Je me souviens de Jeanne Moreau
D’abord je me souviens de ta voix : voix sensuelle tôt voilée par la cigarette, une voix féminine, grave, légèrement voilée. Comment oublier ce timbre si particulier ? À tes débuts, ta voix avait quelque chose de plus aigu. Mais on entendait déjà poindre des sonorités que tu laissais entendre vers la fin. Ta voix laissait apparaître une fausse candeur et une vraie sensualité, cette voix à la fois grave et caressante, ensorcelante, troublante, qui condensait ce qu’elle était.

Ensuite je me souviens de ta voix, précisément, dans cette chanson : Elle avait des bagues à chaque doigt/ Des tas de bracelets autour des poignets/ Et puis elle chantait avec une voix/ Qui, sitôt, m’enjôla. Tu chantais ça dans « Jules et Jim ».
Je me souviens qu’Oskar Werner – qui jouait le rôle de Jim–doit être content de te revoir puisqu’il t’attend depuis 1984. Par contre Jules – Henri Serre – doit être triste.
Je me souviens que « Jules et Jim » est un film de François Truffaut, sorti en 1962. L’histoire qu’il nous raconte peut se raconter n’importe quand : Paris, avant la 1ère guerre mondiale. Jim, un Français, et Jules, un Autrichien, sont des amis inséparables. Ils tombent amoureux de la même femme, Catherine, mais c’est Jules que Catherine épouse. Après la guerre, Jim rejoint le couple en Autriche. Catherine avoue qu’elle n’est pas heureuse avec Jules, lequel accepte que sa femme prenne Jim pour amant. Mais Catherine est éternellement insatisfaite et change sans cesse d’avis sur son choix amoureux. Moderne, non ?.

Je me souviens que le film porte des références à Pablo Picasso, puisque Truffaut à placé dans le film 13 reproductions de tableaux, mais aussi qu’il est un remake de Remake de Sérénade à trois d’Ernst Lubitsch.
Je me souviens que le cinéma a évoqué dans plusieurs œuvres ce film notamment dans Les demoiselles de Rochefort de Jacques Demy. Solange (Françoise Dorléac) ouvre la porte et découvre les forains, elle leur dit en s’amusant « voilà Jules et Jim »
Je me souviens d’un autre film culte dont la chanson était interprétée par toi : « India Song », de Marguerite Duras. Chanson, / Toi qui ne veux rien dire / Toi qui me parles d’elle / Et toi qui me dis tout / O toi / que nous dansions ensemble.
Je me souviens que tu as joué dans plus de 130 films, dont, outre Jules et Jim, Ascenseur pour l’échafaud, Le Journal d’une femme de chambre, Viva Maria ! La Mariée était en noir, (encore Truffaut) les Amants, La vielle qui marchait dans la mer…
Je me souviens d’ « Ascenseur pour l’échafaud », film policier de Louis Malle sorti en 1958 et dont la bande son se trouve sur un album culte du même nom : au saxophone ténor Barney Wilen, René Urtreger au piano, Pierre Michelot à la contrebasse, Kenny Clarke à la batterie et Mileses Davis à la trompette. Excusez du peu.

Je me souviens que tu as découvert le monde des musiciens lors du tournage de ce film. « Je me suis retrouvée un soir avec Miles Davis, le contrebassiste Pierre Michelot, le pianiste René Urtreger et le batteur Kenny Clarke. Miles a composé la bande originale en une nuit. A l’époque, j’adorais le jazz. Cet univers m’a enchanté« .
Je me souviens que tu retrouve Louis Malle également en 1958 avec « Les Amants ». Ici la bande son est –excusez encore du peu- le sextuor n° 1 de Brahms. Aimez-vous Brahms ?.
Je me souviens que La scène finale, très dénudée pour l’époque, provoqua un scandale dans les milieux catholiques, qui essayèrent de faire interdire le film, au festival de Venise lui reprochant surtout de montrer un adultère vécu avec plaisir. Le film remporta néanmoins le prix spécial du jury. Le film est totalement censuré en Grande-Bretagne. Aux États-Unis, l’enchaînement de procès qui suivit l’exploitation amena la Cour Suprême à définir en 1964 ce qu’était la pornographie à l’écran, exonérant le film de ce qualificatif.
Je me souviens que tu as côtoyé pendant ta carrière de grands noms du cinéma européen et américain, parmi lesquels Luis Bunuel, Théo Angelopoulos, Wim Wenders, Rainer Werner Fassbinder, Michelangelo Antonioni, Joseph Losey, Orson Welles…

Je me souviens qu’en octobre 1946 tu entre comme auditrice à la Comédie Française puis début 1947, tu passes le concours d’entrée au Conservatoire tout en jouant un petit rôle dans Le Lever de soleil. En septembre 1947, tu participes au premier festival d’Avignon, avec des petits rôles dans trois pièces dont Richard II). De retour au Français, tu obtiens en décembre 1947 le rôle de Joas dans Athalie. Pensionnaire de la Comédie-Française, c’est à la suite de la publication d’une photo de toi dans la pièce Un mois à la campagne que ton père te mets à la porte de ta maison.
Je me souviens du mois de décembre 1987 où j’ai pu te voir dans « Le récit de la servante Zerline », d’Hermann Broch dans une mise en scène de Klaus Michaël Gruber, au Centre Dramatique National de Nice. Femme de chambre vieillissante – mais toujours flamboyante –, Zerline a tout perçu, tout compris, tout retenu de la vie de ses maîtres. À première vue, elle a sacrifié ses projets de vie personnelle (un mariage avec enfants…) pour s’occuper, dans l’ombre, de l’existence des autres. Mais les choses ne sont jamais si tranchées, et son récit n’éludera aucun détail. Au service pendant trente ans de Mme la baronne, Zerline a espionné sa relation adultère avec le libertin von Juna, dont est née Hildegarde, que le baron considère comme sa fille.
Je me souviens qu’il ne faut pas oublier la voix (voir début de l’article). 6 albums. En 1963, tu chantes 12 chansons de Cyrus Bassiak (pseudo de Serge Reggiani) 12 nouvelles chansons de Cyrus Bassiak en 1966, 1967 : Les chansons de Clarisse, 1969 : Jeanne chante Jeanne, 1981 tu chante Norge (1898 – 1960 poète francophone belge) en 2010, avec Etienne Daho, « Le condamné à mort » de Jean Genet.
Je me souviens aussi de ta voix à la radio :
1953 Le hussard sur le toit– adaptation radiophonique – André Bourdil d’après le roman de Jean Giono
2007 sur France Culture pour le Festival d’Avignon : Quartett, reprise des Liaisons dangereuses
2014 sur France Culture : Eva ne dort pas, scénario de Pablo Agüero, Grand prix Sopadin du meilleur scénariste.

Je me souviens que tu a été a deux reprises ( 1975 et 1995 ) présidente du jury au Festival de Cannes . En 1975 , la Palme d’or a été attribuée à La Chroniques des Années de Braise de l’Algérien Mohammed Lakhdar Hamina , et en 1995 c’est Emir Kustirica qui a remporté la Palme pour son Underground .
Je me souviens que, présidente du jury du festival international Premiers Plans d’Angers* en 2003 tu en es restée la fidèle marraine. Tu en as assuré elle-même la direction artistique du festival, proposant, les années suivantes, des rétrospectives (Louis malle, Ingmar Bergman). Tu retournais régulièrement à Angers pour diriger l’école de formation que tu as crée sous le nom « Les Ateliers d’Angers ».
Je me souviens de ton rôle de Maheut d’Artois dans l’adaptation télé des Rois Maudits, en 2005, réalisée par José Dayan, avec entre autres Philippe Torreton et Jeanne Balibar.
Je me souviens que tu assumais ton âge et n’avais pas besoin de lifting alors que certaines, si.
Je me souviens que tu es née en 1928 dans le 10ème arrondissement de Paris.
Je me souviens que ton corps sans vie est retrouvé par ta femme de ménage au matin du 31 juillet 2017.
Je me souviens de toi, Jeanne Moreau. Je me souviens de toi.
Et tous deux on est reparti
Dans le tourbillon de la vie
On a continué à tourner
Tous les deux enlacés
Tous les deux enlacés.
Jacques Barbarin
*Le Festival Premiers plans d’Angers est un festival de cinéma annuel consacré aux premières œuvres cinématographiques européennes, il met en compétition une centaine de premiers films européens. Les premiers films de jeunes réalisateurs sont ainsi mis en lumière. Parallèlement à la compétition, il permet de redécouvrir de grandes œuvres du patrimoine cinématographique.
LIENS: après le texte ci- dessus , pour prolonger la compagnie avec la grande dame et comédienne qui vient de nous quitter et qui voulait qu’on l’appelle : « Mademoiselle ». Mademoiselle donc, vos films et votre souvenir accompagneront longtemps notre mémoire se cinéphiles…
–JULES ET JIM de François Truffaut : Séquence » Le tourbillon de la Vie « .
–ASCENSEUR POUR L’ECHAFAUD de Louis Malle ( Bande -Annonce )
–LES AMANTS de Louis Malle ( Bande-Annonce )
–EVA de Jospeh Losey ( Bande -Annonce )
–LA BAIE DES ANGES de Jacques Demy ( Bande -Annonce )
–LE JOURNAL D’UNE FEMME DE CHAMBRE de Luis Bunuel ( Bande-Annonce )
–MADEMOISELLE de Tony Richardson ( Bande-Annonce )
–VIVA MARIA de Louis Malle ( Le « duo » chanté par Jeanne Moreau – Brigitte Bardot )
–QUERELLE de Rainer Werner Fassbinder ( Bande-Annonce )
-LE PROCES d’Orson Welles ( Bande-Annonce )
–CET AMOUR LA de Josée Dayan ( Bande-Annonce )
–DESENGAGEMENT d’Amos Gitaï ( Bande -Annonce )
–UNE ESTONIENNE A PARIS de Ilmar Raag ( Bande-Annonce )
–FESTIVAL DE CANNES 1995 : Vanessa Paradis et Jeanne Moreau : « Le tourbillon de la vie »
–FESTIVAL DE CANNES 1995 : Jeanne Moreau Présidente ( Archive Vidéo INA ) …..
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