Le célèbre guitariste et compositeur Tzigane Django Reinhardt, en pleine gloire déchaine les passions du public Parisien . Mais en pleine occupation Allemande , en cette année 1943, il va se retrouver confronté à une réalité : les rafles racistes. Et et à une décision à prendre : se soumettre au diktat de l’occupant Allemand … qui pour des raisons de propagande veut se servir de lui … ou , fuir , et faire de sa musique » de nègre… » que l’on veut brider , une arme de résistance…

C’est une « page » et un épisode qui n’est pas vraiment bien connu de la vie du grand guitariste , que le producteur ( notamment de Des Hommes et des Dieux de Xavier Beauvois et de Timbuktu d’Abderrrahmane Sissako ) , scénariste et cinéaste, dont c’est le premier film comme réalisateur , nous propose . Il est aussi un des rares avec Tony Gatlif et son remarquable Liberté / 2009 , à évoquer et porter à l’écran avec cet épisode de la vie de Django, les exactions racistes ( arrestations , assassinats , travail forcé , déportation dans les camps d’extermination…) dont ont été victimes les Tziganes par le régime Nazi , occupant la France. C’est dans ce contexte, que Django va se retrouver confronté à la tourmente . Les premières scènes du film , en installent habilement la montée dans un Paris occupé où ce dernier dont la célébrité a déjà débordé à l’étranger , triomphe sur scène . Galvanisant un public dans une salle où les civils encadrés de policiers et occupants , se laissent emporter par le rythme malgré les recommandations des affiches « ne pas danser, rester assis ». D’ailleurs il se fait attendre et préfère gouter le plaisir de la pèche et l’air libre, avant de se produire sur scène. Et se tenir à l’écart de cette pression qu’il sent monter , exercée par les officiers Nazis qui , pour « remonter le moral des troupes » au front, ont proposé à son entourage, une tournée en Allemagne …

Une pression et une « utilisation » d’autant plus insidieuse de sa notoriété que la musique qui est la sienne où les rythmiques du swing , des syncopes et autres accords ( mineurs?) qui la composent , se retrouvent pointés par le régime Nazi qui les interdit désormais lors des concerts . La dite « musique de singe » , n’étant pas à l’honneur chez les tenants de la race pure, « aryenne » !. Voilà l’artiste déstabilisé mais qui reste pourtant quelque peu en retrait , comme enfermé dans l’univers de sa création , ne mesurant pas le danger de ce qui se trame, et surtout qui l’exposerait , suite à un refus. Partageant encore avec ses amis , soirées festives , menant belle vie d’artiste … insouciant , et infidèle . Et c’est d’ailleurs sa maitresse, Louise ( Cécile de France) qui va le prévenir du danger dont se font l’écho ses amis , de certaines de rafles nocturnes. Et puis cette scène emblématique, d’u campement Tzigane dans la forêt, où le musicien aveugle qui n’a pas vu le danger venir , se fait assassiner , avec ses frères . Ce danger qui rattrapera le peuple Tzigane dont le cinéaste explique que : « pour les communautés tziganes , une guerre n’est jamais la leur . C’est celle des Gadjés ( les non-tziganes) . Les Tziganes , n’ont pas de territoire, pas de sentiments de propriété et leurs conflits se règlent à l’intérieur de la communauté » . Expliquant , ajoute le cinéaste , a début du récit et des événements , l’insouciance de Django » due à cette marginalité qui était la leur » qui pourtant les a rattrapés . Et fait , ajoute le cinéaste : « qu’aujourd’hui encore ils ont beaucoup de mal, contrairement à la communauté juive , à parler du drame qu’ils ont connu.. » . Pour cette raison , le superbe final du film sur lequel on revient ci-dessous, n’oubliera pas de l’évoquer ….

A ce danger Django , n’y échappera pas. Premier et sérieux avertissement avec cette scène ( glaçante ! ) de sa convocation à la police et son « fichage anthropométrique « , permettant de distinguer et ficher « les catégories raciales inférieures », qui entreront désormais dans le plan mis en place pour le S.T.O ( réquisition pour le travail obligatoire en Allemagne ) L’évidence plus que jamais de la nécessité de fuir et aller se mettre à l’abri en Suisse avec mère et femme , prés du Lac Leman . Mais la traversée de celui-ci qui se complique avec les rondes et la présence redoublée des Nazis , qui veillent a endiguer le flot des réfugiés. Les passeurs contraints de faire patienter dans les camps d’attente et sous surveillance de Thonon- Les- Bains. Django y retrouve des compagnons du voyage. Puis le camp que les autorités veulent évacuer sous la pression des officiers Allemands qui , face à la résistance des occupants , vont l’incendier. Django qui assistant de loin à la tuerie, rattrapé par un officier Allemand qui l’a reconnu le réquisitionnant pour assurer l’accompagnement musical de la soirée donnée en l’honneur des hauts dignitaires Nazis . Autant d’épreuves vécues qui l’on fai t sombrer dans les griffes d’un ennemi dont il vu , désormais, le vrai visage . C’est avec son arme , la musique devenue résistante , qu’il va s’éveiller ( en Tzigane Django , signifie « je m’éveille » ) , et leur donner une « leçon de swing » dont il se souviendront!. Superbe séquence doublement libératrice qu’on vous laissera savourer . Et ce final du récit de son retour dans la capitale Française , où il fera résonner le Requiem composé en mémoire de ses « frères tziganes », tombés sous les coups des barbares assassins. Même si la partition sauvée est partielle , ravivée par le film, elle fait résonner leur mémoire à tout jamais . C’est par les photos d’identités anthropométriques des tziganes Français victimes du gouvernement de vichy et de l’armée Allemande , accompagnant son Requiem, que se clôt le film …

On a apprécié, le réalisme de la description de la communauté Tzigane dans laquelle le cinéaste a puisé pour camper de nombreux rôles. Ceux musiciens du groupe de Django : le Hot club de France , ou ceux de la communauté du camp de Thonon. Ainsi que pour les rôles féminins . Ceux de la mère ( Bimbam Merstein , superbe « mama »! …) de Django , et celui de sa femme ( Beata Payla ). Saisissant , l’opportunité d’un clin d’oeil permettant d’évoquer l’importance du rôle des femmes dans cette communauté . C’est , enfin , un vrai et bel hommage que rend, Etienne Comar au musicien, qui , pour rester au plus près des faits réels, s’est servi des confidences de son petit-fils, David Reinhardt , afin de restituer de la manière la plus réaliste cette période mal connue de sa vie. Hommage auquel s’associe pleinement Reda Kateb , en phase totale avec son personnage dont il décline, avec une sensibilité investie d’une humanité généreuse et profonde, son interprétation . Il est Django, il le transpire par tous les pores de sa peau . C’est formidable. D’ailleurs ce ressenti à la projection à laquelle nous avons assisté, les spectateurs y ont étés sensibles , applaudissant spontanément, à la fin de la séance . Allez donc à la rencontre de DJango , vous ne serez pas déçus …
(Etienne Ballérini)
DJANGO d’Etienne Comar- 2017- Durée : 1h 56.
Avec Cécile de France, Reda Kateb , Beata Palya , Bimbam Merstein …
Lien : DJANGO d’Etienne Comar ( Bande-annonce du film )
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