Peut-on échapper au déterminisme social ?. De son lycée Bourgeois Parisien , au foyer où il se retrouve placé suite à la mort de sa mère , Nassim le héros du film joue en funambule, à cache-cache , pour tenter de s’y soustraire. Rejet , honte, culpabilité, échecs au coeur d’un récit palpitant et sensible …

C’est au lycée qu’on retrouve Nessim ( Khaled Alouach, trè bien) en osmose avec ses copains et copines, échangeant leurs plans de futures sorties et divertissement . Un groupe qui semble soudé au cœur duquel avec son joli minois et son élégance séduisante , il rayonne. Cut. Et changement décor , le domicile familial où il retrouve une mère dépressive abusant de médicaments de toutes sortes , et qu’il doit invectiver une fois de plus « combien de fois je t’ai dit d’arrêter ? , t’as vu dans quel état ça te met ? ». Nassim qui , compte tenu des circonstances , doit gérer un quotidien difficile en l’absence d’un père qu’il n’a pas connu . Son bol d’air, ce sont les sorties avec les potes, au retour de l’une d’elle, la tragédie qui lui tombe dessus : il retrouve sa mère morte ! . Et le voilà suite au refus ( oncles , tantes… ) placé en foyer ; où il doit rentrer tous les soirs … habité par la culpabilité , comme le reflète son réflexe d’écouter le dernier message laissé par cette dernière, sur son portable . Ou encore cette évocation qu’il en fera, au lycée, au travers de son exposé sur le poème de Baudelaire, Le Revenant. Le Foyer et ses contraintes, et ces jeunes qui y vivent auxquels , dans un premier temps , il refuse de se rapprocher par crainte d’ être assimilé à l’échec qu’ils représentent . Comme semble vouloir y conduire irrémédiablement ces dossiers où les antécédents de chacun des jeunes du foyer, y sont confiés . Et finissent par devenir des « armes à charge » et des freins pour pouvoir s’en sortir …

C’est sur cet aspect que le cinéaste a souhaité , avec sa co-scénariste Christine Paillard, construire un récit emblématique , en forme de « parcours initiatique » qui va « le changer , lui permettre de grandir » , dit-il . Le cinéaste s’est appuyé sur le vécu d’un parcours similaire dont il a été amené à traverser les mêmes épreuves, évoquées dans son premier film 17 Rue Bleue / 2001) son premier long métrage . Mais, refusant à nouveau de verser dans l’autobiographie , il va en faire une fiction , la « nourrissant de l’apport des ateliers faits avec les jeunes des foyers » , pour décrire , et plus globalement » rendre hommage a tous les enfants et adolescents du foyers…et aux personnels d’éducation » . Et c’est cette double inter-connexion qui fait la richesse du film. Dans ce qu’elle traduit à la fois de la « dualité » de Nessim dans son double-jeu entretenu entre les deux « mondes » dont au bout du compte , il tire de l’expérience ( du bon et du mauvais ) qui y découvre, ce qui lui permettra de construire son propre destin . C’est la belle idée et l’originalité du récit en forme de va -et -vient entre les deux univers. Puis , au delà de sa propre expérience, faire sourdre ce qui fait le quotidien de ce foyer , le vécu et le ressenti des jeunes blessés de la vie qui s’y retrouvent, comme de ceux qui le dirigent . A la fois , décrire les limites de ces lieux , de leurs fonctionnements , des contraintes, de l’amertume , le mal de vivre et la révolte qui y bouillonne. Mais aussi au cœur de celui-ci que découvre Nessim , dire aussi la vitalité et la solidarité qui peuvent s’y inscrire …

Et le va- et- vient entre les deux univers , est passionnant . Qui permet au cinéaste de brosser un portrait en miroir de deux mondes dans lesquels le mensonge et la révolte servent de moteur à Nessim , pour tenter de s’élever au -dessus des barrières qui le freinent. C’est par son regard qu’on les perçoit , et par ce qu’il va y prendre où rejeter. Y prendre par exemple le « bon » avec la famille Bourgeoise d’Eva ( Alexia Quesnel ) et se ses parents . Furieux que sa petite amie le démasque et le dise à ses amis du lycées qui vont – un moment – lui tourner le dos , avant de les reconquérir en leur racontant ce qu’il a vécu et l’épreuve traversée. Et puis du côté de ce foyer qui deviendra son quotidien , Chad Chenouga qui va pointer les manques d’un fonctionnement rigide qui bride ou stigmatise ( les dossiers … ) de ces jeunes qui n’ont pas besoin de ça , pour se sentir encore un peu plus stigmatisés . Il y souligne aussi le travail difficile des éducateurs devant faire avec les moyens alloués , et surtout , via le portrait de Madame Cousin ( Yolande Moreau , toujours formidable !) l’autorité bienveillante et compréhensive mais parfois impuissante , envers Nessim et ses colères, ( et de ses camarades du foyer ) qu’elle a du mal à endiguer …

Il puis, il y a ces sensibles portraits des camarades de foyer envers lesquels Nessim finira par s’ouvrir , découvrant au fil des jours et des confidences à demi- mots , les fêlures de chacun « il se rend compte à quel point les autres gamins sont aussi marqués par leur passé » . Et une certaine solidarité qui va naître concrétisée par la scène de leur sortie en ville pour faire les courses, que complète celle du concours de danse qui les réunit encore un peu plus . On y ajoutera aussi deux magnifiques portraits de jeunes filles blessées aux comportements opposés qui vont ouvrir , un peu plus encore , le chemin à Nessim . La révoltée et indomptable Mina (Myriam Mansouri ) qui , d’une certaine manière , lui ressemble . Et puis celle de Zawady ( Jisca Kalvana ) la jeune noire bosseuse qui prépare ses examens et l’entraîne avec son énergie lui laissant entrevoir qu’il est possible de changer son destin…si on ne baisse pas les bras! . Celui que concrétisera la symbolique du geste libérateur final… qu’on vous laisse découvrir . Ne manquez pas ce portrait d’un jeunesse blessée faite par un jeune cinéaste et comédien talentueux , qui la connaît bien, et nous en propose un joli portrait réaliste, hors des clichés trop souvent répandus …
(Etienne Ballérini )
DE TOUTES MES FORCES de Chad Chenouga – 2016- Durée : 1h 38 )
Avec : Khaled Alouache , Yolande Moreau, Jisca Kalvanda, Myriam Mansouri, Alexia Quesnel ,Laurent Xu, Daoula Keita, Aboudou Sacko, Théo Fernandez…
[…] la question ne peut pas être évitée. » (Première, mai 2020).Yolande Moreau (Comédienne – De toutes mes forces, La Bonne Epouse qui ressort ce 22 juin- et réalisatrice, Henri). Elle écrit le scénario […]