Le cinéaste de La nuit nous appartient et de The immigrant, nous propose avec son dernier film une magnifique odyssée dans le sillage de l’explorateur Anglais Percy Fawcett. Empruntant les codes des films d’aventures classiques dont il modernise le regard, avec la complicité de la lumière du grand directeur de la Photographie, Darius Khondji…

Enfin, le cinéaste a pu porter à l’écran ce projet de The Lost City of Z ( voir la bande-annonce ) qui lui tenait à cœur, retardé pour des raisons de mise en place et de production qui se sont multipliées pendant une dizaine d’années , et fini par se concrétiser. Comme si l’obstination de se confronter à un projet en forme de défi éloigné de ses thématiques habituelles, l’avait fait se retrouver -toutes proportions gardées- en osmose avec celle obsessionnelle de la quête de son héros, l’explorateur Anglais, Percy Fawcett ( 1867-1925) dont il retrace le parcours. Ce dernier, aristocrate Anglais sollicité par la très sérieuse Royal Géographic Sociéty pour cartographier des régions restées inconnues dans la zone frontière entre la Bolivie et le Brésil. Une zone, objet de troubles, liés à des litiges concernant le tracé de la Frontière entre les deux pays, qui perturbent par ailleurs les relations entretenues avec eux dans le cadre des concessions d’exploitation ( caoutchouc…) accordées à la Grande- Bretagne. Un tracé sérieux permettant d’en définir les contours, permettrait de mettre fin aux litiges. Parti avec une équipe réduite, à laquelle participe son ami aide de camp Henry Costin ( Robert Pattinson ), Percy Fawcett ( Charlie Hunnam ), va remonter la partie restée inexplorée du Rio Verde. Et y découvrir des vestiges ( ancienne poteries, et sculptures),témoignant de l’existence d’une civilisation inconnue …

Pensant que la découverte est d’une importance primordiale et peut révolutionner les connaissances scientifiques sur les peuplades primitives disparues. Ce dernier va demander, preuves à l’appui de sa découverte, d’organiser une expédition afin de trouver des éléments nouveaux qui permettraient de confirmer , suite à sa découverte, sa thèse de l’existence d’une population ancienne qui a su s’adapter et développer les richesse nécessaires d’une culture et d’une industrie adaptée à ses besoins. Dont la mémoire s’est perpétuée chez les peuplades indigènes existantes. Levée de boucliers des conservateurs et de la communauté scientifique refusant d’attribuer aux indigènes l’intelligence et la capacité de développer et créer une telle civilisation. L’ Eldorado en question, et le spectre d »une possible disparition, liée aux conquêtes coloniales dont ces peuplades furent victimes de l’esclavage, mais aussi des maladies apportées par les conquérants et les ont décimées. Comme le confirmeront des études postérieures estimant que près de 80% des peuplades indigènes de l’Amazonie en ont été victimes. Porteur d’une vision progressiste et romanesque, Percy Fawcett veut en apporter la preuve et va lever des fonds pour une nouvelle expédition… qui sera un échec. Mais l’explorateur n’en restera pas là …

Désormais sa quête devenue obsessionnelle va se décliner en un va et vient sur plusieurs années , entre l’Amazonie et le retour au pays, et les retrouvailles avec une vie familiale entre chaque expédition qui lui vaudra les reproches et la colère de son fils aîné se sentant « abandonné ». De la même manière que, plus tard, sa femme Nina (Sienna Miller) ayant manifesté le désir de l’accompagner pour être près de lui, se voit renvoyée … à ses marmites !. Percy, son regard et ses idées nouvelles et progressistes envers les peuplades colonisées, n’en est pas moins aussi le reflet des idées d’une époque où l’on n’envisage pas une femme aventurière, sportive et résistante susceptible d’affronter les dangers ,…sa place est au foyer !. Regard original sur un couple qui ne l’est pas moins au cœur d’une société rigide de laquelle il se démarque, et y inscrit les concessions de sa propre liberté, qui lui permettront de résister au passage du temps. Une belle histoire de fidélité et d’amour. C’est un des aspects passionnants du film qui intègre l’intime et le romanesque, au cœur du film d’aventures . Rapports du couple et rapports familiaux. Les conflits intérieurs de Percy, comme ceux des autres personnages, auxquels James Gray réserve un place égale et aussi importante. Qu’ils soient liés à leurs futurs choix de vie personnels ( de ses camarades d’aventure ) et (ou) aux contraintes de la société dans laquelle ils vivent.Comme c’est le cas de Percy qui se voit tour à tour par elle-ci, être l’objet de sollicitations ou de rejet. On y dégustera aussi cette « dualité » qui l’habite, sans cesse tiraillé par le partir- revenir, ne semblant jamais être vraiment, là où il est…attiré par les deux univers qui au fond, sont ancrés au cœur de ses préoccupations …

Et puis, contraint de participer au premier conflit mondial, se retrouvant en France au cœur de la grande boucherie de la bataille de la Somme. Le voilà confronté à s’interroger sur la violence inhérente au monde moderne et ses guerres, et se prendre à rêver à la « cité Z» comme un possible (?) havre de Paix. La question se pose alors de la civilisation, de son progrès, de son fonctionnement, de son rapport à la violence et à la mort. Les rapports de forces de classes sociales, des clans, et ( ou ) de domination de l’autre qui y sont au cœur, et perpétués depuis la nuit des temps. Alors, entre le monde civilisé et celui qui est considéré ne pas l’être, est-elle si grande ?. Le monde civilisé n’est-il pas lui aussi condamné à disparaître, comme la « Cité Z » indigène ?. C’est cette réflexion, qui hante le film et le récit des expéditions et la quête de Percy. Une quête intérieure qui devient addictive, au point de le faire sombrer dans une certaine folie, déchiré qu’il est entre deux mondes. La disparition de ce dernier accompagné de son fils lors de la dernière expédition en 1925, évoquée en une sorte de cérémonie sacrificielle ( magnifique scène nocturne enrobée dans le flou des lueurs des flambeaux..), est emblématique. Les multiples recherches étant restées vaines et le mystère entier, la légende peut s’y glisser: ont-ils péri au cœur des dangers de la zone inexplorée ?, où sont-ils arrivés à bon port et choisi de vivre avec les indigènes ?. Quel qu’ai été leur sort, père et fils réunis enfin dans cette expédition venue sceller un lien que la vie n’avait n’avait pas réussi à concrétiser. De la même manière que le plan final de Nina, s’éclipsant dans la serre ( une sorte de mini-jungle…) du jardin de l’Académie Royale de géographie, semble s’en aller rejoindre dans l’inconnu de l’au-delà, son époux et son fils. La famille enfin réunie pour l’éternité . Magnifique final…

Enfin, il faut souligner le travail de Darius Khondji dont la photo habille le film des ses nuances . Le Franco- Iranien, est l’un des plus grands opérateur actuels qui a illuminé les films des plus grands cinéastes ( Sydney Pollack, Ridley Scott, David Fincher, Woody Allen,Wong- Kar Waï, Clint Eastwood, Stephen Frears, Michaël Haneke…) et de James Gray, bien sûr. Son travail y est exceptionnel dans les tonalités, le choix des couleurs, les éclairages auxquels, le choix de la pellicule 35mm son grain et sa texture, ajoutent nuance et cohérence. En osmose avec elle, ils subliment la mise en scène. Offrant aux destinées humaines et à leurs mouvements dans les espaces, les tonalités citées y traduisant leurs sentiments. Rapports aux espaces extérieurs ( la jungle Amazonienne, le fleuve, les tranchées de la guerre…), au décors intérieurs ( la maison familiale, la société Royale de géographie…) qui sont le cadre des dangers, violences ou tensions . Au sentiment d’inquiétude, d’oppression, d’incertitude ou de peur de l’inconnu, finit par surgir de la grisaille et de l’ombre, un rayon de lumière auquel on s’accroche. Superbes scènes de basculement dont la photographie accompagne la mise en scène et le récit du cheminement moral de ses personnages. Ainsi, au cœur des dangers de la Jungle Amazonienne, dont Percy s’évade en se souvenant du foyer familial, ce sont les couleurs douces et rassurantes du foyer familial qui servent de refuge à la froideur inquiétante et hostile des couleurs vertes et sombres de la forêt. De la même manière qu’en plein du bourbier de la guerre et des éclats d’obus, Percy ne peut qu’avoir le recours moral pour s’en évader, et se laisser porter vers … l’appel de la forêt Amazonienne .
L’aventure , le romanesque , l’intime et les questionnements sur l’évolution de l’humanité et des sociétés, . Le plaisir du cinéma dans toutes ses déclinaisons, y est magnifié. Un grand film…
(Etienne Ballérini )
THE LOST CITY OF Z de James Gray – 2017- Durée : 2h 20.
Avec : Charlie Hunnam, Robert Pattinson, Sienna Miller, Tom Holland , Edward Hasley,Agnus McFayden, Franco Nero….
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