Trois jeunes femmes Israëlo-Arabes , qui ont quitté les « carcans » de leurs villes d’origine pour Tel -Aviv en quête d’indépendance et de liberté , rattrapées par la morale sociétale qu’elle vont devoir affronter . Un regard juste et fort , trois superbes portrait de femmes. A ne pas manquer …

Elles s’appellent Layla ( Mouna Hawa ), Salma ( Sana Jamalieh) et Nour ( Shaden Kanboura ) , et sont au cœur d’un récit autobiographique dans lequel la cinéaste a largement puisé . Pour l’ouvrir plus globalement à la réflexion et sur le vécu de nombreuses jeunes femmes , et d’une Jeunesse dont les aspirations à s’épanouir librement , correspondent à une véritable volonté d’émancipation. Celle souhaitée par une nombreuse jeunesse et appuyée par la cinéaste , dont dit-elle , elle « permettrait de reconstruire et bâtir une société plus saine et plus heureuse (…) l’état d’esprit radical du printemps arabe a suscité pas mal de remous en Israël et en Palestine. Des millions de jeunes hommes et jeunes femmes ont exprimé leur ras-le- bol , et ont condamné l’oppression, le système patriarcal, la misogynie, la marginalisation sociale et l’homophobie… » , explique cette dernière. Les premières séquences de son film l’illustrent qui nous font pénétrer dans le bouillonnement de vie des soirées au cœur desquelles se libèrent ces élans et aspirations. On y suit deux d’entr’elles , Salma et Layla , qui ont franchi le pas et décidé de se laisser porter par leurs désirs. Elles sont co-locataires . L’une est avocate et l’autre DJ a ses heures, et travaille aussi dans un restaurant. Leurs attitudes ( elle boivent , fument …) et leurs apparences ( vestimentaires ) en sont le reflet extérieur qui , parfois , leur attire la réprobation ( la scène faite par son patron à Salma..) qui pointe certains rappels à l’ordre comportementaux à respecter . Et puis ces petits riens , ou ces regards croisés , qui en disent long sur les jugements qu’inspirent leurs comportements …

Le ton est donné , qui va s’amplifier encore avec l’arrivée de Nour , un compatriote Arabo-Palestienne qui – en attente de son futur mariage arrangé – sera leur co-locataire . Très vite malgré son voile marquant son attachement aux préceptes religieux , les deux jeunes femmes d’abord moqueuses , adoptent Nour dont elles voudraient la voir se débarrasser des carcans , et l’entraînent dans leur tourbillon . Pas facile de la dérider. ..par petites touches comme celles-ci , la cinéaste décrit avec justesse le poids des codes moraux et celui d’une éducation , qui séparent encore les chemins de Nour et de ses nouvelles amies . Mais lorsque son fiancé lui rend visite et commence à critiquer ses nouvelles leurs comportements « impurs » , et se fait insistant pour précipiter le mariage qui la soustrairait à leur influence. La voilà qui refuse et prend leur défense « elles ne font rien de mal !» . Par petites touches comme celles-ci , la cinéaste décrit avec justesse le poids des codes moraux et celui d’une éducation . Le quotidien qui en est pollué , va dès lors démontrer à nos trois héroïnes aux caractères différents ,mais bien trempés ,que le chemin à faire est encore long et semé d’embûches . Crises identitaires , nationales, ethniques, religieuses , sexuelles , discriminations et autres racismes et préjugés , y sont au cœur . Comme un cancer ou une gangrène . Le poids des mentalités est lourd à porter , faut-il pour autant renoncer et se soumettre « la place de la femme est au foyer » explique le fiancé de Nour qui veut aussi la contraindre à abandonner ses études . Même Layla et Selma et leurs copains et amis qui font dans la provocations finissent par être rattrapées…et devoir biaiser , ou se cacher . Pas facile de vivre au grand jour , par exemple son homosexualité affichée par certains de leurs amis . Mais pour autant faut-il donner le change ?…

La force du film est de décrire cette réalité et de pointer le véritable enjeu d’un combat où la liberté individuelle, est au cœur . C’est cet enjeu qu’il porte de bout en bout, en restant à hauteur des destinées qui en dépendent . Comme l’évoque la terrible scène où la jeune Dounia (Ahlan Canaan ) ayant invité une amie dans la maison familiale , va se retrouver chassée du définitivement du domicile , pour avoir et surprise dans « une attitude jugée immorale » avec cette dernière !. Autant que la décision, ce sont aussi les mots qui la justifient qui font froid dans le dos ! . Et dans la même tonalité, est pointée l’hypocrisie du fiancé de Nour, lui le prêcheur de la bonne parole et le défenseur des âmes et des comportements exemplaires… qui n’hésitera pas à s’en exclure !. Voilà l ‘homme qui se dit exemplaire mis face à sa duplicité confondue . C’est un autre moment fort du film. A l’intégrisme de ce dernier qui est pointé , c’est la réponse insoumise qui y fera front avec une belle réponse ( on vous la laisse découvrir …) collective de nos trois héroïnes . Réponse insoumise à laquelle fait référence la cinéaste dans le dossier de presse , comme étant « une volonté d’approche créative » assumée . Ajoutant que « soit on exprime ce que l’on ressent , soit on abandonne tout projet artistique (…) on ne peut pas mettre les problèmes sous le tapis (…) si on refuse de le secouer , on se retrouve enterré dessous (…) il y aura les répercussions , c’est le prix à payer, c’est pour ça que je veux faire des films » . Conclut-elle .

Et ses jeunes héroïnes dont elle raconte le quotidien des destinées , sont trois exemples significatifs des humiliations auxquelles elles vont être confrontées pour avoir osé défier les préjugés et les interdits . Trois caractères différents qui y sont confrontés , et trois magnifiques portraits sensibles . Leur solidarité en bandoulière portée par un même élan commun , suscité par Layla . Pour « forcer » le destin , comme l’explique la cinéaste : « Layla incarne notre alter ego , celle qui refuse le moindre compromis (…) son approche du féminisme est subversive et représente une menace : elle est belle , sexy , sensuelle, insoumise , déterminée , volontaire et rebelle (…) nous voulons tous être des Layla à notre façon, mais nous nous efforçons de garder cet aspect de notre identité au fond de nous » .
La cinéaste a trouvé pour l’accompagner dans son travail , un producteur – cinéaste : Shlomi Elkabetz ( le frère de l’immense et regrettée Ronit Elkabetz , décédée en Avril 2016) qui s’est associé au projet et lui a permis de le porter à terme : « il m’a guidée , il est le père de mon film ! ». Pas étonnant de le retrouver dans l’aventure, quand on connaît le travail fait dans le même sens avec les films ( Prendre Femme, Les Sept jours ou Le Procès de Viviane Amsalem ) co-réalisés avec sa sœur . Avec un tel parrainage, la réussite ne pouvait qu’être au rendez-vous …
(Etienne Ballérini)
JE DANSERAI SI JE VEUX de Maysaloun Hamoud – 2017- Durée : 1h 42.
Avec : Mouna Hawa, Sannah Jammalieh, Shadenk Kanbourra,Mahmoud Shalabi, Henry Andrawes, Aiman Daw , Ahlam Canaan….