La rue… dans la rue, il y a les gens, il y a les manifestations, de joie, de colère, de tristesse, de bonheur, il y a le sentiment de vivre, malgré tout : la rue parle. Et puis il y a les murs. Ils parlent, eux aussi : leur couleur, leur état, ceux qui y écrivent dessus, grafs, dessins au pochoir ou à la bombe, l’art du pressionnisme*.
Il y a à Nice un photographe qui transbahute ses guêtres – et donc ses appareils photos – depuis on va dire un bail- dans la rue, qui n’en perd pas une miette, et nous retransmet tout chaud cette poésie de l’inattendu. C’est Pierre Hugues Polacci. Basé dans le Vieux Nice, il a participé depuis le début des années 70 au développement de la photographie et de son expression artistique.
Depuis 33 ans il photographie ce que nous dit cet art poétique des murs. Une occasion d’approcher son témoignage aux yeux grands ouverts est l’exposition qui s’accroche aux murs – justement- de la cave Romagnan jusqu’au 30 avril, Murs en poésis**
Détournement d’écrits « officiels », comme ce défense d’afficher devenu libre d’afficher, écrits percutants de Miss.tic*** (corps rompus, je liquide mes innocences, il est trop tard pour être sage), tags, fresques murales, à l’instar de celle peinte à l’intérieur du feu le Café de la dégustation, pochoirs dignes d’œuvre d’art, graffitis colorés, les clichés de PHP (Pierre Hugues Polacci) promènent un regard amoureux vers/sur cette liberté d’expression. Ces (ses ?) images ont la puissance de mots, ces (ses ?) mots ont le pouvoir d’images. « Ce n’est pas le mot qui fait la poésie, c’est la poésie qui illustre le mot ! » (Léo Ferré)
Ici, foin de tralala et de cimaises : c’est sur des cordes que sont pince-à-lingés les photos rappelant les cordes, fixés de murs à murs, sur lesquelles sèche le linge « “J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse. » (Rimbaud, les illuminations)
Mais c’est peut-être Prévert et son univers qu’il faut évoquer devant cet « art poétique » des murs, de la rue et du regard polaccien. Au demeurant, j’écris ceci le jour du 40ème anniversaire de la mort de Jacques. Cette exposition en est sans doute le plus bel hommage.
Murs en poésis exposition de Pierre Hugues Polacci – jusqu’au 30 avril Cave Romagnan 22, rue d’Angleterre Nice (quartier Notre Dame) 07 69 54 08 06 http://caveromagnan.free.fr/
Jacques Barbarin
*L’Art du Graffiti ou Pressionnisme est un mouvement pictural. Il s’intéresse aux œuvres réalisées à la bombe, issues d’un mouvement éclos sous pression, il y a quarante ans, dans les métropoles américaines, puis européennes et désormais mondiales. Ces pressions, définies par certains artistes comme à la source de la puissance et de l’énergie de leurs réalisations, ont conduit à nommer ce mouvement le Pressionnisme. Le néologisme pressionnisme a été inventé par Alain-Dominique Gallizia.
** Du grec ancien poíêsis (« création »)
*** Artiste plasticienne et poète d’art urbain, ses œuvres apparaissent dans le paysage pictural et urbain à partir de 1985. Née à Paris, Miss.Tic grandit sur la Butte, le quartier des poètes, des peintres ; plus tard, devenue une figure de l’art de la rue, elle utilisera souvent la référence à ce quartier dans ses œuvres et ses performances.
P.S : « le graf » de Miss.tic en illustration n’est pas dans l’exposition mais résume assez bien l’artiste