifique, le miroir réaliste  des comportements que le cinéaste renvoie d’une époque de soumission où règne la peur et la crainte de ce qui pourrait faire de vous un suspect . Une soumission à laquelle , seul le strict cadre familial  et ( ou ) du cercle  d’amis intimes, peut laisse libre- court,  au ressenti . C’est cette forme d’asphyxie insupportable que ne veut plus subir   une jeune génération qui , en cachette et sous les manteaux , fait circuler les objets  ( livres , disques …) et autres attraits libertaires … de la « propagande l’ennemi de l’Ouest ». La rupture des générations est aussi le reflet d’une rupture politique . C’est l’autre belle idée et choix de récit et de mise en scène que de la répercuter au travers du choix désespéré et radical fait par les  sept jeunes révoltés , pour tenter de s’envoler vers ce monde libre, tant désiré . « Ils vivaient dans une situation aberrante, où les gens étaient privés de tout ce qui était la norme dans les autres pays », dit le cinéaste . C’est de ce ressenti ( servi par des interprètes inconnus chez nous , mais tous excellents ) qu’il se fait l’écho . Celui dont le titre du film «  Hostages » , se pare du double-sens représentatif , d’une population… otage , elle , d’un régime .

A la recherche du lieu où les cercueils des pirates ont été enfouis , et   destinés  à rester dans le secret et dans l’oubli .

A cet égard son film qui en distille et donne à voir tous les aspects, nous en offre une réflexion originale dans son approche : «Tous ceux qui ont pris part à cette tragédie sont des victimes, on ne doit ni les accuser ni les célébrer. L’époque et les circonstances du milieu d’où venaient nos héros , ne leur ont guère laissé de choix » , souligne-t-il . Ajoutant encore : « Tout ce que l’on peut faire, c’est tenter de comprendre : Nous sommes confrontés à une tragédie classique, où nul n’a raison et nul n’est coupable . (…) Dans mon approche cinématographique, je ressens de la douleur pour eux tous, les forces spéciales qui ont tenté de sauver les otages, les membres d’équipage qui ont péri, les passagers, et les terroristes amateurs qui ont détourné l’avion parce que leur quotidien était devenu étouffant. Pourtant, leur action demeure injustifiable… » . Une approche intime et collective ( la  belle scène du mariage …) des individus , et une esthétique qui épouse les tonalités des films des pays de l’Est des années 1970 , accentuée par les tonalité des couleurs froides , comme reflet réaliste d’un  vécu quotidien …des «  sans espoir ».
Plus de trente ans après , en revenant sur cette tragédie et sur les séquelles et les plaies restées encore vives dans les mémoires et par son travail d’enquête dont il se fait l’écho , son film fait mouche. A découvrir …

( Etienne Ballérini )

HOSTAGES de Rezo Gigineishvili – 2017- Durée : 1h 44-
Avec : Tina Dalakishvili , Irakli Kvirikadze, George Tabidze, Giorgi Grdzelidze , Giga Datiashvili , Georgi Khurtsilava …

LIEN : Bande-Annonce du film HOSTAGES de Rezo Gigineishvili .

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