A Helsinki un exilé Syrien en attente de la réponse à sa demande au droit d’asile , trouve un peu de chaleur chez quelques âmes accueillantes . Une nouvelle superbe histoire de solidarité par le réalisateur de l’Homme sans Passé et de Le havre. A ne pas manquer .

Le cinéaste dont l’ouvre est quasiment entièrement construite sur les relations humaines et sur la quête de l’autre et de sa compréhension comme rempart à toutes les injustices dont on peut être les victimes . Qu’ils s’agisse d’une rupture ou d’un abandon , de délaissés d’une société devenus clochards , d’exilés de pays sans espoir ou avenir , de réfugiés de pays en guerre . Il s’agit d’êtres confrontés à la violence et au rejet , mais il y a aussi des rencontres fortuites qui peuvent vous changer la vie , et disent cette sorte de solidarité spontanée qui peut naître comme une musique d’espoir. Cette musique qui est un des leitmotiv aussi de l’oeuvre du cinéaste, on la retrouve ici au coin d’une rue ou dans les bars où elle rapproche par le chant ( les paroles ) et par la danse , les individus . Il y a d’ailleurs cette commerçante croisée par le représentant de commerce en chemises qui lui explique quelle s’en va s’en aller vivre sa retraite au Mexique …pour y danser le Hula !. Et, première séquence du film , voici que débarque Khaled ( Sherwan Haji ) du navire où il s’était caché dans un amas de charbon , pour échapper à un contrôle qui le renverrait dans son pays en guerre . Helsinki , voit arriver ainsi ce jeune réfugié Syrien qui a dû fuir sa ville d’ Alep en guerre , pour y venir demander droit d’asile . Bureaux administratifs et formulaires , on note , on écoute… sans vraiment écouter . La déshumanisation administrative et froide en marche, sera le premier choc de celui à qui l’on avait dit , après avoir traversé bien des déboires et perdu sa sœur en route , que la Finlande était un pays accueillant pour les étrangers !…

Certes on l’écoute raconter les violences subies, mais on multiplie les rendez-vous pour se renseigner et compléter le dossier . On le fera attendre dans un centre où d’autres comme lui, à l’image de Mazdak ( Simon Al-Bazoon) qui a fui l’Irak , attendent de connaître leur sort. L’attente de la réponse des autorités reflètera cette déshumanisation glacée sans compassion . Estimant que « la situation s’est momentanément amélioré en Syrie » , Khaled se voit signifier que « plus rien ne s’oppose au renvoi à Alep » (!). Alors le tonnerre de l’indignation éclate dans la description jusque là restée sage du récit par le cinéaste , avec l’intrusion des images des bombardements et d’Alep en ruines. Fustigeant , l’hypocrite justification dont le refus du permis de séjour est révélatrice . De cet aveuglement coupable qui refuse de voir la réalité en face et écouter les témoignages de ceux qui comme Khaled , ont fui d’autre pays en guerre et ayant échapper à la mort qui a souvent décimé leurs familles. Pour trouver de l’aide , du secours , ou , un peu de compassion. A ces images d’actualités qui font irruption et témoignent d’une réalité , et d’un monde contemporain glaçant dans son aveuglement . Le cinéaste , imperturbable lui renvoie en miroir de la poésie de l’humour et des rencontres qui se construisent dans l’ombre d’une forme de résistance solidaire. Celle-ci se déroulant face à leurs yeux aveuglés de préjugés, qu’ils n’en voient même plus, la multiplicité des possibles qui permettent à celle-ci, de se concrétiser …

Ainsi l’arroseur se retrouve -t-il …arrosé !. Les frères lumière invités chez Kaurismäki ce n’est pas une surprise pour ceux qui connaissent le cinéaste admirateur du cinéma des débuts ( Méliès et aussi , Linder , Chaplin …) dont il irrigue le sien de son désordre . Ses plans composés qui le distillent , y inscrivant en miroir de cet ordre policé des fonctionnaires ( leurs gestes , leur attitude et , leur langage …) , auquel fait miroir réfléchissant celui des hommes et des femmes de la cité et les étrangers qui s’y invitent. Ceux qui expriment le désordre multiple d’un société dont ils sont les protagonistes rêveurs qui s’expriment librement et dans lequel personne n’est écarté, s’il en exprime le geste authentique qui peut lui ouvrir la porte . A l’image de cette femme agent du centre des migrants… qui aidera Khaled à s’évader . Si la nature rend cet élan charitable impossible, alors dans la confrontation des deux univers, c’est la fraternité qui va s’y opposer , pour renvoyer au néant l’obstination aveugle du rejet dont elle fait preuve . Comme l’illustrent de nombreuses séquences, à l’image de celle du contrôle sanitaire du restaurant où sont dissimulés avec une belle subtilité digne d’une tour de magie ( à la Méliès ) , les preuves d’une infraction…et la présence de Khaled.

Alors c’est tout un autre monde fraternel qui va se mettre en marche , celui prônant une humanité vraie, celle dont fait preuve le personnage de Wikström ( Sakari Kuosmanen ), comme double de Khaled . Deux destinées si dissemblables qui vont se croiser pour construire cette « fraternité clandestine » que le cinéaste appelle de ses voeux. Wikström qui, à peine sorti de la séparation avec sa femme alcoolique, décide de refaire sa vie. Le représentant de commerce après avoir joué et triché (?) au poker , reprend une brasserie dont il garde le personnel ( beaux portraits de figures pittoresques… ) auquelles , vient s’ajouter Khaled. Ce dernier venu se réfugier dans la cour du restaurant de Wikström qui est touché par sa situation , va être pris sous son aile. Tout ce petit monde va faire front et développer cette entr’aide par de multiples idées novatrices afin de rendre pérenne la rentabilité du Restaurant. Séquences hilarantes s’inscrivant dans la continuité du cinéma burlesque et où les idées fusent . Révélatrices à la fois d’une certaine dérision de soi (le chef cuisinier qui dort débout… ) , mais aussi d’une inventivité ( le sushi au hareng !) qui n’ hésite pas à s’inspirer d’une modèle ( la société libérale de consommation ) pour y inscrire, son modèle d’une fraternité joyeuse . Les déguisements et divertissements qui s’invitent dans ce restaurant aux mille facettes où tout un chacun revendique sa place et son salaire face à un patron qui tient la barque et sait faire sacrifice pour préserver cette communauté , sans laquelle ils ne seraient plus rien . Alors les voilà devenus plus forts, pour faire face à l’adversité et à la violence des brutes racistes qui agressent et poignardent les étrangers… et pour faire fonctionner la chaine de solidarité qui permettra à Khaled de retrouver sa soeur de laquelle il a été séparé , lors de leur longue marche de l’exil .

Aki Kaurismäki construit , tout en nuances , en poésie et en humour ce petit monde qu’il dit appeler de ses vœux , comme il l’explique en réalisateur- citoyen concerné dans sa « note d’intention ». On lui laisse le dernier mot : « Avec ce film je tente de mon mieux de briser le point de vue Européen sur les réfugiés , considérés tantôt comme des victimes objets de notre apitoiement , tantôt comme des réfugiés économiques qui ,avec insolence, veulent prendre notre travail , nos femmes , nos logements et nos voitures . La création et le développement de nos préjugés en stéréotypes ont une sombre résonance dans l’histoire de l’Europe . L‘autre côté de L’espoir , est , je l’avoue volontiers, un film qui tend dans une certaine mesure et sans scrupules à influer sur l’opinion du spectateur, et essaie de manipuler ses sentiments pour y parvenir. Cette tentative évoquée ci-dessus va naturellement échouer, mais il en reste, j’espère, un film intègre, un peu triste, porté par l’humour et un peu réaliste sur les destins de quelques hommes dans ce monde d’aujourd’hui « .
L’AUTRE COTE DE L’ESPOIR d’Aki Kaurismäki -2017- Durée :1h38 –
Avec : Sherwan Haji, Sakari Kuosmanen , Simon Al- Bazoom , Iikka Koivula , Timo Torikka,
Tommi Korpela , Kati Utinen…
-Voir la Bande annonce du film d’Aki Karismäki , L’autre côté de l’espoir .
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[…] de Lucas Belvaux (2012 – 1h39) 22h20 : Le Havre d’Aki Kaurismaki (2011 – 1h30) 23h55 : L’Autre côté de l’espoir d’Aki Kaurismaki (2017 – 1h36). Jeudi 12 – La toile de l’araignée […]
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