Un homme , une femme , leur rencontre dans une ville , New-York. Une passion qui vire à l’échec. Mais un amour que l’on n’oublie pas , ravivé 17 ans plus tard par leurs retrouvailles, et un week-end de confidences , d’espoirs et de regrets mêlés. Le fantôme de la passion d’hier et d’un bonheur perdu . Et en miroir , le Montauk de Max Frisch dont le film est l’adaptation de son roman …

Le cinéaste du Tambour ( Palme d’or, Cannes/1979 ) adapté de Güntrer Grass , après plusieurs films à caractère historique ces dernières années comme son plus récent , Diplomatie (2016 ) revient à ses premières amours littéraires et des adaptations de grands romanciers qui ont marqué sa carrière et contribué à son succès . De Robert Musil ( les désarrois de l’élève Toerless/ 1966 ) qui le consacre comme un des cinéastes du renouveau du cinéma Allemand , en passant par Heinrich Von Kleist ( Michaël Kohlhass / 1969 ) , Marguerite Yourcenar ( Le coup de grâce / 1976) , Marcel Proust ( Un Amour de Swann/ 1984 ) ou Michel Tournier ( Le Roi des Aulnes / 1996 ) . Et c’est vers Max Frisch dont il avait adapté Homo Faber , en 1991 ( The Voyager ) , qu’il revient avec cette adaptation . Un désir qu’il dit avoir été longtemps retardé par , non seulement des problèmes de production, mais aussi de travail d’écriture « bien trop autobiographique et bien trop essayiste et difficilement adaptable cinématographiquement » , ce dont l’auteur Max Frisch ( à qui le film est dédié …) lui- même, en convenait lorsqu’il ont travaillé ensemble en 1991. Mais le projet resté vivace , le désir de ramener l’intrigue à sa simple expression, et la contribution à l’écriture du scénario de l’écrivain , Colm Toibin , a fini par aboutir . Lui offrant cette dimension intime souhaitée , dans laquelle tout un chacun peut se retrouver dont Max Frisch lui-même ,avait résumé ainsi l’idée : « quiconque jette un regard en arrière sur sa vie, a le sentiment que c’est un roman » …

Et de cette simplification là , le film y puisse sa force à la fois évocatrice, en même temps que la complexité des sentiments qui s’y joue . Ceux qui ont quelque chose à voir avec ce que l’on a fait, ou pas, de sa vie . Et ce qui , en fin de compte , peut en résumer l’échec ou la réussite. Le bilan , celui des regrets de ce que l’on a su – ou pas ,- accomplir . C’est au cœur de cette réflexion que s’inscrivent donc les retrouvailles New-Yorkaises de l’écrivain devenu célèbre , Max Zorn ( Stellan Skarsgârd ) et de Rebecca ( Nina Hoss ) dix sept après y avoir vécu une grande passion qui les a , à jamais marqués . Mais quand les vies se séparent , les destinées renaissent chacune de leur côté , laissant flotter ces regrets de ce que l’on a pas su faire … pour faire perdurer cette passion . C’est ce remord et le manque qui s’y attache , qui taraudent Max , ayant pourtant refait sa vie , avec Clara ( Susanne Wolff) depuis plusieurs années . Mais dont le retour dans la ville où il a vécu cette passion , en réveille le désir. Comme une obsession , il ne pourra s’en défaire sans la confronter au présent . La présence de certains amis communs , invités à ses conférences littéraires et autres cocktails qui s’ensuivent , ne fait que la raviver un peu plus . La distance se crée imperceptiblement avec Clara qui ressent son malaise , tandis que Rachel ( Bronagh Gallagher) son attachée de presse qu’il chargée de retrouver Rebacca , s’active en coulisses …

Mêlant la description d’un certain milieu intellectuel des salons New-yorkais où Max retrouve son ami d’enfance fortuné et collectionneur ,Walter ( Niels Arestrup ) qui l’a aidé jadis dans ses études. Et qui , désormais «papillonne » dans ce milieu « bobo » dont le cinéaste se plait , par petites piques bien senties , à traduire les apparences d’une certaine futilité et arrogance qui le caractérise. Rebecca devenue femme indispensable d’un grand cabinet d’avocats d’affaires , en descendant les escaliers à la rencontre de Max , descendra en même temps du piédestal sur lequel , il l’avait placée . Pourtant il ne renoncera pas et continuera à la solliciter , bien décidé à saisir l’opportunité de faire ce qu’il n’avait pas su … jadis. Encouragée par une amie , Rebecca cède, et voilà que le fameux rendez-vous à Montauk , va pouvoir se concrétiser. Un week-end en tête- à -tête dans ce petit village de pêcheurs au bout de Long Island , dans une villa au bord de la mer , la plage immense , et l’horizon à perte de vue. Au cœur de ce paysage et décor magnifique , Volker Schlöndorff a choisi d’y inscrire, la simplicité d’un cinéma classique où la présence des superbes décors ( De new-york , de Montauk ) , n’est pas l’essentiel pour le cinéaste : « l’essentiel , c’était les gens sur cette toile de fond , leurs émotions, leurs regrets sur les occasions manquées » , explique-t-il . Et ce qui le souligne, aussi , au delà des images via la bande-son qui les accompagne dans la diversité des ressentis ( Dylan , Malher , et la musique originale signée Max Richter ) dans le lieu-dit de « fin de terre » ( Montauk en amérindien signifie … fin de terre ).

C’est là que va se dérouler la confrontation où les souvenirs se mêlent avec les confidences des joies et des peines trop longtemps retenues , qui les accompagnent . On y semble par moment en suspension comme entre deux espaces- temps où le passé et le présent s’entrechoquent . Comme si les fantômes d’hier resurgissaient , puis se retrouvant confrontés au présent , révèlent la distance des vieux amants à la recherche du bonheur enfui …et l’espoir insensé chez Max de le voir renaître . Magnifique la scène où Rebecca confie à Max , la douleur profonde de la perte de son premier amour , mort jeune . Comme son désir d’avoir des enfants resté inaccompli … Rebecca et Max , remuant au présent , les « madeleines » des souvenirs. Et La distance imperceptible qui s’y insinue. Porté par le magnifique couple de comédiens qui l’incarne ( Nina Hoss et Stellan Skarsgârd ) , le film dans la simplicité classique de sa mise en scène , laissant sourdre des espaces insoupçonnés , y inscrit la beauté tragique d’un amour et d’un bonheur à jamais , perdu …
(Etienne Ballérini)
RETOUR A MONTAUK de Volker Schlôndorff -2017- Durée : 1h 47-
Avec : Nina Hoss, Stellan Skarsgârd , Niels Arestrup , Bronagh Gallagher, Susanne Wolff, Robert Seeliger , Isi Laborde …
LIEN : Bande-Annonce du film : Retour à Montauk de Volker Schlöndorff.