Cinéma / L’HOMME AUX MILLE VISAGES d’Alberto Rodriguez.

Par le réalisateur du magnifique La Isla Minima ( 2015), son nouveau film- choc sur l’Espagne de l’après Franquisme. La politique, les attentats , Les trafics et le blanchiment d’argent . La corruption au plus haut niveau  et  un personnage manipulateur au coeur des rouages. Un Polar Politique passionnant. A voir d’urgence.

l’Affiche du Film.

Le cinéaste et scénariste Espagnol s’est inspiré pour son nouveau film du livre de son compatriote Manuel Cerdan évoquant la « corruption » en Espagne et l’histoire de Francesco Paesa               ( Eduardo Fernandez , Remarquable !) cet ex-agent secret engagé pour résoudre une affaire de détournement d’argent . Scandale d’état en perspective et rancune accumulée de la trahison jadis subie , ce dernier qui s’est distingué dans les « manipulations » et autres extorsions, saisit l’opportunité pour accomplir sa vengeance. Plongé au cœur d’un intrigue Politico-financiaire. Francesco , expert dans l’art du cynisme diplomatique rassurant lui permettant de mieux escroquer ses proies , et accumuler dans les « paradis fiscaux » les gains qui en découlent . Son habileté a retomber sur ses pattes n’a d’égal que son machiavélisme en marche pour donner le coup de massue à celui qui s’y attend le moins. Le mécanisme en forme de puzzle pour y parvenir est sans failles. Il consiste à se « fondre » dans celui d’une corruption généralisée, pour rendre encore plus efficace, son jeu de dupes . Et les têtes visées ne manqueront pas de tomber. Vérités et mensonges. Au cœur du labyrinthe , la mise en scène d’Alberto Rodriguez ,s’y invite avec une dextérité incroyable où l’ironie s’inscrit en miroir , pour en faire sourdre la complexité …

Francesco Paesa( Eduard Fernadez),   au téléphone , en pleine  action de manipulation…

Et son récit nous entraîne au cœur des multiples péripéties de celle-ci , dans le sillage de son héros et au cœur du scandale politique qui a conduit à la défaite du gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez. Francesco Paesa contacté donc dans le cadre de l’affaire révélée par la presse en Novembre 1993, impliquant Luis Roldàn ( Carlos Santos ) le chef de la «  guardia civil » soupçonné d’être au cœur d’un affaire de détournement d’argent public de plusieurs millions, depuis qu’il est en fonctions. La fuite du pays de ce dernier en 1994 , suite au mandat de recherche et d’arrestation lancé à son encontre , provoque la démission du ministre de l’intérieur. Francesco Paesa , sera également à son tour inculpé dans l’affaire pour détournements de fonds publics et corruption.Pour s’en sortir,  ses atouts d’ex-agent secret et d’expert en influences et manipulations d’hommes , d’argent , autres affaires et trafics ( d’armes ) louches , il va les mettre en œuvre . Son double- jeu avec les hommes du pouvoir en place et vis à vis de Roldàn , est au cœur du récit qui  distille l’inextricable nébuleuse , des mailles du filet dans lesquelles il se développe . Quel a été son véritable rôle  dans l’arrestation de Roldàn en 1998 ?. A t-il manipulé Roldàn pour se venger du gouvernement ?…ou a-t-il «  monnayé » ses services pour les deux camps afin «d’ alimenter » ses comptes dans les paradis fiscaux ? . Le mystère restera entier, d’autant qu’il s’éclipsera à son tour !. Recherché en vain , donné même pour mort …puis, réapparaissant ici ( à Paris?) où là , il restera insaisissable. La cavale de l’escroc parfait qui a berné tout un pays, et qui à quatre -vingt ans, court toujours …

Francesco ( Eduard Frenandez)  en négociation s, face à lui : Marta Etura Luis

C’est cette complexité et les enjeux révélateurs qui est le moteur de la mise en scène du cinéaste qui nous plonge au cœur du mécanisme . Et celle-ci , à l’image des manipulateurs de marionnettes, joue habilement des ficelles afin de nous guider à l’essentiel. Avec la complicité de la voix-off, puis la présence du narrateur , pilote de ligne imaginaire et bras droit de Francesco dit « Paco ». Un narrateur faisant office de témoin privilégié, mais prévenant le spectateur que « ses souvenirs » peuvent être sujet à caution car incomplets « et contenant quelques mensonges » , donc impartiaux .Ou est donc la vérité ? . Le décalage Brechtien introduit dans le récit par le cinéaste comme élément de fiction dans le réel est un des atouts importants du récit , dont le cinéaste utilise l’effet- miroir. La mise en abîme du réel et de la fiction en est le moteur , permettant d’introduire dans la nébuleuse des enjeux la part de la fascination et du mystère dont sont faits les habits de ce personnage ayant dupé tout un Pays . Symbole d’une corruption rampante et insaisissable qui a gangréné , le pays depuis quarante ans : « comment cela est-il possible ?.» .L’interrogation du cinéaste qui nourrit le film et ses multiples séquences qui nous entraînent dans le monde où se poursuivra la « cavale » de Roldàn , puis celle de Francesco.  Elle se fait le miroir révélateur de tout un labyrinthe d’enjeux politico-financiers et d’influences dans lesquels on se perd , hormis ceux qui dans les coulisses surfent sur les crises,  pour en profiter …

A gauche ,Luis Roldan ( Carlos Santos ) objet d’un contrôle …

Le cinéaste qui poursuit son exploration de « ce qui ne va pas » dans son pays pour tenter de comprendre . Son approche par le biais de la fiction et du Polar , se mue en une investigation sur l’évolution démocratique ( en panne?) de son pays après le Franquisme . En cinéaste de la nouvelle génération, il veut interpeller et tenter de comprendre . Cherchant à voir où sont les racines du mal . Comme c’était le cas dans Groupe d’élite (2012) où il décrivait les exactions d’un groupe de policiers « ripoux et corrompus »,  chargés de « nettoyer » la ville pour faire place nette à l’organisation de l’Exposition Universelle de Séville en 1992. De la même manière que dans la Isla Minima ( 2014) , deux policiers envoyés dans un village Andalou au cœur des marécages pour tenter d’élucider le meurtre de deux adolescents , vont découvrir un vaste réseau de trafics et meurtres où potentat local et policiers sont impliqués. A une échelle plus grande encore , la corruption des années 1990 qui succède à celle des années 1980 . Constat accablant où la dérision et l’humour , s’invitent comme une sorte d’appel d’air . De la même manière que la question de la morale des «  puissants », y est au cœur …

(Etienne Ballérini)

L’ HOMME AUX MILLE VISAGES d’ Alberto Rodriguez -2016 Durée : 2 h 01-
Avec : Eduardo Frernandez , José Cotonado, Marta Etura Luis , Carlos Santos, Enric Benavent, Alaba Galocha, Philippe Rebot…

Lien : L’ Homme aux mille  visages  ( Bande-Annonce  du  film )

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