Dans Pourvu qu’on m’aime, Enea, 29 ans , à la fois autiste et déficient mental, recherche la femme idéale. A travers son documentaire et pour son premier long-métrage, le réalisateur italien Carlo Zoratti porte un regard sensible et réaliste sur l’autisme.

Réalisateur de clips, de publicités et de courts métrages, mais aussi créateur d’une web TV et directeur artistique du chanteur Jovanotti en 2013, Carlo Zoratti signe son premier long métrage avec Pourvu qu’on m’aime. L’idée lui est venue lorsqu’il a croisé Enea, à la fois autiste et déficient mental, qu’il connaissait depuis de nombreuses années et avec qui il était très proche. Il n’était plus l’enfant qu’il a connu mais un adulte. La question de savoir s’il avait une petite amie a été le point de départ. Dans le film, Enea, 29 ans, déclare : « J’ai eu dix copines, mais je les ai toutes plaquées », mais on comprend très vite que sa vie amoureuse est bien moins épanouie qu’il ne le prétend. En manque d’amour, Enea est à la recherche d’une compagne. Carlo et Alex, ses deux amis qui ne sont pas autistes et qui le connaissent depuis l’âge de 15 ans, l’accompagnement dans sa quête. Enea n’est pas timide. Lors d’une fête foraine ou à la piscine, il aborde maladroitement des jeunes filles, mais à chaque fois, à cause de son handicap, c’est l’échec. Il est fasciné par les femmes, et pense avoir trouvé la femme idéale dans un magazine, mais ses camarades handicapés lui font comprendre qu’elle n’est pas pour eux, de même qu’il ne parvient pas à faire la différence entre prostituée et amie.

En Italie, la prostitution est illégale. Les autistes adultes sont considérés légalement comme des enfants et ne peuvent faire entendre leur volonté. Alors, il y a deux solutions, transgresser la loi ou quitter le pays. C’est ce que font Carlo et Alex qui emmènent Enea dans leur camionnette, direction le nord de l’Allemagne et l’Institut pour l’autodétermination des Handicapés, un établissement qui propose un accompagnement sexuel pour les handicapés physiques et mentaux. Le film prend alors des allures de road movie. Si Enea n’est pas un acteur, pas plus que Carlo et Alex, cette touchante histoire s’apparente pourtant à une fiction, où plus précisément à un docu-fiction. Un distinguo qui importe peu au réalisateur : « Cette classification n’a pour moi aucune espèce d’importance. J’ai fait un film tout simplement. Libre à chacun de définir son genre : documentaire, film ou film d’horreur… La seule chose que je sais, c’est que Pourvu qu’on m’aime peut faire partie des deux genres ».

Voyage initiatique pour Enea, mais aussi pour Carlo et Alex qui, s’ils connaissent bien leur ami sont amenés à cette occasion à mieux comprendre ce qu’est être autiste, le film aborde à la fois des thèmes comme « l’amour et la sexualité » et « l’exclusion et le handicap », mais aussi la soif d’émancipation et d’indépendance d’un jeune homme. Pour son premier long métrage Carlo Zoratti, porte un regard sensible et réaliste, sans jugement, sur l’autisme et mêle tendresse, émotion, naïveté, drôlerie et amitié.
Enea parviendra-t’il à réaliser son rêve ? Pour le savoir, nous vous invitons à découvrir le film, sans plus tarder, en salle.
Pourvu qu’on m’aime de Carlo Zoratti (Documentaire – 2013 – 1h24), avec Carlo Zoratti, Enea Gabino, Alex Nazzi
A voir :
La bande annonce de Pourvu qu’on m’aime
Le Comité Consultatif National des Autistes de France. Le CCNAF est une association loi 1901, composée d’autistes bénévoles œuvrant pour la participation directe des autistes avec les pouvoirs publics.
« À l’occasion de la Journée internationale de sensibilisation à l’autisme, je lance un appel pour que les droits des personnes atteintes d’autisme soient mieux respectés et pour qu’elles puissent participer pleinement à notre famille humaine diverse et y être intégrées en tant qu’éléments de valeur à même de contribuer à un avenir de dignité et d’opportunité pour tous. »
M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU (Janvier 2007 au 31 décembre 2016), à l’occasion de la journée Internationale de sensibilisation à l’Autisme le 02 avril 2017.
L’autisme : L’autisme est un trouble envahissant du développement qui commence pendant l’enfance. C’est un trouble de la perception et du traitement de l’information dans le cerveau. En plus des problèmes de comportement (activités et centres d’intérêts restreints stéréotypés et répétitifs par exemple), la capacité de communication et l’interaction sociale sont grandement affectées chez les personnes concernées. Dans le même temps, les personnes autistes peuvent aussi avoir des capacités de mémoire et de concentration élevés. Les symptômes et la gravité de l’autisme sont variés, allant du syndrome d’Asperger au handicap mental.
L’Institut pour l’autodétermination des Handicapés : L’ ISBB se trouve au nord de l’Allemagne. Ce lieu a été fondé il y a 25 ans suite aux mouvements d’émancipation des handicapés, par Lothar Sandfort, lui-même handicapé physique. La proposition : un accompagnement sexuel pour les handicapés physiques et mentaux. Les acteurs : des prostitués qui ont suivi une formation spéciale pendant 6 week-ends. L’ISBB propose plusieurs variantes de ses séminaires : pour les hommes avec des problèmes cognitifs, pour les handicapés physiques sans oublier les journées Tantra qui s’adressent aussi bien aux handicapés qu’aux personnes non handicapées. L’assistance sexuelle est juridiquement une forme de prostitution. La prostitution est légale en Allemagne du moment qu’elle est volontaire, exempte de violence et d’exploitation sexuelle.
Philippe Descottes