Le cinéaste révélé par More ( 1969 ) est parti en Birmanie à la rencontre de Wirathu ce moine Bouddhiste fanatique qui prêche la haine contre les musulmans. Et en retrace au travers de son portrait-entretien et de nombreux documents inédits , les effets du funeste discours de manipulation idéologique qui a entraîné xénophobie et massacres ethniques . Edifiant …

Après ses portraits sur le Général Ougandais( Général Idi Amin Dada, autoportrait (1974) et celui sur l’avocat Jacques Vergez ( L’avocat de la Terreur / 2007) , le cinéaste conclut ce qu’il appelle sa « trilogie sur le mal » par le portrait de ce vénérable Wirathu, moine Bouddhiste autre représentant d’un mal révélateur. Celui qui se propage au travers des religions détournées de leurs fondamentaux, de leurs » idées fondatrices » … pour être exploitées à des fins xénophobes et racistes . Le cinéaste , qui , dès sa jeunesse avait été fasciné par cette religion « fondée sur un mode de vie pacifique, tolérant et non-violent » s’est retrouvé interpellé par le virage fanatique que lui a été donné au seuil des années 2001 par ce moine , appelant par ses discours de haine à l’extermination de la minorité Musulmane ( 4 % de la population ) et notamment de la minorité des Rohingyas . Au point qu’un rapport de la faculté de droit de Yale avait , en son temps , alerté les Nations unies d’un début de génocide en Birmanie et leur demandait d’intervenir !. Ce ne fut pas le cas , et l’embrasement ne manqua pas de se produire . L’une des premières séquences du film donne d’emblée froid dans le dos où le « vénérable » (?) Wirathu , les compare face caméra « à des animaux sauvages qui se reproduisent comme des lapins , se dévorent entr’eux et détruisent l’environnement » . Justifiant dès lors , chez les moines Birmans , l’idée de se défendre « afin de protéger la race » …un discours qui trouvé son prolongement dans l’un de ses livres « la peur de la disparition de la race » …

On ne manquera pas de faire référence ( et de nombreux articles de presse ne s’en sont pas privés , suite aux émeutes meurtrières qu’il a attisées par ses discours ) à la théorie hitlérienne de la race , titrant : « le Hitler Birman ». Barbet Schroeder a donc trouvé , après des projets qui n’ont pu aboutir ( sur la Ditcature Khmer rouge , et sur Les escadrons de la mort en Argentine ) , le personnage idéal pour sa trilogie du mal . Et , fidèle à son regard objectif , il mène son enquête, interroge celui qui fut son maître , U. Zanitar qui fut accusée de la « préparation des émeutes » , avec son élève mais dont la plupart des observateurs proclament son innocence . Ainsi que U. Kaylar Sa, qui lui , participa la révolution de 1988 , puis fut un des cinq leaders de la révolution de Safran de 2007 . Il interroge les observateurs étrangers ( comme Matthew Smith le journaliste Américain auteur de nombreux rapports sur la situation en Birmanie pour l’Observatoire des droits de l’homme , et publiés dans de nombreux journaux ) , et Abdul Rasheed le musulman Rohingyas dont la possibilité de siéger à l’assemblée nationale fut barrée par l’impossibilité de se présenter aux élections …entérinée par Aung San Suu Kyi !. Mais bien sûr , c’est dans l’habileté de l’approche de Wirathu que Barbet Schroeder fait montre de son art pour en faire sourdre , la nécessaire authenticité révélatrice …

On ne résiste pas à vous relater comment dans le dossier de presse du film , il en révèle les dessous de l’aventure « Après six mois d’intenses recherches dans le secret le plus absolu , nous avons pris des visas de touristes …et établi une base dans un hôtel moderne et j’ai fini par rencontrer Wirathu et lui proposer cette aventure . Il a voulu savoir pourquoi je voulais faire ce film. Je lui ai répondu que Marine Le Pen partageait beaucoup de ses idées , et que si elle arrivait au pouvoir , elle ferait sans doute appliquer des lois semblables à celles qu’il venait d’arriver à faire voter dans son pays. En fait la réponse que j’avais donnée à Wirathu etait assez proche de la vérité , car c’était en effet des problèmes occidentaux dont je voulais parler , en approchant un personnage dont le Bouddhisme était avant tout Nationaliste et Populiste . Une foi sur place j’ai donc compris que nous avions beaucoup à apprendre des Bouddhistes extrémistes . Les « axes du mal » et les Populismes n’ont pas de frontières . Je voulais comprendre comment ce genre de paroles provoquaient des passages à l’acte … » , explique le cinéaste . Et de cette approche du personnage qui dès lors se révèle sans fards sa vraie nature , qui renvoie à cette image symbolique de la « braise rougeoyante » , et à ce « ver » qui sort du fruit pour semer la désolation par les émeutes, les exactions ( les terribles scènes de lynchage ..) et les incendies des maisons et des mosquées des Musulmans…

C’est cette partie du film qui laisse quasiment pantois et bouche bée le spectateur qui se retrouve face à de nombreuses images inédites où l’on voit non seulement ces terribles instants où l’armée et la police …laissant faire les émeutiers .Le film qui se fait constat sur une situation d’embrassement de violence , en même temps que des jeux de pouvoirs politiques « les militaires pour lesquels W avait fait campagne , et son ennemie mortelle Aung San Suu Kyi qui a été rapidement dépassée par la situation et a fini , surtout après Octobre 2016 , par défendre les exactions des militaires (…) et les bouddhistes extrémistes continuant d’organiser leur mouvement « Ma Ba Ta » , en essayant peut-être avec l’aide des militaires de devenir les arbitres de l’échiquier du pays . La situation était devenue intenable , nous nous sommes rendus compte que l’influence modératrice de Aung San Suu Kyi avait disparu et que les militaires décident à nouveau de tout.. », constate Barbet Schroeder . La richesse de son film est là , dans la multitude des documents ( amateurs originaux, ou d’autres publiés sur internet…) par la légèreté du matériel et la qualité ( la caméra Sony ASY 4K) pour la restitution des scènes en lumière naturelle . Et un travail de montage ( Nelly Quettier ) organisant admirablement tout cela. Et la réflexion , plus que jamais , à l’ordre du jour sur ces idées haineuses qui se propagent à travers le monde et mettent en danger les démocraties et la paix . Et que dire des derniers échanges Internationaux en Avril 2017 , où, à la dénonciation par l’ONU de « crime contre l’humanité » envers les Rohingyas de la province d’Arakan , Aung San Suu Kyi rétorque en démentant tout « nettoyage ethnique »! .
Vous l’avez compris , le film de Barbet Schroeder est un film citoyen très important qui pose des questions essentielles sur le poids des extrémismes religieux, et sur l’avenir des démocraties . Un film à voir et à méditer … ne le manquez pas .
(Etienne Ballérini)
LE VENERABLE W de Barbet Schroeder – 2017 – Durée : Ih 40 –
Images : Victoria Clay Mendoza – Montage : Nelly Quettier – Musique : Jorge Arriagada
et la voix de Bulle Ogier .
LIEN : Bande -Annonce du Film , L’Honorable W de Barbet Schroeder .