Alors, quelles sont les compagnies « d’ici » présentes à l’édition 2017 du Festival d’Avignon ? (7 au 30 juillet) Y en a, et que du nanan, parole de chroniqueur. Pour n’offenser personne, nous choisirons le classement alphabétique.
Et à l’aune de ce classement c’est l’Attraction Compagnie qui s’y colle en présentant Sleeping point. Quézaco ? A l’époque de Shakespeare, lorsque, derrière le rideau de scène, les acteurs s’apercevaient que les spectateurs s’assoupissaient un peu, ils disaient : « sleeping point, sleeping point ! », et ils envoyaient sur scène un accessoire afin de raviver l’intérêt et la curiosité des spectateurs. Ici, il va s’agir de l’œuvre de Shakespeare vu par le prisme d’un personnage singulier et imaginaire, vu par le petit bout de la lorgnette, un personnage qui tient à la fois du gardien des décors et de l’accessoiriste, accessoirement d’intervenant, un stage keeper (gardien de scène). « Sleeping point » d’après les œuvres de William Shakespeare et des extraits du texte de Philippe Avron « Les fantômes de Shakespeare » Adaptation, écriture et mise en scène Régis Braun et Jean -Jacques Minazio – Avec Jean -Jacques Minazio. Vu au TNN et Théâtre de la Cité.
Théâtre du Centre 13, rue Louis Pasteur Avignon 06 64 91 55 67 http://www.theatreducentre-avignon.com
Implantée plus de dix ans à Nice, le Collectif 8 explore le métissage entre le théâtre, les arts visuels, la création numérique et musicale. Gaële Boghossian et Paulo Correia sont à l’origine de la création d’une quinzaine de spectacles qui proposent une hybridation entre théâtre et cinéma, utilisant la création vidéo et multimédia au service de la dramaturgie. Autour de ce duo, de nombreux artistes, comédiens, plasticiens, compositeurs, se fédèrent au service d’un projet et d’une démarche artistique forte et affirmée. Depuis 4 ans, cette compagnie est présente au festival d’Avignon.
Collectif 8 présente « Marginalia » de Gaële Boghossian d’après Edgar Allan Poe. Il s’agit d’une recréation du « Double assassinat dans la rue Morgue« , créé au TNN en 2012. J’ai vu en son temps ce « Double assassinat… », et ne peux que vous recommander le travail de Collectif 8.
13h30 à l’Entrepôt, 1 ter bvd Champfleury 04 90 86 30 37 Avignon hors les murs, derrière la gare centrale.
Connaissez- vous Les Enfants terribles ? C’est une troupe d’ados que dirige Numa Sadoul, issus de ses ateliers théâtraux de St Paul de Vence. Ils sont là pour leur dixième anniversaire avec une pièce d’Oscar Wilde, Salomé. La pièce –sulfureuse-en un acte, repose sur l’épisode biblique de Salomé, belle-fille du tétrarque de Galilée Hérode Antipas. A la consternation de son beau-père, mais au grand plaisir de sa mère Hérodias, Salomé demande qu’on lui apporte la tête de Iokanaan (Jean le Baptiste) sur un plateau d’argent comme récompense pour avoir exécuté la danse des sept voiles. Numa Sadoul, à la barre du vaisseau, tire des bords à loisir : si le cap général est la tragédie épico-biblique (à moins que cela ne soit l’inverse) il sait virer lof pour lof vers le burlesque (et cela est tout simplement dans le texte) ou vers un théâtre symbolico-poétique. Il sait très bien que l’important n’est pas ce que le texte veut dire, comme le présuppose les épigones insensés, mais ce que le texte peut dire. Numa est expert pour faire ressortir tous les fumets de ce chaudron magique qu’est une mise en scène, de théâtre ou d’opéra. Vu au TNN.
Collège de la Salle 2, rue pasteur Avignon 01 40 25 09 06 du 8 au 30 juillet, 21h30 programmationlasalle@orange.fr
La compagnie Gorgomar, implantée à Nice depuis 2007 sous la direction de deux artistes : Aurélie Péglion et Thomas Garcia, présente « Monsieur Mouche » (de et par Thomas Garcia). Monsieur Mouche est factotum, l’homme à tout faire. Mais il fait quoi ? La plupart du temps rien. Il attend qu’on ait besoin de lui pour changer une ampoule, graisser une porte. Cela laisse du temps pour s’amuser… Son temps il le passe à faire de la musique et chanter des chansons.
De la famille des grands naïfs, Monsieur Mouche est un concentré d’optimisme. Il nous conduit dans son univers burlesque avec une maladresse hilarante. Impossible de ne pas penser à Jacques Tati. Au demeurant, « Monsieur Mouche » est un personnage de Peter Pan. Il s’agit d’un personnage burlesque, drôle, simple. Vu au Théâtre de la Cité.
20h30 à l’Espace Saint Martial, 2 Rue Jean Henri Fabre (angle de la rue des Lices et de la rue de la République) Avignon www.saint-martial.org/
La compagnie Miranda est l’une des plus anciennes de Nice (plus de 20 ans au compteur) avec peu ou prou une création par saison. Elle gère depuis sept ans le Théâtre de la Cité. Elle nous présente « Dom Juan et les clowns » Voici la rencontre entre l’univers baroque de Miranda et d’un grand maître de l’art du clown, Mario Gonzalez, au service de l’œuvre intemporelle de Molière, le tout accompagné par le Théâtre National de Nice. Un Dom Juan version burlesque ! Le burlesque vise le rire à partir de thèmes sérieux, parfois tragiques. Le rire est même l’élément déclenchant, cathartique qui nous permet de regarder le monde avec un œil neuf, complice. Alors, le clown, perdu dans le monde comme dans un cabaret burlesque est peut-être le meilleur représentant « théâtral » de cette mécanique humaine, ridiculement caricaturale et tragique. Vu au TNN.
15h20 La condition des soies, 13, rue de la croix 04 32 74 16 49 Avignon www.conditiondessoies.com
Implantée dans la région depuis une quinzaine d’années, la Compagnie Nouez-Vous (nous et vous ?) présente un spectacle que je ne saurai trop vous recommander, « Le Horla » adapté de la nouvelle de Guy de Maupassant. La nouvelle Le Horla est un journal intime où le narrateur rapporte ses angoisses et divers troubles. Il sent progressivement, autour de lui, la présence d’un être invisible qu’il nomme le Horla. Dans cette adaptation, la scénographie entre en relation constante avec l’univers mental du « héros » : un intérieur « cossu » que nous imaginons intérieurement évoluer avec l’évolution du récit. A louer également l’interprétation sensible d’Eric Fardeau. Il est véritablement au diapason du texte, il en épouse toutes les phases. Il est le médium entre nous et le narrateur, voire entre nous et le Horla. Vu au Théâtre de la Cité.
18h40 au Théâtre de la Carreterie 101-103, rue de la Carreterie Avignon 0667978311
La compagnie Oléa présente « Bar », de Spiro Scimone, né en 1964 à Messine, grand port du Nord-Ouest de la Sicile. Il est avant tout un homme de théâtre, acteur et metteur en scène, ce n’est que secondairement qu’il s’est lancé dans l’écriture dramatique: et c’est en homme de théâtre qu’il conçoit sa dramaturgie, à l’instar des Goldoni, Gozzi, De Felippo ,Dario Fo, Ascanio Celestini, ce qui correspond à une certaine tradition italienne de l’écriture théâtrale. « Bar », c’est 4 jours de la vie de Nino et Petru. Dans l’arrière-salle d’un zinc peu fréquenté ; l’un rêve de servir des cocktails dans un établissement de catégorie supérieure, l’autre, au chômage, fricote avec la petite mafia et perd invariablement aux cartes. Deux losers blottis dans le bar où ils ont échoué. Il y a du Beckett dans ces deux petits personnages là : ils n’attendent pas Godot mais « quelque chose » dans laquelle ils ont désespérément foi et dans cette désespérance ils sont touchants. Vu au Théâtre de la Cité.
22h05 Théâtre du Girasole 24 bis rue Guillaume Puy Avignon 04 90 82 74 42 http://theatredugirasole.fr
Il y a bien sûr d’autres spectacles faits par des compagnies « d’ici », mais je ne vous ai parlé que de ceux que j’ai vus. Néanmoins, si je n’ai pas vu l’adaptation de La religieuse de Diderot, je me porte garant de la compagnie qui présente ce spectacle, le Collectif 8, dont j’ai parlé supra. Ils sont à 17h15 La condition des soies, 13, rue de la croix 04 32 74 16 49 Avignon www.conditiondessoies.com
Idem pour la compagnie Alcantara dont j’ai vu en sons temps Trois femmes grandes d’Edward Albee. Elle présente Un jour ça casse à 17h30 au Théâtre de la Carreterie 101-103, rue de la Carreterie Avignon.
Et maintenant, à vous de jouer !
Jacques Barbarin
Idem